Actualités : Ressenti d’une externe en radiologie

Publié le 16 mai 2022 à 14:11

TÉMOIGNAGE

J’ai passé mon 1er trimestre de DFASM3 en stage dans le service d’imagerie du CHU Henri Mondor du 1er octobre au 31 décembre 2020. A l’heure actuelle (fin novembre), je suis très heureuse d’avoir choisi ce stage (qui est quand même choisi parmi les premiers terrains de stage) malgré certains a priori que j’ai pu avoir avant d’y mettre les pieds. Avant d’y aller, les arguments qui faisaient que je n’étais pas particulièrement attirée par ce stage font partie des idées préconçues qu’on partage (presque) tous en tant qu’étudiants en médecine ; idées qui ont vite été oubliées avec mon expérience dans le service. Tout d’abord, j’ai craint l’absence de clinique et que le fait de passer 3 mois sans voir un patient risquait de m’éloigner de mes connaissances, d’autant plus dans un contexte de DFASM3 et le certificat de synthèse clinique et thérapeutique (CSCT) oral approchant. Ce qui ne m’attirait pas non plus, c’était le cliché qu’on se fait d’un radiologue : un mec dans un bureau sur l’ordinateur, qui n’est pas forcément submergé de travail ; j’avais donc peur de m’ennuyer. Avec le corollaire que l’imagerie est de toute façon toujours moins palpitante qu’une pathologie clinique sur un « vrai » patient.

J’avais aussi l’idée que dans la médecine en général, le diagnostic ne se fait pas à l’imagerie mais en clinique (+/- anapath), comme beaucoup de profs nous le répètent constamment (« ne prescrivez pas trop d’examens…

À mon époque, 80 % du diagnostic se faisait à l’examen clinique, etc. »). Mais j’ai finalement choisi ce stage parce qu’on me l’a chaudement recommandé (parmi les externes des anciennes promos qui y étaient passé, mais aussi par certains profs, notamment dans les conférences, qui ont souligné l’importance de l’imagerie pour l’ECN, et la pratique future !), et aussi dans l’optique d’en apprendre plus sur l’imagerie en général, qui reste assez superficielle dans nos cours.

Les avantages que j’ai tiré de ce stage

  • J’ai énormément appris (j’admets qu’avant ce stage, je pensais « maîtriser » l’imagerie, au moins de l’ECN, j’étais bien loin du compte), et sais maintenant analyser une imagerie de manière systématique, avec une approche plus ciblée et technique (en exploitant les différentes modalités type séquence, densité, signal de l’examen sur lesquelles, avant le stage, je ne m’appuyais pas forcément). J’ai aussi appris à « lire » une pathologie sur l’imagerie avec des signes radio spécifiques, et pas seulement « rechercher la présence de signes cliniques » à l’imagerie (comme j’ai pu faire avant). Par ex : maintenant quand je vois le tube digestif au scanner, je n’abandonne pas directement devant ce fouillis, mais je distingue les segments, la continuité du tube, les éventuels signes pathologiques (parois, diverticules, infiltration de graisse), la présence +/- anormale de selles, etc.
  • Dans cette idée, j’ai aussi retenu que même si, dans une démarche diagnostique, l’imagerie reste un « débrouillage », elle apporte énormément d’éléments et que (même si ce n’est pas toujours officiellement écrit sur les comptes rendus) le diagnostic est souvent posé (ou du moins très orienté). Dans cette idée, j’ai beaucoup appris au niveau clinique (contrairement à ce que j’aurais pensé) car l’imagerie, surtout en coupes, est tellement précise qu’au final on retrouve l’anatomie, et parfois même la physiopathologie. J’ai ainsi compris plusieurs pathologies de manière plus claire avec ce support visuel physique « direct » (aussi grâce aux supers professeurs que j’ai côtoyé pendant ce stage, qui sont pour moi de véritables cliniciens).
  • Grâce au PACS, il y a maintenant une véritable collection d’imagerie à disposition, grâce à laquelle on m’a montré des cas incroyables (le syndrome de Bouveret est gravé dans ma mémoire).

Inconvénients

  • Malgré la vision rose que j’ai commencé à avoir de la radio en général, je me suis rendu compte qu’il faut quand même savoir garder un recul devant une imagerie, que l’examen n’est pas absolu. D’ailleurs les chefs insistaient bien dessus à ce propos, en expliquant aux internes qu’il arrive qu’on ne puisse pas conclure sur une imagerie, et que ce serait même péjoratif de « déduire » une fausse conclusion.
  • L’imagerie ne fait pas loi, elle a ses défauts, comme un des chefs me l’a justement démontré sur l’évolution chez un de ses patients : le patient avait eu une radio du thorax normale et 1 semaine plus tard un scanner thoracique qui mettait en évidence un(e) (suspicion de) cancer broncho-pulmonaire, relativement volumineux. Il nous montrait cette comparaison pour cibler le défaut de la radio classique en dépistage de cancer, et la supériorité du scanner, mais j’en ai surtout retenu qu’une imagerie n’est jamais fiable à 100 %.
  • Je ne suis restée que 3 mois, mais j’avoue qu’après avoir reçu des mises en garde régulièrement durant le stage par rapport à l’irradiation des examens (tabliers de plomb, dosimètres partout, etc.), et pour avoir fait l’item de la radioprotection en médecine du travail tout récemment, cet aspect de la radiologie n’est pas des plus attirants.

Découverte en stage

L’étendue de la spécialité radiologie : je n’avais pas réalisé à quel point cette spécialité est diversifiée : la neuroradiologie (qui à Mondor est un service distinct, physiquement et avec toute une équipe différente de chefs et internes), l’échographie, la sénologie, le scanner, l’IRM, toute la radiologie « fonctionnelle » avec par exemple le TOGD, la radiologie standard (avec les infiltrations) et surtout la radiologie interventionnelle. J’ai découvert l’étendue des gestes qui sont pratiqués dans ce service (de la ponction d’ascite écho-guidée, à la radio-embolisation au bloc de vasculaire) dont je n’avais pas réalisé l’ampleur avant le stage. C’est surtout la radiologie interventionnelle qui m’a interpellée : je me suis retrouvée au bloc avec des flashbacks de mon stage en chirurgie vasculaire où j’ai vécu quasiment la même scène. J’ai trouvé qu’au final, les spécialités se recoupent beaucoup (notamment avec la thrombectomie dans l’AVC en neuroradio), et j’avoue avoir été étonnée de la place insoupçonnée des radiologues dans ces prises en charge.

Idée préconçue modifiée : Les radiologues sont, comme je l’ai dit des cliniciens/médecins avant tout, et que l’imagerie ne se demande pas (comme c’est le cas de tout examen complémentaire) sans démarche réfléchie, sans diagnostic précis à rechercher/éliminer. On ne fait pas un scanner à un patient en espérant trouver quelque chose, on le fait quand on cherche quelque chose. Dans la suite de cette idée, demander une imagerie sans indication n’a pas de sens (comme j’ai pu le voir en stage, malheureusement beaucoup d’examens demandés sans indication clinique…, ce qui agaçait bien des chefs).

Par contre on m’a demandé pendant le stage si je pensais que l’imagerie était à risque d’être remplacée par l’intelligence artificielle et si je pensais qu’en ce sens, c’était une spécialité en danger. Personnellement je n’avais jamais eu d’écho à ce propos, et après y être passée, je partage encore moins cet avis après avoir vu à quel point l’interprétation d’une imagerie demande une réflexion et un recul par rapport à l’examen en lui-même, avec l’importante vision globale (les antécédents du patient, etc.) et notamment les faux signes qu’à mon avis seul un radiologue peut interpréter (par exemple la distinction entre un micronodule pulmonaire et une artériole pulmonaire en coupe). Et concernant la place des radiologues, je pense que la spécialité ne peut plutôt que s’étendre, avec une part grandissante du champ de l’interventionnel, peut être au détriment de la chirurgie…

Points à améliorer du stage

  • Le nombre d’externes ++++ : c’est trop dommage qu’on ne soit que 2 D4 à passer par trimestre, vu l’immensité du service et tout ce qu’on a à y apprendre. Mais je trouve que le passage est idéal en fin d’externat.
  • Peut-être que si le nombre d’externes augmente, il serait possible d’organiser des cours spécifiques pour les externes (même si les cours d’internes sont très intéressants en soi, un peu spécialisés), car pendant le stage, je n’ai pas eu tant que ça l’occasion d’observer d’imagerie « normale ».

Ce que j’en tire, c’est :

  • Que l’imagerie qui prend une place prépondérante dans la médecine aujourd’hui, est un outil qui devrait être maîtrisé par tout clinicien, et pas seulement le radiologue.
  • Que j’envisage maintenant de choisir cette spécialité très intéressante après l’ECN, alors qu’avant ce n’était pas le cas (d’autant plus que je suis intéressée par la chirurgie et la clinique, la radio semble un bon compromis entre les deux).

Article paru dans la revue “Union Nationale des Internes et Jeunes Radiologues” / UNIR N°41

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