
Jeune cheffe de clinique au DUMG
DUMG : Département Universitaire de Médecine Générale
On se croise dans un couloir lors d'une réunion du DUMG où je suis conviée en tant que représentante des internes de Médecine Générale. Plus vraiment interne et pas tout à fait encore enseignante elle me dit “tu sais j'étais interne il y a à peine un an, je sais que le DUMG, on ne s'y projette pas forcément quand onest interne…”. C'est le moins qu'on puisse dire du côté des internes toulousaines qui se sentent dans un rapport très scolaire et très hiérarchique avec le département... Alors comment passe-t-on de l'autre côté ? Le DUMG ça n'est pas que rabacher la marguerite des compétences ? Alors je me décide à rencontrer Alix pour qu'elle nous fasse découvrir les coulisses d'un DUMG, et peut-être même changer notre regard ?
Comme moi, tu étais interne à Toulouse il y a peu ?
En effet, j'ai fini en 2023 mon internat de Médecine Générale qui était encore de 3 ans à ce moment-là. J'ai fait une partie de mon internat à Toulouse et une autre dans le Comminges, un territoire plus rural au sud du département de la Haute-Garonne vers les Pyrénées. J'ai commencé l'internat avec un sac sur le dos, comme beaucoup d'internes de Médecine Générale. J'ai adoré découvrir des univers, des patientèles, des modes de pratique variés, même si ça demande un peu d'organisation.
J'ai eu la chance de pouvoir choisir des stages en Maison de Santé Pluriprofessionnelle (MSP), un mode de pratique très stimulant, propice à monter des projets de soins. Mes Maîtres de Stage Universitaires de mon stage de Médecine Générale de niveau 1 et de SASPAS étaient tous les deux engagés au département de Médecine Générale. L'occasion de quelques échanges enflammés sur l'organisation du DES, ou encore sur la 4e année (j'étais chargée de mission ISNAR-IMG à l'association des internes de Toulouse en même temps !). Avec le Dr Poutrain, j'ai découvert comment son engagement à la faculté lui permettait de pratiquer une Médecine Générale engagée à la fois pour les internes et pour son territoire. Sa méthode : écouter les remarques et suggestions des internes, en faire un projet pour la MSP, le valoriser par une thèse et sa publication. Ce dynamisme m'a vraiment convaincue que la santé de nos patients ne se jouait pas qu'à l'échelle de la consultation.

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Qu'est-ce qui t'a menée à la recherche ?
Je pense que ce qui m'a amenée à la recherche c'est d'abord la curiosité, et l'envie d'améliorer la prise en soins des patients, ce qui va de paire avec l'augmentation de notre épanouissement au travail ! Depuis l'externat, j'ai toujours été un peu révoltée par les conditions de travail qui amenaient à des prises en soins douteuses pour les patients et de l'épuisement de notre côté. J'avais l'intuition que de l'intérieur du système, des idées judicieuses pouvaient germer. Je l'ai constaté et j'ai eu envie de participer au mouvement de ceux qui tentent de développer et d'améliorer nos pratiques professionnelles et de les diffuser au plus grand nombre. Par exemple, pour mon mémoire de DES, j'ai pu m'initier à la méthode de la recherche-action en s'essayant à organiser un parcours de soins pluriprofessionnels pour optimiser la prise en charge des patients en cours de demande d'asile, accueillis dans un centre du bassin de soin de la MSP.
Alors en quoi ça consiste un Master 2 ?
Pour développer des compétences en recherche, le meilleur moyenest de réaliser une année de Master 2 qui peut se faire dès l‘externat, pendant l'internat, ou plus tard. Pour moi, ça s'est fait à la fin de mon internat.
L'objectif du Master 2 est à la fois de se former à la recherche, notamment à la manière de monter un projet de recherche : idée, thématique, question de recherche, méthode… Chaque Master 2 est aussi orienté par des thématiques : épidémiologie, santé publique, organisation du territoire… Un Master 2 se fait sur une année scolaire avec une partie de cours à la fac puis 6 mois de stage en laboratoire de recherche pour rédiger un mémoire, puis le publier. Pour moi, ça s'organisait en une semaine de cours par mois à Montpellier et à côté des temps de travail personnel, notamment pour mon mémoire. C'était une année très riche en émulations intellectuelles, rencontres, curiosité… Une année dense mais pas avec la même pression que quand onest en cabinet à voir des patients !
Pendant la partie cours, j'ai pu continuer à faire quelques remplacements mais pour ce qui est du financement j'ai eu la chance de voir mon année recherche acceptée et donc je percevais encore un salaire d'interne. Pour le financement il y a parfois des appels à projets émanant de labos ou instituts de recherche qui existent.
Personnellement, je me suis beaucoup interrogée sur la relation que l'on établit avec le patient au cours de notre pratique, et comme elle peut être un levier ou un frein pour le soin.
Ma première expérience de recherche fut ma thèse sur les micro-séquences d'une consultation de Médecine Générale. C'est-à-dire arriver à découper en plein de petites notions tout le déroulé de la consultation.
Comme je te le disais, ce que j'aime dans la recherche c'est de pouvoir améliorer la qualité des soins à une autre échelle que celle de la consultation. En faisant de la recherche bibliographique, j'ai été assez émerveillée par tous les sujets passionnants abordés dans les papiers. J'ai eu envie de poursuivre dans cette voie, et je me suis renseignée pour faire un Master 2.
Je vous invite à retrouver le guide de l'année recherche de l'ISNAR-IMG qui vous explique tout sur l'année recherche :
www.isnar-img.com supérieure les guides pratiques supérieure guide de l'année recherche.

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Comment choisir son Master 2 ?
Vaste sujet ! On peut être un peu perdu sur la marche à suivre ! Comme toujours ce qui est difficile c'est que la vision de la recherche d'un point de vue d'interne va se confronter à la réalité de la recherche universitaire en médecine qui a une organisation et des codes propres. Mon conseil c'est d'être accompagné pour à la fois être soutenu dans son projet singulier et en même temps, être aiguillé pour le rendre compatible avec l'organisation de la recherche universitaire. Pour réussir à se repérer, pour moi, il y a trois choses :
• Identifier des co-internes qui ont le même projet pour partager les informations, les réussites mais aussi les frustrations et les désillusions ;
• Les syndicats et associations comme l'ISNAR-IMG, ReAGJIR (Regroupement Autonome des Généraliste Jeune Installés et Remplaçants) et FAYR-GP (French Association Young Researchers in General Practice) qui rassemblent la plupart des informations sur le sujet ;
• Se rapprocher de son département et persévérer même si ça paraît flou de l'extérieur. À Toulouse pendant l'internat le Dr Escourrou nous a présenté la filière universitaire de recherche en Médecine Générale et ça m'a tout de suite intéressée. J'ai décidé de lui faire part de mon intérêt et il a pu m'aiguiller sur la manière de donner suite à mes envies de recherche.

De mon côté, je me suis orientée vers les humanités médicales, c'est-à-dire d'interroger les savoirs et les pratiques médicales par la philosophie, la sociologie, l'histoire, l'éthique… J'ai donc choisi le master de santé humanité et société à Montpellier. J'ai pu continuer d'approfondir les sujets qui me passionnent notamment sur l'organisation du DES (Diplôme d'Études Spécialisées) et la relation médecin malade ! J'ai réalisé mon mémoire de Master sur le jargon médical utilisé dans les consultations. J'ai fait une analyse ethnographique, c'est-à-dire que j'ai observé des consultations, et analysé la manière dont les médecins mettent en mots leurs idées. J'ai ainsi identifié plusieurs facteurs impactant la compréhension ou au contraire l'incompréhension lors de nos échanges avec les patients : vocabulaire, pavés d'explications ininterrompues, malentendus… C'est ça aussi la recherche, répondre aux petites questions qu'on se pose tous les jours comme celle de notre intelligibilité en consultation !

Retrouve aussi le guide des Masters 2 de FAYR-GP qui aide à trouver les masters d'intérêt pour la Médecine Générale !
https://fayrgp.org/ressources/ guide-master-2/
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Que fait-on une fois qu'on a notre M2 en poche ?
Déjà, après tout travail de recherche le but est de le mettre en valeur ! C'est-à-dire communiquer dessus et le partager. Cela consiste en des présentations aux congrès (CNGE, CMGF…) mais aussi aux internes ou externes pendant les cours, lors de formations médicales continues… On peut en faire des posters aussi pour les congrès en plus des communications orales. Parfois on peut même être amenés à être publiés dans des revues de pratique ou dans des revues scientifiques, voire des revues internationales pour les plus investis.
Et professionnellement qu'est-ce tu as fais après ce M2 ?
Alors, déjà j'ai repris mon activité de soins. Tout d'abord, en remplacement de médecins généralistes libéraux. Puis depuis novembre, j'ai commencé une collaboration dans une maison de santé à Borderouge, un quartier au Nord-Est de Toulouse. Le Master 2 peut ouvrir plusieurs portes en fonction de la thématique qu'on a choisie. Le plus classique après un internat et un M2 c'est de rejoindre un DUMG où on sera encouragés à continuer notre activité de recherche, mais aussi à développer une activité d'enseignement pour les étudiants en médecine de chaque cycle. Globalement pour devenir chef de clinique en Médecine Générale il faut s'intéresser à la Médecine Générale, à son mode de pratique et aux différents axes de développement de la discipline. Mais aussi avoir envie de s'investir dans des activités d'enseignements : cours, MSU, tutorat, direction de thèse… et comme pour le Master 2, en parler tôt à son département !
Zoom sur une carrière universitaire en médecine général
Globalement, il existe deux filières : la filière “A” pour associé et “U”, pour universitaire. La filière “A” vers l'enseignement de la Médecine Générale, et l'engagement territorial. La filière “U” sera plus tournée vers la recherche et l'engagement universitaire avec plus d'implication dans les projets de recherche d'ampleur (Appel à projets nationaux, thèse de science…) et la prise de responsabilité à la faculté avec comme summum un poste de PU (Professeure des Universités) !
Au départ, la distinctionest un peu floue. On peut débuter en tant qu'AU-MG ou CCU-MG mais en réalité, on travaille tous et toutes ensemble en répartissant les missions du DUMG selon les besoins.

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Qu'est-ce que tu fais précisément au DUMG ?
La Filière Universitaire de Médecine Générale (FUMG) est toute récente !
En effet pour rappel la spécialité de Médecine Générale se crée en 2004 et c'est en 2007 que se crée la filière universitaire de médecine générale ! Avant il n'y avait pas d'internat de Médecine Générale, c'était le cas uniquement pour les autres spécialités. À sa création il a fallu créer vite toute la branche universitaire.

L'activité du DUMG est variée, elle s'articule autour de 4 pôles : enseignement, recherche, organisation et rayonnement ! Le pôle enseignement va se charger de proposer des cours pour les internes et les externes de la faculté : cours magistraux, conférences, ED ou encore organisation des ECOS… Concernant la recherche, on peut s'engager pour coordonner, créer et développer les projets de recherches sur différents thèmes : les inégalités sociales de santé, la thérapeutique, la santé mentale ; et sur l'organisation propre du DUMG :
les réunions, les plannings de cours, les maquettes et stages… Par exemple, en ce moment, l'élaboration de la quatrième année de Médecine Générale. Et enfin, il y a un pôle rayonnement qui nous permet d'agir au sein de projets locaux et nationaux indépendants du DUMG, et de participer à l'enseignement des autres filières santés (spécialités médicales et paramédicales).
Au cours de ce premier mois, par exemple, j'ai animé un ED (Enseignement Dirigé) pour les étudiants de deuxième année sur la relation médecin malade ainsi qu'un ED sur l'interrogatoire pour les externes en centre de simulation un cours sur l'interrogatoire en médecine. En parallèle, il y a aussi la rédaction des cas cliniques pour les cours du second cycle, des jurys de thèse, l'organisation de certains séminaires, l'accueil des nouveaux internes, le début des encadrements de thèses…
Y-a-t-il aussi d'autres options pour faire de la recherche ?
La recherche peut prendre plein de formes ! Notre but commun c'est de faire progresser les pratiques ! On veut faire évoluer la médecine et réaliser des choses concrètes. Et pour ça on a tous et toutes de bonnes idées !
Par exemple en tant que médecin installé on peut :
• Faire partie d'un réseau de veille sanitaire comme le réseau sentinelle pour la grippe.
• Devenir investigateur, en Occitanie par exemple on a le réseau SPIO (Soins Primaire et Investigateurs en Occitanie) qui permet à des médecins de terrain de devenir investigateurs et d'inclure des patients pour tous types de recherche. En ce moment, ils ont une grande étude sur la prescription des statines chez les personnes âgées de plus de 80 ans !
• Participer au P4DP : c'est une plateforme en cours de développement, pour regrouper des données de santé pour favoriser la recherche en utilisant les données médicales de nos logiciels métier.
• Diriger des thèses quantitatives ou qualitatives sur des thèmes qui nous questionnent, ou que l'on souhaite approfondir.
• Ou encore pour évaluer un besoin ou une intervention au sein des MSP (Maison de Santé Pluriprofessionnelles) ou des CPTS (Communautés Professionnelles Territoriales de Santé).
• Se tenir informer. Il faut aussi souligner que les syndicats comme vous l'ISNAR-IMG, les syndicats et associations locaux, RéAGJIR, CMG, MGForm participent à faire progresser les connaissances en organisant des formations et congrès mais aussi en faisant des missions d'information auprès des acteurs.
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Quels sont les conseils que tu donnerais ?
Le monde universitaire paraît parfois opaque, voire même à distance du quotidien des internes ou des médecins. Cependant, ce dont je peux témoigner c'est que le département universitaire, c'est avant tout des médecins généralistes passionnés qui ont envie de se mettre au service de la profession et des internes.
Mon premier conseil, c'est d'oser aller à la rencontre de ces médecins et d'échanger avec eux pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de l'organisation du DES tel qu'il est proposé. Je pense qu'une partie de l'incompréhension entre interne et département est due à la méconnaissance des impératifs et du vécus des deux côtés. Un peu comme avec les patients d'ailleurs !
Mon deuxième, c'est d'oser se lancer si l'envie d'enseigner, de partager, de vous investir se manifeste. Cela peut se faire à une multitude d'échelons. Et c'est une grande richesse d'avoir des profils variés !
Et enfin, je dirais que s'engager dans cette filière de la Médecine Générale c'est une sacrée aventure qui permet de faire des rencontres réjouissantes, d'échanger sur des sujets passionnants et de diversifier sa pratique de manière stimulante.
Merci au Dr Alix Fernet-Scherer d'avoir pris le temps de répondre à nos questions.
J'espère que cela t'aura fait découvrir (ou redécouvrir) la recherche en Médecine Générale ! Ou tout du moins toucher du bout du doigt la richesse de cette spécialité !
Interview de la Docteure Alix FERNET-SCHERER
Propos recueillis par Ariane ROUBI

