Actualités : Réflexion dossier : où se situe l’hôpital dans l’accès aux soins des personnes en situation de précarité ?

Publié le 31 mai 2022 à 11:17


L’hôpital prend en charge 77 % des soins hospitaliers, et 100 % des soins aux précaires. L’hôpital participe par les PASS (cf. Chroniques d’hôpital page 18), mais au-delà des consultations de ces dernières, des hospitalisations peuvent être nécessaires, dont on sait qu’elles sont plus longues car les pathologies sont plus graves. Ces patients insolvables génèrent des impayés pour l’hôpital. Pourtant, à l’ère du 100 % T2A, il existe une T2A « précarité » qui est loin de couvrir à 100 % les frais de soins.

Les impayés de l’hôpital

Après interview d’isabelle Jouet, chef du service des finances, Centre Hospitalier Territorial de Nouvelle Calédonie
Les restes à recouvrer sont un fardeau pour les hôpitaux ; pour le CHT de Nouvelle Calédonie en 2016 92 millions d’euros, dont 3,3 millions pour les intéressés : les patients de l’hôpital partis sans payer leur facture. Ce handicap financier grève de façon importante les possibilités d’investissement et de fonctionnement de l’hôpital.

Il est difficile de trouver la cause du non-paiement des patients (négligence, difficultés financières et d’accès aux soins, etc.) car le recouvrement est fait par le Trésor Public, et ces causes ne sont pas répertoriées.

Dans une prise en charge des soins d’hospitalisation, si les patients ont une couverture CAFAT (équivalent de la Sécurité Sociale), 30 % restent à leur charge s’ils n’ont pas de mutuelle, ainsi que le forfait journalier ; et s’ils sont couverts par l’aide médicale (pour les personnes sans revenus, équivalent de la CAMU) ou par la CAFAT en longue maladie, tout est alors pris en charge par cette caisse.

En fait le problème vient souvent d’une rupture de cotisation à la caisse d’assurance maladie, pour des patients qui ne font pas non plus les démarches pour bénéficier de l’aide médicale, malgré l’aide qui peut leur être apportée par les assistantes sociales de l’hôpital pendant leur séjour. A l’origine de cette imprévoyance : les patients en longue maladie qui ne comprennent pas que cette prise en charge ne s’applique pas à toutes les maladies et qui laissent traîner la situation, les touristes qui ne vérifient pas avant de changer de pays s’ils sont couverts par leur caisse ou par une assurance, la misère sociale et intellectuelle et son lot de comportements de marginalisation sociale, l’absence de solvabilité source de désinvestissement, l’absence d’information portant à croire que la santé est gratuite sans entrevoir la cherté des coûts d’hospitalisation, l’absence de prise de conscience de sa place de citoyen à part entière qui emmène à l’attente passive que les démarches soient faites par l’autre, en l’occurrence l’hôpital.

Il convient par ailleurs de préciser que les dettes sur les patients calédoniens hospitalisés sans aucune couverture sociale ou sans mutuelle complémentaire sont en forte augmentation depuis trois ans avec un taux de non-recouvrement de plus de 80 %.

Pour les consultations, le reste à recouvrer vient en majeure partie du fait que notre hôpital ne peut offrir le tiers payant, avec une accumulation de petites sommes, encore plus difficiles à recouvrer.

Les relances du Trésor Public sont pourtant devenues très actives : commandement de payer, saisie sur salaire et sur compte bancaire par opposition administrative, huissiers. Cette politique dynamique (qui peut être ressentie comme agressive) de recouvrement amènera sans doute un changement des mentalités, dans un pays où la couverture sociale est très étendue, en théorie sans laissés pour compte. Les médias reprennent aussi sans cesse au sujet de la Nouvelle Calédonie, de la métropole et au niveau international, que la santé a un coût, et que seule la maîtrise de ces coûts peut pérenniser à long terme la qualité et la sécurité des soins. La balle est dans le camp de tous les citoyens… pour peu qu’eux-mêmes se sentent reconnus comme tels.


Erica Mancel
Praticien hospitalier

Centre Hospitalier Territorial de Nouvelle Calédonie (CHT)

Prise en charge de la précarité : la T2A m’a tuée

Membre du CEPN : Centre d’Economie de Paris Nord, laboratoire de recherche CNRS – UMR 7234 dont l’axe santé traîte entre autres de l’« évaluation économique des actions et programmes de santé » et des questions de financement de l’hôpital sous l’angle de la précarité ». Son thème de recherche personnel est « la précarité et sa prise en charge à l’hôpital : comment continuer à accueillir tous alors que le budget est de plus en plus contraint »

Les patients précaires génèrent des frais supplémentaires d’hospitalisation d’une part du fait de leurs conditions de vie qui engendrent des pathologies plus graves et d’autre part du fait d’un recours aux soins plus tardifs. Ces deux aspects se conjuguent, requérant ainsi des hospitalisations plus longues

1) Il existe plusieurs outils financiers d’accès aux soins pour les patients précaires (Cf. Un pas de côté accès aux soins page 10) mais aucun d’entre eux ne permet de répondre aux besoins spécifiques de la précarité :
La CMU (couverture maladie universelle),
rebaptisée en 2016 PUMA (protection universelle maladie) permet l’accès aux soins d’hospitalisation et de ville pour tous ceux qui exercent une activité professionnelle en France, ou qui résident en France de façon stable et régulière. Mais cependant, elle ne tient pas compte des besoins spécifiques liés à la précarité lors des hospitalisations, c’est-à-dire que la part complémentaire ou encore le forfait hospitalier journalier, voire les franchises médicales et les participations forfaitaires restent à la charge du bénéficiaire des soins.

Les complémentaires santé CMUc et ACS (aides à la complémentaire santé)
Sont attribuées en fonction des ressources et pas des besoins spécifiques ou particuliers. Elles permettent une couverture complémentaire à condition que la personne ait opté pour une mutuelle présélectionnée par la CPAM (choix parmi 30 propositions uniquement) ; et ces mutuelles privées, conventionnées avec la CNAM, sont souvent les plus chères (le patient précaire doit donc supporter une partie importante du montant de la prime annuelle, puisque le chèque délivré par la CPAM pour le compte du bénéficiaire est d’un montant maximal d’un peu plus de 500 euros par an, alors que les cotisations mensuelles des bénéficiaires peuvent être d’au moins 120 euros par mois pour une couverture complémentaire de base, montant dépendant principalement de l’âge du bénéficiaire). De surcroît, ces mutuelles ne sont pas les plus intéressantes en termes de couverture, ce qui aboutit à un renoncement qui s’ajoute au non-recours

Or, les personnes sans complémentaire santé sont celles qui déclarent le plus souvent avoir renoncé à des soins (53 %). Le taux de renoncement à au moins un soin pour des raisons financières est de 25 %. Ce taux passe à 39 % pour les personnes les plus pauvres et à 13 % pour les plus aisés (rapport ESP 2017). Ces divers dispositifs « jettent dans les bras » de l’hôpital une population précaire exclue des consultations de ville du fait du restant à charge important lié à l’expansion des honoraires libres.

Enfin, il existe des dispositifs complémentaires d’accueil des patients à l’hôpital tels que prévus par l’article 76 de la la loi du 29 juillet 1998 (Loi n°98-857) : les PASS (Permanences d’accès aux soins de santé) pour tous ceux qui n’ont aucune couverture maladie. Cependant, elles n’assurent que des consultations médico-sociales pour les personnes en grande précarité, sans se préoccuper des éventuelles hospitalisations qui pourraient être nécessaires en aval (Cf. Chroniques d’hôpital : PH en PASS page 18).

2) La T2A impacte ces dispositifs et participe à la limitation de l’accès aux soins des patients précaires.
• Les PASS ont remplacé les consultations de précarité. Celles-ci ont disparu lors de l’instauration de la T2A, tout simplement parce que la T2A ne prévoie pas de financement pour la précarité. Or, les consultations de précarité existaient dans tous les hôpitaux, tandis que les PASS ne sont implantées que dans les hôpitaux volontaires ou désignées par l’ARS pour l’être. De fait, le maillage d’accès aux soins de la précarité est moindre.
• Actuellement, il existe un glissement très fort vers l’hospitalisation de jour puis vers la prise en charge ambulatoire au détriment de l’hospitalisation classique, ce qui permet de diminuer puis supprimer les frais hôteliers et de ne garder du malade que les actes techniques, T2A compatibles. Aussi, hors du cadre hospitalier (en l’occurrence des PASS), les patients précaires sont donc confrontés au paiement à l’acte pour des consultations de ville (ce qui leur est rendu difficile voire impossible du fait de leur non solvabilité.

3) Au sein de l’hôpital la T2A ignore la précarité
La T2A lisse et homogénéise les besoins et donc elle ne tient pas compte des spécificités de chacun4. Il existe bien des items de codage précarité mais pas pour tous les GHM : il s’agit d’un correctif précarité (somme forfaitaire allouée) qui est utilisé :
• Sur des critères laissés à l’appréciation du médecin codeur, donc mal codée car il n’existe pas de base de critères d’évaluation ou d’appréciation objective de la précarité, seule la perception subjective du médecin codeur au regard de la situation sociale du patient entre en ligne de compte, comme par exemple, la perception de minima sociaux ou encore d’être sans abri.
• Ne s’appliquant qu’à certaines pathologies ou encore certaines dimensions de la pathologie. Par exemple : tous les actes réalisés en hospitalisation ambulatoire (hospitalisation inférieure à la journée) ne donnent pas lieu à financement supplémentaire quelles que soient les conditions socio-économiques intrinsèques du patient. Il n’est donc pas possible de garder le patient plus longtemps, même si ses conditions sociales justifieraient un séjour plus long. De même, plus la pathologie est grave, plus la possibilité d’une dotation supplémentaire s’amenuise, voire disparaît (cf. exemple ci-dessous).
• La dotation est insignifiante, de l’ordre de 100 à 200 euros : elle ne couvre évidemment pas les frais d’hospitalisation supplémentaires et incite ainsi l’hôpital à ne pas recevoir les précaires ; par exemple, au hasard dans la base de données de la tarification T2A : le GHM « Entorses, luxations et dislocations du bras et de l’avant-bras » est représenté par 4 niveaux de gravité (GHM 08M211 à 08M214), engendrant un coût de plus en plus élevé pour chaque niveau, comme en témoigne le tableau suivant :

GHM Entorses, luxations... Tarif du séjour (€) Dotation par journée supplémentaire (€) 08M211- Niveau 1 832,50 0 08M212- Niveau 2 2491,60 88,07 08M213- Niveau 3 3548,51 236,56 08M214- Niveau 4 5856,56 0

On constate cependant sur cet exemple que pour les cas les plus graves, nécessitant plus de moyens financiers entre autres, la dotation supplémentaire disparaît, alors même que les cas les plus graves se retrouvent le plus souvent parmi les patients précaires… Cherchez l’erreur !! Cette logique se retrouve à titre général pour tous les GHM : plus le niveau de gravité est important, plus la dotation par journée supplémentaire tend vers zéro !
• L’ARS a toujours la possibilité de décider de donner une enveloppe supplémentaire (MIGAC-précarité) si elle estime que l’intérêt général sur le territoire requiert de prendre en charge la précarité.
• Il s’agit d’une dotation directeur dépendant puisque le directeur de l’établissement doit être demandeur de la MIGAC-précarité auprès de l’ARS dont il dépend. L’accueil des patients précaires est donc un choix volontaire de l’établissement, sachant que si ce choix est fait, alors les dotations supplémentaires seront forcément limitées.

Aujourd’hui la T2A finance 100 % de l’activité hospitalière, mais en réalité elle ne couvre que 30 % de l’activité effectivement réalisée à l’hôpital : quid des 70 % restants ?

Quand il n’existe pas de prise en charge, il faut trouver des ressources ailleurs, qui passent par des procédures de codage autres. La T2A, parce qu’elle est actuellement le pilier inamovible du financement de l’hôpital, est de fait un frein fondamental à l’innovation et à l’adaptation.

Par ailleurs, elle procède d’une atteinte à l’égalité d’accès aux soins car elle génère de facto une exclusion liée à la pathologie mais aussi au malade : en l’absence de codage, la prise en charge peut être abandonnée.

Enfin, elle engendre de mauvais codages en ce sens qu’ils ne reflètent pas la réalité du terrain et de fait altère la qualité des données de santé publique. En résumé : concernant la prise en charge de la précarité (et pas que) la T2A ne règle rien : au contraire elle crée encore plus d’éloignement aux soins du fait de sa focalisation sur l’acte technique.

Il est urgent d’y adjoindre le concept de handicap social (voir infra "Il y a forcément quelque chose à faire").

REFERENCES
Circulaire N°DGOS/R5/2013/57 du 19 février 2013 relative au guide de contractualisation des dotations finançant les missions d’intérêt général/p 249 - http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2013/04/cir_36777.pdf
Les patients en situation de précarité accueillis en court séjour restent-ils plus longtemps à l’hôpital ? Le panorama des établissements de santé - 2010 DREES p 29 ; http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/etabsante2010-4.pdf
L'impact de la prise en charge des patients en situation de précarité sur les hospitalisations de court séjour mission PMSI/CTIP, Caryn MATHY, Max BENSADON - Décembre 1999.
http://www.departement-information-medicale.com/wp-content/uploads/2009/05/rapport-prec_dec_1999.pdf

Rapport ESP 2017 page 60 Indicateurs d’accès aux soins.
http://invs.santepubliquefrance.fr/publications/etat_sante_2017/ESP2017_Ouvrage_complet_vdef.pdf
La T2A, Une standardisation de type industriel, mais non dénuée d’effets pervers. D.CASTIEL (diaporamma)


Didier Castiel
Économiste de la santé, Enseignant
Chercheur, Université Paris Nord 13

Il y a forcément quelque chose à faire…

Créer, c’est aussi donner une forme à son destin. Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe
« Elles soulignent l’extrême fragilité sociale de certaines populations migrantes vivant dans les camps et dans la rue, mais aussi l’action exemplaire menée par des structures publiques (les PASS, le Samusocial…) et des associations humanitaires (le Comede, Médecins du Monde, Médecins Sans Frontières, la Croix-Rouge…) pour soigner, ouvrir les droits des migrants à la santé et trouver des réponses à des situations sociales dramatiques. »
Le Conseil National de l’Ordre des médecins s’est penché sur l’accès aux soins dans le territoire, [sa « proposition » : la création et la répartition des maisons pluridisciplinaires de santé sur les territoires ».
S’agissant de l’accès aux droits, Médecins du Monde] suivis en cela par l’Académie Nationale de Médecine (Cf III) préconise l’intégration de l’AME au régime général de la sécurité sociale, afin que l’universalité de la prise en charge de santé soit enfin achevée : rappelons que l’AME n’ouvre pas droit aux mêmes prestations que la PUMA (notamment l’AME ne rembourse pas les frais de prévention ou de traitement des enfants ou adolescents handicapés).

Une autre des préconisations est la diminution de la part des complémentaires dont l’expansion éloigne les assurés précaires de possibilités de remboursement financièrement acceptables.

Dans le même ordre d’idée, la généralisation du tiers payant peut représenter une avancée importante pour ces patients peu ou pas solvables).
D’un point de vue structurel, la 100 % T2A apparaît de plus en plus comme un miroir déformant de l’activité hospitalière, transformant les réunions de CME en exposés de chiffres (écrits petit) énoncés par un directeur(trice) des finances au bord du suicide. Alors la précarité...

Dans son rapport portant sur « l’évolution des systèmes de financement des établissements de santé », le député O. VERAN souligne la nécessité de réfléchir à une meilleure prise en charge de la précarité et réfléchit à définir des « profils sociaux » des établissements avec analyse rétrospective des prises en charge des patients précaires. A contrario, Didier Castiel propose une estimation a priori du surcoût lié à la précarité grâce une T2A social-isable.

Quelles que soient nos convictions politiques, en tant que médecins, il est de notre devoir de veiller à la bonne prise en charge sanitaire de chaque individu et en tant que médecins du service public, de contribuer ainsi à la santé globale de la population.

Vers une T2A social-isable (et social lisible)

Le concept de handicap social retrace le désavantage social, qui peut d’ailleurs n’être qu’une situation temporaire et non pas un stigmate porté à vie, comme peut l’être le handicap physique ou mental. Il n’y a pas nécessairement analogie entre ces trois handicaps.

1) Nous avons construit un modèle (travail initié dès 1995) d’allocation de ressources basé sur un score de précarité. Celui-ci permet d’identifier et de repérer les besoins de la population précaire et donc d’identifier le besoin en ressources supplémentaires pour la prise en charge de leur santé et/ou de leur condition sociale.

La faisabilité et la pertinence du score de précarité ont été testées sur un CHU parisien et sur un certain nombre d’hôpitaux des UGECAM1 (hôpitaux gérés directement par la CNAM). Le modèle a été informatisé et dès lors, le score de précarité peut être calculé dès l’admission du patient à l’hôpital.

En pratique, les besoins spécifiques (en l’occurrence une durée d’hospitalisation plus grande) sont calculés et connus dès le début de l’hospitalisation, ce qui permet de demander un financement supplémentaire basé sur une réalité et non plus sur un forfait.

2) En 2005, nous avons mené un travail au sein d’un établissement public de santé en couplant un questionnaire de handicap social au programme de médicalisation du système d’information (PMSI)[1]. Le but était de connaître les handicaps sociaux de la population prise en charge et leurs répercussions éventuelles (allongement de la durée moyenne de séjour [DMS], journées d’hospitalisation mobilisées). Dans notre étude, un handicap social (de moyen à très sérieux) a été identifié dans les 2/3 de la population prise en charge. D’un point de vue médical, cette population n’était pas plus malade et ne consommait pas plus de médicaments. En revanche, la durée d’hospitalisation était augmentée de 1 jour en moyenne. Il existe donc une répercussion réelle du handicap social sur le fonctionnement de l’hôpital avec un surcoût ignoré de la T2A

Depuis bientôt 50 ans, de nombreuses études ont montré que l’augmentation des inégalités sociales était à l’origine de l’aggravation des inégalités de santé. Reconnaître les situations de handicap social permettrait aux établissements d’anticiper sur le surcoût lié au supplément de besoins dans cette population (aux pathologies graves et souvent multiples).

3) En 2008 [2], nous avons répété l’étude2. Nous avons alors montré que le questionnaire de handicap social permet d’identifier : L Les variations de situations dans le temps et certainement dans l’espace. L Les changements de facteurs qui influent dans le temps dans la constitution du handicap social. Par ailleurs, nous avons pu confirmer que les patients les moins handicapés sociaux sont plus favorisés en considération de leur état de santé. Et enfin, cette étude nous a démontré que la tendance globale à la réduction de la durée d’hospitalisation s’applique également à la population relevant du handicap social dont la durée moyenne de séjour se rapproche de celle de la population générale : preuve s’il en est du formatage de la prise en charge des patients au détriment de toute prise en compte de spécificité fut-elle sociale.

4) Ce modèle a été proposé à l’époque au Ministre de la Santé concerné qui a répondu que la CMU était là pour ça, c’est-à-dire pour répondre à la précarité. Et bien non, la CMU n’est pas là pour cela car la protection médicale universelle rembourse des soins mais ne tient pas compte des besoins de financement supplémentaires.
La T2A a démontré son inaptitude à mettre en adéquation l’activité de soins prodiguée et celle qui est comptabilisée. Par le biais du handicap social, elle démontre également l’étendue du désengagement social de l’hôpital.

5) Il faut asseoir le financement sur les besoins du patient tant médicaux que sociaux, ce qui suppose de disposer de critères d’identification de patients, et notamment de critères objectifs de repérage de la précarité. La médecine n’est pas formatable. Le soin n’est pas que technique, il est aussi social et ce d’autant plus qu’il s’agit de soins hospitaliers.

Il faut donc envisager des structures de continuité du soin non technique en lien avec ou au sein de l’hôpital, permettant de répondre à ce double besoin médical et social. Aujourd’hui, on ne peut plus se permettre de faire de l’hébergement social dans un lit médicalisé ; on doit les dissocier budgétairement mais pas forcément géographiquement : comment socialiser le GHS ?

Mais transformer un lit médicalisé en lit d’hébergement requiert de disposer de critères objectifs d’aide au médecin pour identifier les besoins du patient : c’est là que se situe la fonction du questionnaire de handicap social.

RÉFÉRENCES
[1] D. Castiel, P.-H. Bréchat, C. Segouin, M.-C. Grenouilleau, D. Bertrand, « Hôpitaux publics, T2A et handicap social », Gestions hospitalières n° 457, juin/juillet 2006, pp. 241-45.
[2] D. Castiel, P.-H. Bréchat, R. Rymer, M.-C. Grenouilleau, « Handicap social et hôpitaux publics : Il est temps de penser à un GHS « socialisable » » - Gestions Hospitalières - 1 eeptembre 2008, n° 478 PP. 452-456.


Didier Castiel
Économiste de la santé, Enseignant
Chercheur, Université Paris Nord 13

Soigner tout le monde bénéficie à tous. Le premier à avoir amené cette notion est certainement Arrow dans un article de 1963 [26]. Il propose qu’un bon état de santé général pour une population est bon en soit pour la collectivité dans son ensemble et le surcoût ainsi engendré suppose une amélioration du bien-être collectif de tous et des économies à terme : prévenir le tabagisme ou lutter contre, permet de ne pas avoir à soigner les cancers qu’il induit et les individus en meilleure santé sont donc plus productifs et la nation s’enrichit. La santé est un bénéfice pour l'individu (plus grand bien être individuel) mais également un investissement au bénéfice de tous (plus de richesse produite). Et ce d'autant plus que la richesse produite est de l'humanité.

Alors ? Bismark, Beveridge... ou Arrow ?

REFERENCES
[1] « Préambule à la Constitution de l› Organisation mondiale de la Santé, tel qu›adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19 juin -22 juillet 1946; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 Etats. (Actes officiels de l› Organisation mondiale de la Santé, n°. 2, p. 100) et entré en vigueur le 7 avril 1948 ».
[2] Philippe MOSSE Bismark et Beveridge : des prototypes aux archetypes ; revue : Après-demain N°42 avril 2017 « L’accès aux soins »)
[3] Pratiques spatiales d’accès aux soins les rapports de l’IRDES n° 564 Octobre 2016 http://www.irdes.fr/recherche/rapports/564-pratiques-spatiales-d-acces-aux-soins.pdf
[4] Les disparités territoriales d’accès aux soins hospitaliers : comparaison de deux spécialités DREES N° 794 mars 2012. http://drees. solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er794.pdf
[5] (IIB 5 1) rapport du gouvernement sur la pauvreté en France Décembre 2012 http://www.cnle.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-pauvrete_ gouvernement-decembre2012.pdf
[5] (IIB 5 2) Rapport au parlement suivi de l’objectif de baisse d’un tiers de la pauvrete en cinq ans octobre 2011. http://www.ville.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_pauvrete_octobre_2011.pdf
[6] (IIB 6) Les bénéficiaires de la CMU-C déclarent plus de pathologies que le reste de la population ; résultats des enquêtes ESPS 2006_2008. DREES N° 793 - Mars 2012.
[7] (IIB 7) Alimentation et état nutritionnel des bénéficiaires de l’aide alimentaire NUTRITION – PRÉCARITÉ Etude Abena 2011-2012 et évolutions depuis 2004-2005, Mars 2013 INPES - http://inpes.santepubliquefrance.fr/etudes/pdf/2013 abena2-rapport.pdf
[8] (IIB 8) La santé et l’accès aux soins : Une urgence pour les femmes en situation de précarité. Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes. Rapport n°2017-05-29-SAN-O27 publié le 29 mai 2017 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/174000550.pdf
[9] (IIB 9) La migration traumatique, une pathologie du lien : Souffrance psychique et souffrance corporelle chez les mineurs isolés étrangers. Diplôme d’Université. Souffrance individuelle, psychopathologie et lien social Présenté par : SILVESTRO-TEISSONNIERE Christel université de Rouen 2010-2011. http://www.horslarue.org/files/Mmoire_Christel_Silvestro-Teissonnire-1.pdf
[10] (IIB 10) MINEURS ISOLÉS ETRANGERS: L’ESSENTIEL SUR L’ACCUEIL ET LA PRISE EN CHARGE EN FRANCE France terre d’asile http:// www.france-terre-asile.org/actualites/100-zoom-sur/8138-mineurs-isoles-etrangers-lessentiel.html
[11] (IIB 11) Migrants/étrangers en situation précaire, guide pratique pour les professionnels comité pour la santé des exilés, COMEDE inpes.santepubliquefrance.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1663.pdf [12] (IIB 12) la santé et l’accès aux soins des migrants : un enjeu de santé publique // Migrants health and Access to care: A public health challenge Bulletin épidémiologique hebdomadaire BEH 19-20 | 5 septembre 2017 | 371. http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2017/19-20/pdf/2017_19-20.pdf
[13] (IIB 13) Sondage Ipsos-SPF 2016 Santé sacrifiée, symptôme de la pauvreté Convergence septembre octobre 2016. http://www.spf75.org/sites/default/files/les_francais_et_la_sante_sondage_ipsos-spf_2016.pdf
[14] (IIB 14) Martin P. (2011). « Gestion de la file d’attente et invisibilisation des précaires. Mensonge institutionnalisé dans une caisse d’assurance maladie ». Actes de la recherche en sciences sociales, n° 189, p. 34-41.
[15] (IIB 15) Martin P. (2016). « De la conversion managériale à la dualisation de l’assurance maladie », in Politiques sociales en mutation : quelles opportunités et quels risques pour l’État social ? Sous la direction de Anne Fretel, Anne Bory, Sylvie Célérier et Florence Jany-Catrice, Presses Universitaires de Louvain, 2016.
[16] (IIB 16) Circulaire N° DGOS/R5/2013/57 du 19 février 2013 relative au guide de contractualisation des dotations finançant les missions d’intérêt général - http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2013/04/cir_36777.pdf
[17] (IIB 17) Le panorama des établissements de santé édition 2010 http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/etabsante2010-4.pdf
[18] (IIB 18) L’impact de la prise en charge des patients en situation de precarité sur les hospitalisations de court séjour, Mission PMSI/ CTIP Caryn MATHY, Max BENSADON - Décembre 1999. http://www.departement-information-medicale.com/wp-content/uploads/2009/05/rapport-prec_dec_1999.pdf
[19] (IIB 19) L’état de santé de la population en France RAPPORT 2017 http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/ publications/recueils-ouvrages-et-rapports/recueils-annuels/l-etat-de-sante-de-la-population/article/l-etat-de-sante-de-lapopulation-en-france-rapport-2017
[20] (IIB 20) T2A Une standardisation de type industriel, mais non dénuée d’effets pervers Didier CASTIEL (CEPN – Université Paris Nord 13)
[21] (IIB 21)  CNOM améliorer l’offre de soins : initiatives réussies dans les territoires. Decembre 2O16. https://www.conseil-national.medecin.fr/node/2039
[22] (IIB 22) Liberté égalité santé Plaidoyer pour un système de santé solidaire Médecins du Monde. http://www.medecinsdumonde.org/fr/direct/liberte-egalite-sante
[23] (IIB 23) argumentaire pour l’intégration de l’AME dans la sécurité sociale mars 2017 Médecins du monde.
[24] (IIB 24) D. Castiel, P.-H. Bréchat, R. Rymer, M.-C. Grenouilleau, « Handicap social et hôpitaux publics : Il est temps de penser à un GHS «social-isable»» - Gestions Hospitalières - 1 Septembre 2008, n° 478 PP. 452-456.
[25] (IIB 25) uncertainly and the Welfare economics of medical care Kenneth J Arrow The american economic review Volume 53 Issue 5(dec 1963) 941-973.

Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH n°11

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