Radiothérapie de contact

Publié le 22 Oct 2024 à 17:25
Article paru dans la revue « SFJRO / le mag » / SFJRO N°6

La radiothérapie de contact (contacthérapie) est fréquemment utilisée dans le traitement des lésions tumorales cutanées primitives ou secondaires. Le plus souvent, il s'agit de carcinome basocellulaire (CBC) et de carcinomes épidermoïdes (CE). Dans de plus rares cas, il s'agit de mélanomes, carcinome de Merkel ou lésions secondaires cutanées.

Il s'agit de radiothérapie de contact exclusive le plus souvent, ou adjuvante.

La radiothérapie de contact est délivrée par des appareils spécifiques, produisant des faisceaux de photons dont l'énergie maximale varie de 50 à 200kV.

Avec cette technique, l'applicateur vient directement au contact de la peau et le maximum de la dose est délivré à la surface de la peau et diminue rapidement en profondeur, ce qui présente un intérêt pour les lésions cutanées. La distance source peau est faible (de 10 à 30 cm). L'inverse carré de la distance joue significativement sur la dose.

Des filtres sont utilisés dans le but d'éliminer les photons de très basse énergie et donc d'améliorer le rendement en profondeur. Ils entraînent cependant une diminution de l'intensité de dose.

Les machines disponibles sont l'Xstrahl, le Darpac et l'appareil papillon.

Avantages/Inconvénients

Bien que le traitement de référence pour les tumeurs cutanées primitives reste la chirurgie, il s'agit d'une alternative efficace, particulièrement intéressante chez les sujets âgés, présentant de multiples comorbidités et donc un risque opératoire plus important.

Elle peut également s'envisager chez les patients atteints de CBC ou de CE dans des localisations anatomiques où la chirurgie peut compromettre la fonction ou l'esthétique (paupières, nez...) [1-3].

Le contrôle local à 5 ans est excellent, proche de celui de la chirurgie classique, d'environ 90 % pour les CBC et d'environ 80 % pour les CE [4].

Dans une méta-analyse, le taux de récidive locale après radiothérapie de CBC était de 3.5 %, proche de celui obtenu avec la chirurgie [5].

Cette technique est adaptée pour le traitement des lésions superficielles ou peu épaisses (de quelques millimètres à maximum 3-5 cm), de diamètre limité (le plus grand collimateur mesure 12 cm de diamètre) et de surface plane (Ex : une lésion étendue de l'arête nasale s'étendant sur les faces latérales du nez, si l'on traite bien l'arête, les faces latérales seront sous dosées. Les lésions de l'oreille sont également difficiles à traiter étant donné les nombreux replis cutanés).

La radiothérapie est cependant contre-indiquée en cas de syndrome génétique prédisposant aux cancers de la peau comme par exemple en cas de xeroderma pigmentosum et de naevomatose basocellulaire. Il faut également l'éviter chez les patients âgés de moins de 60 ans, en effet, la chirurgie offre l'avantage d'une preuve anatomo-pathologique d'exérèse complète chez ces patients jeunes [6].

En raison de l'énergie utilisée, à la différence des faisceaux de photons traditionnels, l'absorption dans les tissus varie en fonction de leur densité, ce qui peut aboutir à une dose plus importante dans l'os ou le cartilage, avec, en cas d'hypo fractionnement très profond, des risques de nécrose osseuse ou cartilagineuse.

Cette technique peut également être utilisée en concomitance avec un traitement d'IMRT par exemple, afin de réaliser un boost sur la tumeur primitive.

Pour les patients dont les déplacements sont difficiles à mettre en œuvre ou déstabilisants (troubles cognitifs), on pourra utiliser un traitement hypofractionné.

Il s'agit d'une technique également intéressante pour traiter des localisations secondaires hémorragiques, en traitement palliatif (ex : métastase cutanée d'un cancer du sein, du rein etc. ou un CE localement évolué du scalp sans projet curatif).

La radiothérapie de contact est généralement réalisée en 8 à 10 fractions (ex : 45Gy en 10 fractions au rythme de 2 fractions/semaine). En cas de traitement  3 à 5 fractions peut être proposé (Ex : 35Gy en 5 fractions au rythme de 3 fractions/semaine) [7].

En pratique

Lors de la première consultation, le médecin évalue cliniquement la lésion (taille, épaisseur) puis en dessine le contour au moyen d'un feutre dermographique. Il est nécessaire d'être particulièrement vigilant lors de la délinéation des lésions, et notamment sur l'infiltration sous-cutanée des carcinomes basocellulaires par exemple.

Des marges, basées sur les données chirurgicales, sont ensuite ajoutées autour de la lésion :

• Basocellulaires nodulaires 3 à 5 mm

•Basocellulaires sclérodermiformes 8-10 mm

• Carcinomes épidermoïdes 5 à 10 mm

• Mélanome de Dubreuilh 10 à 15 mm

• Carcinome neuroendocrines cutanés (Merkel)  1 à 3 cm selon l'indication.

Il est possible de placer des protections plombées, découpées dans des feuilles de plomb, pour mieux délimiter le volume irradié. Par exemple, mise en place d'une protection du globe oculaire, après anesthésie cornéenne, pour l'irradiation de lésions palpébrales.

Il convient ensuite de choisir le diamètre du collimateur ainsi que le filtre, adaptés à la lésion.

Le choix du trio diamètre du collimateur/filtre/énergie définit le rendement en profondeur du faisceau.

Il faut donc disposer des courbes de rendement en profondeur pour l'appareil utilisé, en fonction de ces 3 éléments.

Par convention, l'isodose 80 % doit couvrir approximativement l'épaisseur de la lésion.

En cas de régression importante de la lésion en cours de traitement, on peut être amené à adapter le filtre pour diminuer l'épaisseur irradiée.

Tolérance

La tolérance est généralement satisfaisante. L'épidermite est cependant systématique, de grade 1 ou 2 le plus souvent. Des épidermites de grade 3 sont également régulièrement visibles mais de faible surface, avec une tolérance acceptable par les patients. Dans le cas de traitement de lésions proches du globe oculaire, il peut apparaître une conjonctivite et exceptionnellement une kératite. Il est important de rappeler au patient les règles de la photo protection.

Concernant le suivi, les carcinomes basocellulaires sont généralement revus à 4 mois et les carcinomes épidermoïdes à 2 mois, avec une surveillance dermatologique rapprochée.

Pour finir, en cas de CBC localement avancés non accessibles à la chirurgie ou à la radiothérapie, un traitement local par vismodegib ou sonidegib, inhibiteurs des voies de signalisation Hedgehog, peut être utilisé à visée de réduction tumorale, permettant dans un second temps, la réalisation d'une radiothérapie de contact de clôture sur le volume tumoral résiduel [8].

 

L'étude prospective multicentrique RADIOSONIC est en cours de recrutement pour évaluer la radiothérapie après réponse complète aux inhibiteurs de la voie Sonic Hedgehog chez les patients atteints d'un carcinome basocellulaire localement avancé [9].

Victorine TRENTESAUX
 Docteur Junior au Centre Oscar
 Lambret (CLCC Lille)

Marion TONNEAU
Docteur Junior au Centre Oscar
Lambret (CLCC Lille)

Dr Alexandre TAILLEZ
PH au Centre oscar Lambret

Références

1. Likhacheva A, Awan M, Barker CA, Bhatnagar A, Bradfield L, Brady MS, et al. Definitive and Postoperative Radiation Therapy for Basal and Squamous Cell Cancers of the Skin: Executive Summary of an American Society for Radiation Oncology Clinical Practice Guideline. Pract Radiat Oncol. 2020; 10(1):8–20.

2. Cognetta AB, Howard BM, Heaton HP, Stoddard ER, Hong HG, Green WH. Superficial x-ray in the treatment of basal and squamous cell carcinomas: a viable option in select patients. J Am Acad Dermatol. 2012 Dec; 67(6):1235–41.

3. Schulte KW, Lippold A, Auras C, Bramkamp G, Breitkopf C, Elsmann HJ, et al. Soft x-ray therapy for cutaneous basal cell and squamous cell carcinomas. J Am Acad Dermatol. 2005 Dec;53(6):993–1001.

4. Locke J, Karimpour S, Young G, Lockett MA, Perez CA. Radiotherapy for epithelial skin cancer. Int J Radiat Oncol Biol Phys. 2001 Nov 1; 51(3):748–55.

5. Drucker AM, Adam GP, Rofeberg V, Gazula A, Smith B, Moustafa F, et al. Treatments of Primary Basal Cell Carcinoma of the Skin: A Systematic Review and Network Meta-analysis. Ann Intern Med. 2018 Oct 2; 169(7):456–66.

6. NCCN [Internet]. [cited 2024 Jul 16]. NCCN Guidelines Version 3.2024 Basal Cell Skin Cancer. Available from: https://www.nccn.org/guidelines/guidelines-detail?category=1&id=1416

7. Zaorsky NG, Lee CT, Zhang E, Keith SW, Galloway TJ. Hypofractionated radiation therapy for basal and squamous cell skin cancer: A meta-analysis. Radiother Oncol. 2017; 125(1):13-20.

8. Von Hoff DD, LoRusso PM, Rudin CM, Reddy JC, Yauch RL, Tibes R, et al. Inhibition of the hedgehog pathway in advanced basal-cell carcinoma. N Engl J Med. 2009 Sep 17; 361(12):1164–72.

9. https://clinicaltrials.gov/study/NCT05561634?term=radiosonic&rank=1

 

Publié le 1729610718000