Actualités : Radiopediatrie et imagerie antenatale : un continuum naturel

Publié le 14 mai 2022 à 07:16

Paris, 1957 : lors des « Journées Nationales de Radiologie », une journée est pour la première fois dédiée à la radiologie pédiatrique, sous l’égide du Pr Jacques Lefebvre qui dirige depuis 1948 le premier service de radiologie pédiatrique français à l’Hôpital des Enfants-Malades. La place de l’imagerie en obstétrique à cette époque est très marginale, hormis la radiopelvimétrie. Quelques radiologues s’intéressent à la détermination de l’âge foetal et au diagnostic de mort foetale in utero via la radiographie du contenu utérin. L’amniographie est envisagée par quelques obstétriciens téméraires pour l’analyse de la morphologie foetale, et les anomalies de localisations placentaires sont recherchées par artériographie ou exploration radio-isotopique. Mais les premières publications relatives à la toxicité des radiations ionisantes sur le développement foetal limitent naturellement le développement de cette branche de la radiologie.

Paris, 1964 : Jacques Lefèbvre préside le premier congrès de la société européenne de radiopédiatrie (ESPR) qu’il vient de fonder, six ans après la naissance de la société nordaméricaine, la SPR (The Society for Pediatric Radiology). L’échographie est encore balbutiante, mais les premiers équipements font leur apparition dans les hôpitaux. Ian Donald (Glasgow) et Douglass Gordon (Londres) parviennent à mesurer le diamètre bipariétal d’un foetus (en mode A). Trois ans plus tard, Georges Boog, gynécologue-obstétricien de Nantes, entreprend le développement de la technique en France.

Les années 70 et 80 : Le développement de l’échographie en mode B et du Doppler est fulgurant. Les radiopédiatres francophones fondent le « Groupe Jacques Lefèbvre » après la disparition de ce dernier, en 1974. Du fait de son innocuité et de ses performances, la place des ultrasons en imagerie pédiatrique devient majeure, utilisée dans tous les domaines, y compris en neuro-imagerie chez le nouveau-né, domaine largement exploré notamment par Alain Couture à Montpellier. L’échographie obstétricale moderne se met en place en parallèle, principalement à l’initiative des obstétriciens. Toutefois, quelques radiopédiatres dont Danièle Eurin (Rouen), Freddy Avni (Bruxelles) et François Didier (Nancy) s’investissent dans l’imagerie périnatale et créent dès 1980 le Groupe Radiopédiatrique de Recherche en Imagerie Foetale (GRRIF). Ce groupe entretient depuis d’étroites relations avec les échographistes obstétriciens qui créeront plus tard le Collège Français d’Echographie Foetale (CFEF). Le scanner à rayons X, apparu de façon concomitante, révolutionne le radiodiagnostic mais ne modifie pas d’emblée la stratégie d’imagerie foetale. Les temps d’acquisition sont trop lents, le contraste spontané trop faible, et surtout les doses de rayonnements trop élevées pour imaginer pouvoir concurrencer l’échographie, de plus en plus performante.

En 1989, le « Groupe Jacques Lefèbvre » devient officiellement la « Société Francophone d’Imagerie Pédiatrique » (SFIP). Les premiers articles Nord-Américains sur l’emploi de l’IRM en obstétrique viennent d’être publiés et les premiers équipements IRM sont installés dans les hôpitaux français. Les radiopédiatres s’approprient rapidement cette technique qui, comme les ultrasons, n’expose pas les enfants aux rayonnements ionisants. Ils l’appliquent rapidement au foetus en concertation avec les obstétriciens, notamment dans les hôpitaux « Mère-Enfant » qui les ont rapprochés. En 1992, les premières publications françaises en IRM foetale de Marie-Pierre Revel (CHU Antoine Béclère, Clamart) et Nadine Girard (CHU La Timone, Marseille) sont centrées sur l’imagerie cérébrale. Elles sont rapidement suivies par celles de Catherine Garel, Monique Elmaleh et Hervé Brisse (CHU Robert Debré, Paris) et Catherine Adamsbaum (CHU Saint-Vincent-de-Paul, Paris), assorties de corrélations aux données foetopathologiques et postnatales. La technique se déploie rapidement dans tous les hôpitaux universitaires pédiatriques francophones. Une « nouvelle vague » de radiopédiatres embrasse cette spécialité et rejoint les staffs de diagnostic prénatal qui deviendront les actuels CPDPN, nouant des liens étroits avec les obstétriciens et foetopathologistes. Beaucoup d’entre eux transposent alors naturellement leurs compétences échographiques vers le foetus, contribuant fortement à affiner la sémiologie échographique des pathologies foetales. Leur expertise, déjà ancienne dans le domaine des maladies osseuses constitutionnelles (les « MOC »), et leur maîtrise reconnue de la radioprotection les autorisent alors à employer le scanner pour l’exploration du squelette foetal, dès les années 2000, les premières publications françaises étant issues des équipes de Marc Molho (CH Poissy-Saint-Germain) et François Diard (CHU Bordeaux).

Dans ces hôpitaux mère-enfant, les radiopédiatres suivent leurs petits patients depuis la période prénatale jusqu’en post-natal, améliorant ainsi progressivement la valeur pronostique de l’imagerie foetale. En 2006, le Bureau de la SFIP décide d’ajouter un second « P » au nom de sa société, désormais nommée « Société Francophone d’Imagerie Pédiatrique et Prénatale », en témoignage de l’expertise acquise et de l’implication des radiopédiatres en imagerie foetale, spécialité qui prend une part grandissante dans ses congrès. Les travaux du GRRIF, aujourd’hui présidé par le Dr Chantal Durand (CHU Grenoble), se poursuivent, modèles de rigueur scientifique, de partages d’expériences et d’ouverture vers les jeunes radiologues souhaitant s’investir dans la discipline.

La réforme du troisième cycle mise en oeuvre en 2017 suit cette évolution. Au même titre que la radiologie pédiatrique, l’imagerie prénatale fait désormais intégralement partie du programme de formation des radiologues. Les internes entrés depuis 2017 en troisième cycle suivront les formations théoriques et pratiques dispensées en phase d’approfondissement et de consolidation, qui leur permettront d’être habilités à la pratique du dépistage échographique prénatal. Quelques-uns certainement se passionneront pour cette spécialité, poursuivront dans cette voie et prolongeront, espérons-le, les travaux de leurs aînés. L’imagerie foetale fonctionnelle, dynamique, prédictive, la radiologie interventionnelle sont vraisemblablement nos prochains défis. Le champ d’étude est immense, la discipline passionnante, variée, alors… Rejoignez-nous !!

Article paru dans la revue “Union Nationale des Internes et Jeunes Radiologues” / UNIR N°32

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