Question 1 : Hépatite aiguë grave + indication transplantation hépatique
Tu es de garde aux urgences dans un petit hôpital de périphérie (les chefs de garde ont déjà coupé et sont allés dormir) et ta co-interne, qui sait que tu es interne d’HGE, t'interpelle pour un avis car un de ses patients a 15 % de TP.
Tu reprends le dossier avec elle, c’est un patient de 22 ans, a priori sans antécédent, que sa mère a amené aux urgences car elle ne le reconnaît plus, il tient des propos incohérents et est désorienté. Cela fait 3 jours qu’il vomit et ne sort pas de son lit.
Au bilan il a une cytolyse > 20N, une cholestase minime et 50 µmol/L de bilirubine. Le reste du bilan est sans particularité et il est stable sur le plan hémodynamique. L’interrogatoire est compliqué du fait des troubles neurologiques.
1) FAUX
Vous êtes face à une hépatite aiguë grave car déjà à un stade d’encéphalopathie de grade 2 (sur la confusion). Ce patient doit donc avoir une surveillance SCOPE avec réévaluation neurologique.
L’hépatite aiguë est une nécrose/destruction des hépatocytes conduisant à une insuffisance hépatique aiguë et dont la gravité est estimée par le dosage du TP et du facteur V. L’évolution est souvent marquée par l’apparition d’une défaillance neurologique jusqu’au stade de coma qui défi nit l’encéphalopathie. L’ensemble « insuffisance hépatique aiguë + encéphalopathie » caractérise l’hépatite aiguë grave ou Acute Liver Failure, mettant en jeu le pronostic vital à court terme. L’insuffisance hépatique grave est aiguë quand l’intervalle entre l’ictère et l’apparition d’une encéphalopathie hépatique est de moins de 2 semaines et subaiguë quand il est de plus de 2 semaines.
Tout patient ayant une insuffisance hépatique aiguë avec un TP < 50 % doit être orienté vers un centre de transplantation hépatique(1).
2) VRAI
Les symptômes d'intoxication aiguë par le paracétamol sont habituellement mineurs jusqu'à ≥ 48 heures après l'ingestion. Il existe 4 phases de symptômes(2) :
I : Dans les 24h après l’ingestion : nausées, vomissements, anorexie. II : 24-72h : douleurs abdominales, augmentation des transaminases et si atteinte sévère diminution du TP. III : 72-96 heures : vomissements et insuffisance hépatique aiguë, parfois développement d’une insuffisance rénale et/ou d'une pancréatite aiguë. IV : >5 jours : résolution de l’hépatotoxicité ou développement d’une défaillance multi-viscérale.
De plus, l’étiologie exacte d’une hépatite aiguë grave n’est parfois pas retrouvée (environ 15-20 %).
3) VRAI
La N-acétylcystéine contribue à restaurer les stocks de glutathion intra-hépatocytaire. Ce composé est indispensable au métabolisme du paracétamol en métabolites non réactifs, n’ayant pas d’effets délétères sur la cellule. Il protège également les cellules d’agents réactifs instables présents au cours de nombreux processus pathologiques autres que l’intoxication par le paracétamol. La N-acétylcystéine est recommandée pour toute insuffisance hépatique aiguë, qu’elle soit liée ou non au paracétamol. Le protocole consiste en des injections de 150 mg/kg en 15 min puis 50 mg/kg en 4 heures puis 100 mg/kg en 16 heures en intraveineuse voire plus longtemps jusqu’à ce que le TP et/ou le facteur V soit > 50 %. Il doit être débuté le plus tôt possible et même si la prise en charge est tardive. Les doses étant élevées et la forme orale inappropriée, la voie intraveineuse est à privilégier (mais attention à l’odeur !!!). Ce seul traitement peut suffire à la régénération et la restauration de la fonction hépatique(3).
4) VRAI
Le risque de l’insuffisance hépatique aiguë grave est l’apparition d’une défaillance multiviscérale ainsi qu’un œdème cérébral avec hypertension intracrânienne qui peut entraîner un décès par anoxie et engagement. La transplantation hépatique « en super urgence » est parfois le seul recours chez certains malades dont le pronostic vital est engagé à court terme pour rétablir la fonction hépatique ainsi que pour de stopper les défaillances.
Des critères existent pour orienter la décision d’une transplantation mais la décision est validée au cas par cas en fonction de la gravité, de la cause, de la rapidité d’évolution de l’insuffisance hépatique, du terrain et de l’existence ou non d’une hépatopathie chronique(4).
Question 2 : Hépatite alcoolique aiguë (HAA)
1) FAUX
Le score de Maddrey est un score pronostique pour caractériser une hépatite alcoolique aiguë de sévère s’il est >32. Elle entraîne une survie spontanée plus basse à 28 jours. Le score est calculable sur de nombreux sites ou avec une calculatrice « Score = 4,6 x (TP patient (sec) - TP témoin (sec) ) + Bilirubine (µmol/l)/ 17 ». Tout patient qui présente un ictère avec une consommation excessive d’alcool doit avoir un score de Maddrey. L’HAA est de très mauvais pronostic à court et moyen terme avec une mortalité estimée à 25 % à 1 mois et 50 % à 6 mois (sans traitement ; pour les formes cortico-résistantes la mortalité peut aller jusqu‘à 40 % en 1 mois)(5).
Le diagnostic est histologique par ponction biopsie hépatique à faire dès que possible mais cette dernière ne doit pas retarder la prise en charge et le début du traitement. À l’histologie l’HAA est caractérisée par des foyers de nécrose hépatocytaire associés à un infiltrat de polynucléaires neutrophiles, une ballonisation hépatocytaire et la présence de corps de Mallory. La physiopathologie est complexe associant des mécanismes inflammatoires et du stress oxydatif. On note aussi l’importance du microbiote intestinal, l’alcool entraînant une dysbiose, cela augmenterait la perméabilité de la barrière intestinale avec passage dans la circulation porte et dans le foie de molécules présentes dans les parois bactériennes telles que des lipopolysaccharides (6).
Histologie hépatique en microscopie optique, coloration hématoxyline éosine safran.
Service anatomopathologie CHU Besançon
2) VRAI
Le traitement par corticothérapie est le traitement de première ligne dans la prise en charge d’une HAA sévère avec bilan infectieux préalable à la dose de 40 mg/j de prednisolone pendant 28 jours(7). Une réévaluation par le score de Lille (http://www.lillemodel.com/score.asp) est indispensable à J7. Il se base sur 6 variables : l'âge, l'albuminémie, la bilirubinémie à J0 et J7, l’insuffisance rénale et le taux de prothrombine.
Il comprend 3 valeurs seuils(5)(8) :
- Entre 0,16 et 0,45 : patient hyper répondeur.
- Entre 0,45 et 0,56 : répondeur partiel.
- >0,56 : patient non répondeur.
La N-acétylcystéine (NAC) a une action anti-oxydante. Les résultats de certaines études étaient en faveur d’un gain de survie précoce avec l’association « Corticostéroïdes-NAC », qui a reçu une recommandation européenne EASL 2018 comme traitement de première ligne possible dans l’hépatite alcoolique sévère, ainsi que par l’AASLD en 2019(9). La NAC associée aux corticostéroïdes est perfusée les 5 premiers jours à la dose de 150 mg/kg dans 250 ml de glucosé 5 % en 30 à 45 minutes, puis 50 mg/kg dans 500 ml de G5 % en 4 heures, puis 100 mg/kg en 16 heures, la troisième dose étant renouvelée du J2 au J5, puis les corticostéroïdes poursuivis seuls jusqu’à J28.
3) VRAI
L’hépatite alcoolique aiguë se développe dans 80 % des cas chez un patient ayant déjà une hépatopathie chronique fibrosante.
4) VRAI
Chez les patients corticorésistants la mortalité à 6 mois peut atteindre 75 %(8).
Plusieurs études ont évalué le bénéfice d’une transplantation hépatique précoce chez ces patients. La problématique principale étant l’absence de sevrage alcoolique et que la règle des “6 mois d'abstinence” n'est pas utilisable. La décision d’une transplantation précoce doit être multidisciplinaire et consensuelle entre l’équipe paramédicale, médicale avec un médecin addictologue, l’hépatologue, l’anesthésiste et le chirurgien transplanteur. L’indication peut se discuter lors d’un premier épisode d’HAA sévère si toutes ces conditions sont réunies : engagement d’abstinence, entourage présent et aidant, absence de comorbidité et de maladie psychiatrique. La question de la rechute alcoolique étant indispensable.
Par ailleurs, toute hépatite alcoolique aiguë sévère doit avoir une prise en charge multidisciplinaire : addictologique, nutritionnelle et hépatologique.
Question 3 : Carcinome hépatocellulaire (CHC)
1) FAUX
La caractérisation d’un nodule de CHC repose sur sa vascularisation. En imagerie, cela correspond aux critères de diagnostic LI–RADS qui définissent plusieurs catégories de nodules allant de 1 (définitivement bénin) à 5 (définitivement malin). Le signe le plus évocateur de CHC est l’existence d’un nodule hypervascularisé au temps artériel précoce (wash-in) avec lavage (wash-out : hypodensité ou hypointensité par rapport au parenchyme hépatique non tumoral) à la phase portale ou à la phase tardive. En effet les nodules de CHC sont des nodules « déportalisés » ayant un apport artériel exclusif.
Service radiologie Clinique de la Miotte Belfort
Temps artériel coupe axiale : Visualisation de la vascularisation artérielle au sein de la tumeur ainsi que de la prise de contraste périphérique.
Service radiologie Clinique de la Miotte Belfort
Temps portal coupe axiale et coronale : Lavage complet de la lésion ou « wash out » avec hypodensité par rapport au parenchyme hépatique sain. On note que la lésion était appendue au contact de l’estomac.
(Pour information après un traitement par immunothérapie par Tislelizumab (dans le cadre d’un essai clinique) entraînant une régression majeure des lésions, le patient a par la suite été opéré et est actuellement en rémission complète).
Le diagnostic non invasif de CHC est possible et valable uniquement en cas cirrhose, pour un nodule de plus de 1 cm et avec une imagerie dédiée aux 4 temps (IRM ou TDM sans injection, artériel, portal et tardif) et doit être validé en RCP dédiée. Le diagnostic non invasif est source d’erreur surtout pour les nodules de moins de 3 cm car certains cholangiocarcinomes intra-hépatiques de petites tailles peuvent avoir les mêmes caractéristiques de rehaussement. Dans tous les autres cas et au moindre doute une biopsie en foie lésionnel et non lésionnel est nécessaire même si l’imagerie est typique(10).
2) VRAI
TNCD Chapitre 7 : Carcinome hépatocellulaire 28/09/2023
S’il n’y a pas d’augmentation du diamètre après 2 ans de surveillance, on peut revenir à la périodicité de dépistage par échographie semestrielle. Le dépistage du CHC concerne des patients atteints d’une cirrhose A/B ou C en attente de transplantation hépatique. Cependant les patients inscrits sur liste de greffe ont des imageries en coupe de réévaluation tous les trois mois. Le dosage de l’alphafœtoprotéine (AFP) dans le cadre du dépistage est souvent réalisé en pratique courante mais actuellement remis en cause.
3) VRAI
La destruction percutanée par radiofréquence est une alternative à la chirurgie. C’est une méthode simple, bien tolérée et qui permet de préserver le parenchyme hépatique. Il faut que la tumeur mesure moins de 3 cm pour observer des durées de survie plus longues(11) . Il faut que le nodule soit accessible à la ponction sous échographie ou sous scanner et à distance du hile et des grosses voies biliaires. Les principales contre-indications sont les anastomoses bilio-digestives et l’ascite de grande abondance.
4) FAUX
Pour le savoir il faut se référer au score alpha-fœtoprotéine (AFP).
La transplantation hépatique est indiquée chez les patients ayant une cirrhose compliquée d’un CHC ; elle est le traitement curatif idéal. Sa validation repose sur les critères de Milan (CHC localisé au foie, unique de 2-5 cm ou 2-3 nodules <3 cm, sans thrombose porte ou hépatique) et/ou un score AFP < 2. Les taux de survie globale à 5 ans sont estimés autour de 63-80 %. En pratique, et au vu de la pénurie actuelle de greffon et des délais de transplantation, plusieurs traitements d’attente sont possibles.
Un algorithme regroupe les traitements possibles du CHC en fonction du statut OMS, du score de CHILD et des caractéristiques tumorales.
Tableau image Score alpha
TNCD Chapitre 7 : Carcinome hépatocellulaire 28/09/2023
Question 4 : Cholangite biliaire primitive (CBP)
1) VRAI
La cholangite biliaire primitive (anciennement cirrhose biliaire primitive) est une maladie cholestatique d’origine auto-immune liée à la destruction des canaux biliaires de petites tailles en lien avec une infiltration lymphocytaire. C’est la première cause de cholestase intra-hépatique. Elle survient principalement chez la femme dans 90 % des cas avec un âge médian de 55 ans au diagnostic(12).
Elle peut être asymptomatique mais le symptôme le plus fréquent est le prurit associé à une cholestase chronique avec ou sans ictère et souvent associée à une cytolyse minime. Les complications biologiques de la cholestase étant une carence en vitamine liposoluble (ADEK) et une hypercholestérolémie. Dans de rares cas, le diagnostic est posé au stade de cirrhose. Il faut également rechercher d’autres maladies auto-immunes associées.
2) FAUX
L’overlap syndrome ou syndrome de chevauchement correspond à l’association d’une hépatite auto-immune à la CBP qui survient dans 10 % des cas soit de façon synchrone soit métachrone. Il est suspecté en cas de cytolyse > 5N, une biopsie hépatique est indispensable dans ce cas.
3) FAUX
Il repose sur le dosage des anticorps (Ac) anti-mitochondries qui ont une sensibilité et une spécificité de 90 % et 97 % respectivement avec une valeur diagnostique de 1/40(13). Si ces Ac sont négatifs il faudra rechercher les Ac anti-Gp210 et anti-Sp100. L’association d’une cholestase et la positivité de ces anticorps suffi t pour poser le diagnostic de CBP.
Pour les patients présentant des anticorps positifs sans cholestase il convient de surveiller le bilan hépatique une fois par an car un patient sur six développera une CBP après 5 ans(14).
La recherche d’une fibrose par Fibroscan ou Fibrotest doit être systématique.
4) VRAI
Le traitement repose sur l’acide ursodesoxycholique (AUDC) qui est un acide biliaire naturel hydrophile, débuté dès le diagnostic de CBP quelle que soit sa sévérité, à une posologie de 13-15 mg/kg/j.
Son profil de tolérance est bon et le principal effet secondaire est la diarrhée.
Son efficacité est évaluée à 1 an selon les critères de Paris II par une diminution des PAL <1.5 N, ASAT <1.5N et une bilirubinémie normale(14). En cas de non réponse il faut systématiquement rechercher une non observance.
En deuxième intention, en cas de non-réponse ou de mauvaise tolérance, l’acide obéticholique (également un acide biliaire) a été validé dans cette indication (5 mg/j pendant 6 mois puis 10 mg/j), en monothérapie ou associé à l’AUDC.
Ses principaux effets secondaires sont le prurit et une dyslipidémie.
La transplantation hépatique n’est indiquée qu’en cas de cirrhose décompensée et dans de rares cas de prurit réfractaire avec une possibilité de récidive sur le greffon justifiant la poursuite d’un traitement préventif par AUDC.
Actuellement l’essai ELATIVE a démontré l’efficacité de l’Elafibranor dans cette indication et est en attente d’une AMM.
Références
Inès LEVEQUE
Un grand merci au
Dr Sophie Vendeville
pour sa relecture et ses corrections
(Service hépatologie, CHU Besançon)
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