Prise en charge de l’hépatite C

Publié le 20 Nov 2024 à 13:44
Article paru dans la revue « AFIHGE - Le journal des Jeunes gastro » / JJg N°5

Synthèse des recommandations de la HAS, l'ANRS | MIE et le CNS, publiée en octobre 2023 et actualisées en 2024

Présentations cliniques

Hépatite aiguë C Séroconversion récente anti-VHC (qui doit être bien documentée), cytolyse supérieure à 10N et/ou ictère, absence d'autre étiologie évidente, facteurs de risque (ou alors PCR VHC positive dans un contexte d'hépatite aiguë).

Hépatite chronique C

Sérologie anti-VHC et ARN VHC pendant supérieure à 6 mois ou absence d'arguments pour une infection récente.

Rechute virologique Détection d'ARN VHC 12-24 semaines après la fin du traitement.

Réinfection virale C

Réapparition de l'ARN VHC 12-24 semaines après la réponse virologique soutenue RVS ou clairance spontanée du virus, si les facteurs de risque sont poursuivis et si possible en prouvant que l'infection est due à un génotype différent ou une souche phylogéniquement éloignée.

En pratique :

• Dépistage : sérologie VHC et si positive : ARN VHC.

• Si sérologie positive mais ARN négative : refaire ARN à 12-24 semaines pour confirmer la guérison.

• Si suspicion d'infection récente : faire à la fois sérologie et ARN.

Indications du traitement

Qui traiter ? Tout patient ayant une hépatite C aiguë ou chronique.

Traitement urgent/ rapide

• Risque de maladie hépatique d'évolution rapide : fibrose F2, F3 ou F4 ;  récidive virale après transplantation hépatique ; transplantation d'organe solide non hépatique ou de moelle ; co-infection VHB / VIH ; diabète.

• Manifestations extra-hépatiques : cryoglobulinémie, néphropathie liée au VHC, lymphome B non hodgkinien.

• Haut risque de transmission : drogues IV, HSH avec pratiques sexuelles à risque, femmes en âge de procréer, patients en hémodialyse, prisonniers.

Ne pas traiter

• Espérance de vie limitée par des comorbidités non hépatiques.

• Femmes enceintes.

Bilan pré-thérapeutique

• Évaluer la sévérité et d'autres facteurs de risque de maladie hépatique (alcool, syndrome métabolique).

• Sérologies VHA (IgG), VHB et VIH.

• Vacciner contre le VHA et le VHB les personnes non immunisées.

• Créatinine, DFGe (CKD-EPI).

• ECG (avis d'expert).

• Si manifestation cutanée, neurologique, rénale, hématologique, musculaire, articulaire : dosage de cryoglobulinémie.

Quand demander un génotypage / sous-type viral ?

• Patients prétraités par un antiviral d'action directe.

• Patients originaires de Chine, Asie du Sud-Est et d'Afrique subsaharienne (avis d'expert).

• Personnes à risque de recontamination.

Indications du traitement pangénotypique, sans présentation en RCP

• Patients naïfs de tout traitement.

• Et absence de fibrose sévère F3-F4 (Fibroscan   10 kPa, Fibromètre supérieure à 0.786, Fibrotest supérieure à 0.58).

• Et absence de co-infection VHB/VIH.

• Et DFGe supérieure à 30 mL/min.

• Et absence de comorbidité mal contrôlée (diabète de type 2 déséquilibré, consommation d'alcool à risque).

• Et patients non originaires de Chine, Asie du Sud-Est et d'Afrique subsaharienne.

Attention, pour la suite de cette mise au point, il faut bien distinguer :

• Les patients prétraités = patients prétraités par interféron pégylé +/- RBV (ribavirine) +/- inhibiteur de protéase de 1ère génération (TPV = Tipranavir, ou BOC = Boceprevir) ou +/- SOF (Sofosbuvir) ou SOF + RBV (ribavirine).

• Et les patients en échec des antiviraux d'action directe.

Si une condition n'est pas respectée : il faut présenter le patient en RCP.

Nota Bene : Il s'agit ici des recommandations de la Haute Autorité de Santé. En pratique, pour les hépato-gastro-entérologues, la RCP est obligatoire en cas d'échec de traitement par antiviraux d'action directe, en cas de co-infection VIH ou VHB, en cas d'insuffisance rénale sévère et/ou en cas de cirrhose décompensée.

Traitement pangénotypique

Epclusa sofosbuvir + velpatasvir

Maviret glecaprevir + pibrentasvir

Vosevi sofosbuvir + velpatasvir + voxilaprevir

Pas de cirrhose ou cirrhose compensée Child Pugh A

Pas de génotypage disponible

• EPCLUSA 1/j pendant 12 semaines.

• MAVIRET 3 cp en 1/j avec de la nourriture :

• Pas de cirrhose ou cirrhose Child Pugh A, non prétraités : 8 semaines.

• Prétraités, pas de cirrhose : 8 semaines.

• Prétraités, cirrhose Child Pugh A : 12 semaines.

Génotype 3a connu

• Naïf de traitement : EPCLUSA 12 semaines ou MAVIRET 8 semaines.

• Prétraités : EPCLUSA 12 semaines ou MAVIRET 16 semaines.

Si cirrhose Child Pugh A et traitement par EPCLUSA : prendre en compte le polymorphisme NS5A-Y93H.

Si polymorphisme NS5A-Y93H ou séquençage indisponible  EPCLUSA + RBV 12 semaines ou traitement par VOSEVI 12 semaines.

Autres sous-types

Sous-types non usuels (1l, 4r, 3b, 3g, 6u, 6v) originaires de Chine, Asie du Sud-Est et d'Afrique subsaharienne ou patients infectés par des sous-types ayant   1 polymorphisme connu pour conférer une résistance aux inhibiteurs de la NS5A : VOSEVI 12 semaines.

Échec de traitement par antiviraux d'action directe : faire des tests de résistance  énotypique avant le retraitement

Pas de cirrhose ou cirrhose Child Pugh A : VOSEVI 12 semaines.

Pas de cirrhose ou cirrhose Child A avec facteurs prédictifs de mauvaise réponse : SOF + MAVIRET 12 semaines.

Cirrhose décompensée ou avec antécédent de décompensation : EPCLUSA + RBV 24 semaines.

Cirrhose Child Pugh B ou C ou A mais avec antécédent de décompensation

• Child Pugh C : Se rapprocher d'un centre de transplantation hépatique et discuter le traitement avant ou après la transplantation ; si attente estimée inférieure à 3 mois sur liste de transplantation, reporter le traitement à après la transplantation.

• Traitement pangénotypique : EPCLUSA + RBV 12 semaines.

• Si contre-indication ou intolérance à la RBV : EPCLUSA 24 semaines.

Situations particulières

DFG inférieure à 30 ml/min :

MAVIRET 12 semaines

Sauf si cirrhose décompensée ou avec antécédent de décompensation (puisqu'aucune autre option thérapeutique)  EPCLUSA 24 semaines.

Co-infection VHB /VHC :

Si absence d'indication de traitement du VHB : surveillance transaminases et ADN VHB 1x/mois et jusqu'à 12 semaines après l'arrêt du traitement contre le VHC.

Co-infection VIH /VHC/ : Même stratégie thérapeutique que si infection VHC seule mais en restant vigilants aux interactions médicamenteuses.

Suivi des patients :

• Pendant le traitement : si ALAT supérieure à 10 N  arrêter le traitement et faire un bilan d'hépatite aiguë ; si IR : doser la créatinine 1x/mois ; si traitement par RBV, baisser la dose si Hb inférieure à 10 g/dL et l'arrêter si Hb inférieure à 8.5 g/d.

• Doser ARN VHC à 12 et 24 semaines après la fin du traitement pour confirmer la RVS12 ou la RVS24.

• Si fibrose F0-F2 et absence de comorbidités hépatiques, arrêter toute surveillance après l'obtention de la RVS ; sinon, nécessité de suivi spécialisé.

• Si fibrose F3-F4 : dépistage semestriel du CHC à vie.

• Dans les populations à risque, dépister la réinfection tous les 6-12 mois.

Interactions médicamenteuses :

• Ne pas utiliser le SOFOSBUVIR avec l'AMIODARONE et privilégier un traitement ne contenant pas le SOFOSBUVIR si traitement anti-arythmique ou troubles du rythme ou de la conduction ; sinon : demander un avis cardiologique

• Consulter le site www.hep-druginteractions.com ou application smartphone HEP iChart.

• Contre-indication au millepertuis, pamplemousses, oranges sanguines.

Take home mesSage

L'objectif de cette mise au point n'est pas de connaître par coeur les noms des di  érents antiviraux d'action directe indiqués dans le traitement du VHC, encore moins les différentes indications thérapeutiques et les durées respectives de traitement.

Les messages clé à retenir :

• Il faut traiter tout patient ayant une hépatite C.

• Il existe di  érents schémas de traitement (tous consultables sur les sites de sociétés savantes), en fonction du produ patient (antécédent de traitement ou pas, comorbidités, situation hépatique) ; en cas de doute, ne pas hésiter à présenter le patient en RCP.

• Il faut penser systématiquement aux interactions médicamenteuses.

• Il faut insister sur l'observance du traitement (sensibiliser le patient au coût et à l'importance médicale d'un traitement e  cace).

• Il faut suivre certains patients même après la guérison en raison du surrisque de développer un carcinome hépatocellulaire et/ou une hépatopathie chronique avancée.

Si les e  orts de dépistage, de traitement et de suivi sont déployés, nous pouvons éradiquer l'hépatite C en 2030.

 

 

 

 

 

EL HACHEM Sami
Toulouse

Un grand merci au Dr METIVIER Sophie du service d'hépatologie du CHU de Toulouse pour sa relecture.

Publié le 1732106671000