A l’issue de son internat, le jeune psychiatre tout récemment thésé est amené à choisir parmi les nombreuses possibilités de pratiques de la psychiatrie s’offrant à lui. Afin d’avoir une meilleure connaissance des souhaits des internes actuels en termes de formation, de pratiques et de modalités d’exercice, l’AFFEP a entrepris une enquête nationale auprès de l’ensemble des internes français de psychiatrie. Elle a été menée auprès des internes inscrits au DES de psychiatrie pour l’année universitaire 2011-2012 (n = 1615). Un auto-questionnaire anonyme de deux pages a été diffusé selon deux modalités : par mail avec un lien vers un questionnaire sur googledoc à remplir en ligne et par l’intermédiaire des internes référents AFFEP de chaque ville universitaire de France qui ont fait remplir des questionnaires papiers. Le questionnaire avait pour objectif de connaître les souhaits des internes quant à leurs orientations futures afin de les représenter au mieux auprès des instances universitaires, syndicales et ministérielles. Il était divisé en 4 parties :
- Caractéristiques sociodémographiques ;
1. Choix de formation durant l’internat (stages inter-CHU, M2R et DESC) ;
2. Pratique envisagée immédiatement après l’internat ;
3. Pratique souhaitée dans les 5 à 10 ans suivant l’internat.
Résultats principaux 853 internes sur les 1615 inscrits au DES de psychiatrie pour l’année 2011-2012 ont répondu à cette enquête, soit un taux de participation de 53 %. La grande majorité des réponses a été obtenue via le questionnaire en ligne. 71 % des répondants sont des femmes, 29 % des hommes. 5 % sont en disponibilité. Parmi les répondants, 29 % sont en 1ère année, 27 % en 2ème année, 23 % en 3ème année et 21 % en 4ème année.
Quels choix de formation pendant l’internat ?
45 % (n= 384) des internes souhaitent faire ou ont déjà fait un inter-CHU. Parmi eux, 32 % (n= 124) souhaitent changer de région après leur internat. Ces chiffres décroissent avec les années puisqu’en 1ère année 61 % (n= 152) veulent faire un inter-CHU alors qu’ils ne sont plus que 28 % (n= 50) en 4ème année.
En ce qui concerne les M2R, qui peuvent être effectués en parallèle d’un stage ou en prenant une disponibilité de 6 mois ou 1 an, 31 % (n= 268) des répondants désirent faire ou ont déjà fait un M2R. Ce chiffre diminue avec les années : ils sont 37 % (n= 93) en 1ère année et 27 % (n= 49) en 4ème année.
Pour les DESC, 9 % (n= 76) des internes sont inscrits à un DESC et 34 % (n= 286) souhaitent s’y inscrire. Parmi les internes souhaitant s’inscrire ou étant inscrits à un DESC, 19 % (n= 68) envisagent celui d’addictologie, 19 % (n= 68) celui de médecine légale, 60 % (n= 216) celui de pédopsychiatrie et 2 % (n= 8) d’autres DESC. On retrouve une proportion plus importante de femmes inscrites au DESC de pédopsychiatrie et d’hommes inscrits aux DESC d’addictologie et de médecine légale
Quelles pratiques à la fin de l’internat ?
A l’issue de l’internat, plusieurs orientations sont possibles : post-internat (clinicat ou assistanat), poste de praticien hospitalier contractuel (PHC), installation en libéral, activité mixte, etc. 76 % (n= 650) des internes envisagent d’effectuer un post-internat, 24 % (n= 207) de trouver un poste de PHC, 8 % (n= 65) de faire une thèse de science et 5 % (n= 46) de s’installer en libéral.
Le post-internat
Concernant les internes souhaitant faire un post-internat, 41 % (n= 269) aimeraient que cela soit un clinicat, 55 % (n= 355) un assistanat et 4 % (n= 26) n’ont pas donné de réponse. Lorsque l’on regarde l’évolution de cette répartition au cours des années, on observe une nette inversion de la tendance. En effet, 51 % (n= 93) des internes de 1ère année souhaiteraient faire un clinicat, ils ne sont plus que 32 % (n= 45) en 4ème année
Les internes s’orientant vers un assistanat mettent principalement en avant leurs souhaits de compléter leur formation, de valider leur DESC et d’avoir accès au secteur 2. Pour les internes souhaitant s’orienter vers le clinicat, les projets d’ordre universitaire apparaissent en tête : 48 % (n= 130) envisagent une carrière hospitalo-universitaire, 60 % (n= 160) sont intéressés par l’enseignement et 49 % (n= 133) par la recherche
L’activité libérale
Parmi les 5 % d’internes souhaitant s’installer en libéral à l’issue de leur internat, seuls 16 n’envisagent aucune autre possibilité. En 4ème année, ils ne sont plus que 2 à avoir le projet de s’installer d’emblée en libéral.
Le changement de région
22 % (n= 189) des internes veulent changer de région après leur internat. Ce désir de changement de région est très variable d’une ville à l’autre. Ainsi, dans deux tiers d’entre elles, plus de la moitié des internes ont le projet de changer de région. Ce n’est cependant pas le cas des internes des villes de Bordeaux, Lyon, Marseille, Nice, Paris, Saint-Etienne et Toulouse. Les raisons expliquant ce souhait de changement de région sont familiales et affectives pour 75 % (n= 141) d’entre eux, liées à la qualité de vie pour 40 % (n= 75) et professionnelles pour 25 % (n= 46).
Quelles pratiques 5 à 10 ans après l’internat ?
Type d’activité
96 % (n= 818) des internes souhaitent avoir une activité clinique, 20 % (n= 174) une activité de recherche et 0,8 % (n= 7) une activité en lien avec l’industrie pharmaceutique. Parmi les internes souhaitant avoir une activité clinique, 55 % (n= 450) souhaitent exercer en psychiatrie adulte, 16 % (n= 127) en pédopsychiatrie, 22 % (n= 182) en psychiatrie adulte et pédopsychiatrie et 7 % (n= 59) ne savent pas.
Modalité d’exercice
71 % (n= 610) aimeraient exercer à l’hôpital, 40 % (n= 337) en libéral et 17 % (n= 147) dans le secteur médico-social. On remarque que l’attrait de l’activité hospitalière croit fortement entre la 1ère et la 4ème année puisque seuls 53 % (n= 134) des internes de 1ère année l’envisagent alors qu’ils sont 85 % (n= 152) en 4ème année. On ne note pas cette croissance pour les autres modalités d’exercice.
Parmi les internes s’orientant vers une activité libérale, 38 % (n= 129) l’envisagent en cabinet, 10 % (n= 32) en clinique, 36 % (n= 121) en alliant activité en clinique et en cabinet, et 16 % (n= 55) ne savent pas. L’obtention du secteur 2 est jugée indispensable par 30 % (n= 100), importante par 51 % (n= 172) et inutile par 12 % (n= 39) de ces internes (8 % - n= 26 - n’ont pas répondu).
Parmi les internes souhaitant avoir une activité hospitalière, 42 % (n= 254) la souhaitent en secteur, 30 % (n= 184) dans un service hospitalo-universitaire et 28 % (n= 172) ne savent pas.
L’expertise médico-légale
28 % (n= 242) des internes sont désireux d’avoir une activité d’expertise. Les villes d’Amiens, Limoges, Océan Indien, Reims, Saint-Etienne et Strasbourg ont un taux supérieur à 40 %. A l’inverse ce taux est inférieur à 20 % à Brest, Grenoble, Rouen et Toulouse. Il existe une proportion comparable de femmes et d’hommes intéressés par l’expertise médicolégale : 27 % (n= 163) des femmes et 32 % (n= 79) des hommes. L’intérêt porté à l’expertise décroit légèrement avec les années d’internat : en 1ère année 37 % (n= 93) des internes sont intéressés par une activité expertale alors qu’ils ne sont que 27 % (n= 49) en 4ème année. 34 % (n= 82) des internes intéressés par l’expertise souhaitent faire un DESC de médecine légale (n= 58) et 64 % (n= 156) d’entre eux s’orientent vers la psychiatrie adulte. 75 % (n= 181) veulent travailler en hospitalier et 42 % (n= 102) en libéral.
L’activité pédopsychiatrique
Parmi les internes se dirigeant vers une activité de pédopsychiatrie exclusive, 91 % (n= 116) envisagent de faire le DESC de pédopsychiatrie. Ils sont 69 % (n= 88) à vouloir travailler en hospitalier, 29 % (n= 37) en libéral et 29 % (n= 37) dans le secteur médico-socia.
Perspectives concernant la formation
Devant une telle diversité des projets de carrière des internes en psychiatrie, l’AFFEP ne peut que défendre une formation leur permettant de découvrir ces différentes modalités d’exercice. Sur le plan de la formation théorique cela comporte, outre les séminaires classiques existant déjà, des formations plus spécifiques centrées par exemple sur l’expertise médico-légale ou sur la recherche. Sur le plan de la formation pratique, il s’avère indispensable de développer de nouveaux lieux de stage et de diversifier l’offre actuelle. En effet, les stages dans des services de secteur et en CHU ne suffisent plus à satisfaire la curiosité des internes. Développer davantage de postes dans le secteur médico-social et dans des stages mi-temps recherche et mi-temps clinique seraient des solutions leur permettant de découvrir ces diverses activités au cours de leur internat. Par ailleurs, il est regrettable que la réalisation des inter-CHU soit si rare et si complexe alors que près de la moitié des internes exprime le souhait d’en effectuer. Enfin, l’ouverture de stages en cabinet libéral permettrait aux internes d’appréhender une pratique de consultation bien spécifique à laquelle ils ne sont actuellement pas du tout sensibilisés.
Aurélie BERGER-VERGIAT, Lucie CHAUVELIN, Aude VAN EFFENTERRE
Ex-membres du bureau de l’AFFEP
Article paru dans la revue “Association Française Fédérative des Etudiants en Psychiatrie” / AFFEP n°16