Actualités : Présentation du master B2PRS

Publié le 11 août 2025 à 16:13
Article paru dans la revue « AJPO2 - La revue des jeunes pneumologues » / AJPO2 N°6

L'année de Master 2 en recherche scientifique, ou M2, est un sujet abordé très tôt au cours du parcours des études de médecine, dès le second cycle pour les étudiants s'intéressant au parcours Médecine Science, mais le plus souvent au cours des premières années d'internat. Il s'agit d'une année qui se prépare en amont pour les différentes raisons citées dans cet article.
Premièrement, quelles sont les raisons pour lesquelles les étudiants font un m2 sachant qu'il s'agit d'un diplôme complémentaire à notre formation ?
Il faut savoir que le M2 est indispensable pour postuler pour une thèse de science et entamer une carrière hospitalo-universitaire pour, in fine, devenir PU-PH (professeur universitaire praticien hospitalier). En effet, cette fonction comporte trois domaines de compétences : la clinique, l'enseignement et la recherche scientifique. Cependant, il existe d'autres motivations de faire un M2 : découvrir la recherche, approfondir sa compréhension de la médecine, s'impliquer dans un projet de recherche marquant, répondre à une exigence future du service, ou tout simplement l'envie de faire une pause au cours de l'internat et découvrir autre chose.
Une fois que vous savez que le M2 vous intéresse, comment s'y préparer ?

L'étape la plus importante est la recherche de votre encadrant, le plus souvent un hospitalo-universitaire (MCU-PH, PUPH) ou un scientifique avec qui vous vous êtes bien entendu(e)s au cours d'un stage d'internat.
Ce sera votre personne référente durant les mois de préparation de votre dossier et au cours de votre année de M2. En règle générale, plusieurs sujets de recherche vous seront proposés. Même si certains termes scientifiques peuvent vous sembler obscurs, la problématique soulevée devrait éveiller votre curiosité. Et enfin, vous irez visiter le laboratoire, rencontrer l'équipe de recherche et commencer à ressentir cette ambiance effervescente portée par tous ces chercheurs passionnés non seulement par le savoir mais surtout par ce qu'il reste encore à découvrir !

S'en suivront quelques mois parfois délicats mais cruciaux d'élaboration du projet de recherche et de quête de financement. L'année de M2 étant une année où l'interne se met en disponibilité pour recherche, elle n'est donc pas financée d'office. Il est recommandé de postuler à des appels à projet d'organismes publics, l'An- née Recherche de l'Agence Régionale de Santé par exemple, ou privés, la Fondation du Souffle par exemple. Généralement, vous pouvez trouver une liste, certes non exhaustive, des organismes sur les sites de votre DES ou bien auprès des étudiants déjà inscrits en M2. Il faut faire attention aux dates d'ouverture des appels à projet et surtout aux délais de soumission de candidature. Certains financent également cette année avec des remplacements en secteur libéral ou en prenant des gardes. L'élaboration de votre projet de recherche sera supervisée par votre encadrant et abordera les sujets suivants : l'état actuel des connaissances sur votre sujet, vos hypothèses, votre protocole de recherche, des résultats préliminaires s'il y en a, le cadre règlementaire selon si vous travaillerez sur des échantillons humains ou bien animaux et les perspectives de vos résultats attendus, le tout soutenu par des références bibliographiques. Cette étape du travail se déroule généralement entre janvier et mai de l'année précédant votre M2. Les lauréats sont annoncés courant juillet, permettant ainsi votre demande de mise en disponibilité en août et votre inscription sereine en septembre au M2 correspondant à votre projet.

Il existe un nombre conséquent de M2 proposés par les différentes facultés.  En pneumologie le M2 « Biologie intégrative et physiologie – Parcours : Biologie, physiologie, pharmacologie de la respiration et du sommeil », aussi connu sous le nom de B2PRS, est le plus communément choisi. Certains peuvent aussi s'orienter vers un cursus de biostatistiques ou même d'éthique, le plus important est que la formation théorique du cursus vous enseigne les éléments nécessaires à la réalisation de votre projet de recherche. La plupart des M2 exigent d'avoir un diplôme de master 1, le plus souvent obtenu au cours du second cycle des études médicales.

À titre d'exemple, je vais par la suite vous partager mon expérience personnelle
Je suis interne de pneumologie à Paris, et j'ai commencé cette démarche au cours de mon cinquième semestre d'internat. J'ai choisi sans originalité le M2 B2PRS qui est un master in- ter-facultés parisiennes impliquant les universités Paris Cité, Paris 13, Paris Est Créteil, Paris Sud et Paris Sorbonne. Les objectifs pédagogiques sont l'acquisition de connaissances fondamentales nécessaires à la compréhension des mécanismes physiopathologiques impliqués dans les pathologies respiratoires. Il s'adresse non seulement aux étudiants au profil scientifique mais également aux professionnels de santé, tels que des internes de pneumologie, pédiatrie et anesthésie-réanimation le plus souvent, mais aussi aux pharmaciens ou kinésithérapeutes. L'enseignement théorique s'organise en UE avec un programme s'étalant sur 6 à 8 semaines entre novembre et décembre selon les UE choisies par chaque étudiant. Chaque UE se déroule sur une semaine avec une majorité de cours donnés sous forme de conférences par un chercheur scientifique ou clinicien avec un créneau dédié à la lecture critique d'article scientifique et une présentation orale par groupe. La validation de chaque UE repose sur la notation de l'analyse d'article en plus des examens écrits au cours de la mi-janvier. Une présentation orale en anglais de votre projet de recherche aura aussi lieu fin janvier dont la note contribue à la validation de votre M2.

Début février, un nouveau chapitre s'ouvre donc : le début du stage en laboratoire. Me concernant, j'effectue, à l'heure où je vous écris, mon stage au laboratoire Inserm U955 aussi connue sous le nom d'Institut Mondor de Recherches Biomédicales (IMRB), rattaché à la faculté de médecine de Créteil et à l'Hôpital Universitaire Henri Mondor. J'ai intégré le groupe du Pr Laurent Boyer au sein de l'équipe 8 « Senescence, vulnerability and chronic diseases » dirigée par Pr Geneviève Derumeaux, qui s'intéresse à l'implication de la sénescence cellulaire dans la pathogénèse des maladies dégénératives cardiorespiratoires telles que la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) et l'emphysème mais aussi l'hypertension pulmonaire. Notre groupe se compose de plusieurs enseignants chercheurs, d'une maître de conférences, d'une ingénieure d'étude et de chercheurs post doc.

Au cours du stage, nous sommes formés par les plus expérimentés aux différentes techniques de culture cellulaire, d'expérimentation animale, d'analyses biomoléculaires et bio-informatiques en plus des règles de sécurité au travail, afin d'acquérir le bagage nécessaire à la réalisation en autonomie de notre projet de recherche. Nous affinons aussi bien nos gestes techniques lors des « manips » successives que notre esprit critique face à nos résultats. Mon quotidien s'enrichit au contact de collègues à la fois compétents et inspirants, avec qui l'entraide et la débrouillardise forment le socle de l'ingéniosité propre à la recherche.

Enfin, quelques mots sur mon projet qui porte sur la sénescence des fibroblastes de la niche alvéolaire au cours de l'emphysème pour servir d'exemple de sujet de recherche
La sénescence cellulaire est un état cellulaire au cours duquel une cellule arrête définitivement de se diviser en réponse à un stress ou à des dommages, tout en restant métaboliquement active via son phénotype sécrétoire, lui permettant de moduler son environnement cellulaire. C'est un mécanisme naturel impliqué dans le vieillissement et la prévention du cancer, mais qui peut aussi contribuer à des maladies lorsqu'il devient excessif (1–3).

L'idée communément admise est que le poumon humain adulte ne peut pas créer de nouvelles structures alvéolaires contrairement au foie et à la peau. Cette absence de régénération alvéolaire chez les patients atteints de BPCO avec emphysème conduit à une destruction alvéolaire irréversible et une insuffisance respiratoire chronique terminale. Cette maladie grave représente environ 55 % des maladies respiratoires chroniques, touche plus de 300 millions de personnes et entraîne 3,3 millions de décès par an dans le monde (4). L'absence de thérapies curatives fait partie des principales lacunes thérapeutiques dans la BPCO, sans progrès significatifs au cours des 30 dernières années, faisant de la transplantation pulmonaire la thérapide dernier recours qui est elle- même grevée d'une morbimortalité significative.

La croissance compensatoire du poumon après pneumonectomie (5) ou la restauration des lésions alvéolaires après un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) (6), suggèrent fortement que des systèmes régénératifs sont toujours fonctionnels dans le poumon humain adulte, mais non mis en jeu au cours de l'emphysème avec des mécanismes qui restent à préciser.

Étant donnée l'observation d'une accumulation de cellules sénescentes parmi les cellules mésenchymateuses et épithéliales dans les parois alvéolaires au cours de cette maladie (7, 8), l'hypothèse qui en découle est que l'accumulation de cellules sénescentes parmi les fibroblastes constituant  la  niche  des  cellules épithéliales progénitrices alvéolaires (pneumocytes 2 ou AT2 (9–11)) se- rait un des mécanismes importants conduisant à cette absence de régénération dans l'emphysème.

Les objectifs du projet sont donc :

1.   de caractériser des fibroblastes primaires humains sénescents et de leurs propriétés de niche vis-à-vis des AT2 dans l'emphysème, dans un modèle de co-culture de fibroblastes et AT2 en organoïdes alvéolaires ;

2.   de décrire l'implication des fibroblastes sénescents dans la formation alvéolaire en utilisant des cellules issues de poumon de souris transgéniques et qui permettent le suivi des cellules sénescentes rendues GFP positives ;

3.   de tester des sénolytiques, pour sélectionner des fibroblastes ayant des propriétés de niche vis-à-vis des AT2.

Si l'hypothèse testée est validée, elle pourrait donner des pistes thérapeutiques novatrices chez ces patients atteints d'emphysème dont le seul traitement curatif actuellement validé reste la transplantation pulmonaire.

En conclusion, l'année de M2 se révèle être une année enrichissante et rythmée, tant sur le plan professionnel que personnel, ouvrant la voie à de nombreuses opportunités. Elle peut l'occasion d'un véritable changement de regard sur la médecine, tant dans sa pratique que dans sa compréhension plus globale et bien au-delà.

Bibliographie
1. Hayflick L. The limited in vitro lifetime of human diploid cell strains. Exp Cell Res. mars 1965;37(3):614-36.

2. Zhang L, Pitcher LE, Yousefzadeh MJ, Niedernhofer LJ, Robbins PD, Zhu Y. Cellular senescence: a key therapeutic target in aging and diseases. J Clin Invest. 1 août 2022;132(15):e158450.

3. Di Micco R, Krizhanovsky V, Baker D, d'Adda Di Fagagna F. Cellular senescence in ageing: from mechanisms to therapeutic opportunities. Nat Rev Mol Cell Biol. févr 2021;22(2):75-95.

4. Stolz D, Mkorombindo T, Schumann DM, Agusti A, Ash SY, Bafadhel M, et al. Towards the elimination of chronic obstructive pulmonary disease: a Lancet Commission. The Lancet. sept 2022;400(10356):921-72.

5. Butler JP, Loring SH, Patz S, Tsuda A, Yablonskiy DA, Mentzer SJ. Evidence for Adult Lung Growth in Humans. N Engl J Med. 19 juill 2012;367(3):244-7.

6. Schlemmer F, Valentin S, Boyer L, Guillaumot A, Chabot F, Dupin C, et al. Respiratory recovery trajectories after severe-to-critical COVID-19: a 1-year prospective multicentre study. Eur Respir J. avr 2023;61(4):2201532.

7.   Adnot S, Amsellem V, Boyer L, Marcos E, Saker M, Houssaini A, et al. Telomere Dysfunction and Cell Senescence in Chronic Lung Diseases: Therapeutic Potential. Pharmacol Ther. sept 2015;153:125-34.

8.   Dagouassat M, Gagliolo JM, Chrusciel S, Bourin MC, Duprez C, Caramelle P, et al. The Cyclooxygenase-2–Prostaglandin E2 Pathway Maintains Senescence of Chronic Obstructive Pulmonary Disease Fibroblasts. Am J Respir Crit Care Med. 1 avr 2013;187(7):703-14.

9.   Barkauskas CE, Cronce MJ, Rackley CR, Bowie EJ, Keene DR, Stripp BR, et al. Type 2 alveolar cells are stem cells in adult lung. J Clin Invest. 1 juill 2013;123(7):3025-36.

10.  Zepp JA, Zacharias WJ, Frank DB, Cavanaugh CA, Zhou S, Morley MP, et al. Distinct Mesenchymal Lineages and Niches Promote Epithelial Self-Renewal and Myofibrogenesis in the Lung. Cell. sept 2017;170(6):1134-1148.e10.

11.  El Agha E, Moiseenko A, Kheirollahi V, De Langhe S, Crnkovic S, Kwapiszewska G, et al. Two-Way Conversion between Lipogenic and Myogenic Fibroblastic Phenotypes Marks the Progression and Resolution of Lung Fibrosis. Cell Stem Cell. févr 2017;20(2):261-273.e3.

Elisa CHEN
Interne de Pneumologie
à Paris, étudiante en Master 2
Biologie, Physiologie, Pharmacologie
de la Respiration et du Sommeil

Relecture
Pr Laurent BOYER
Créteil

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