Actualités : Pratique médicale : Recommandations pour la pratique clinique

Publié le 13 mai 2022 à 07:56

Prévention et prise en charge de l’infection herpétique au cours de la grossesse et de l’accouchement

En partenariat avec le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français nous publierons régulièrement dans cette revue des recommandations issues des conférences de consensus et de la réflexion d’experts ès qualités. Nous remercions le CNGOF d’avoir bien voulu accepter la publication de ces recommandations que vous pouvez retrouver sur leur site internet :
http://www.cngof.fr

F. X. BOYER de LATOUR

Le groupe de travail
Promoteur
CNGOF (Collège national des gynécologues et obstétriciens français) 91 boulevard de Sébastopol - 75002 Paris

Comité d’organisation
J.P. LAPLACE (président, Gynerisq, Bordeaux),
M.V. SENAT (coordonnateur, gynécologue obstétricien, CHU Le Kremlin-Bicêtre, CNGOF),
L.
SENTILHES (coordonnateur, gynécologue obstétricien, CHU Bordeaux, CNGOF),
Y. SELLIER (CNSF, Collège national des sages-femmes de France)

Experts du groupe de travail
Q. ANSELEM (gynécologue-obstétricien, Paris),
Q. PICONE (gynécologue-obstétricien, Colombes),
L.
RENESME (pédiatre, Bordeaux),
N. SANANÈS (gynécologue-obstétricien, Strasbourg),
C.
VAULOUP-FELLOUS (virologue, Paris)

Lecteurs
V. ACHARIAN (gynécologue-obstétricien, Pau),
Y. AUJARD (pédiatre, Paris),
I. BAUVIN (pédiatre, Pau),
G. BESNOIT (gynécologue-obstétricien, Caen),
M. BREGAMELLI (sage-femme),
C. CHIESA DUBRUILLE (sage-femme),
F. COATLEVEN (gynécologue-obstétricien, Bordeaux),
F. EBOUÉ (gynécologue-obstétricien, Paris),
P. FOURNET (gynécologue-obstétricien, Mont- Saint-Aignan),
G. GREMMO FEGER (pédiatre, Brest),
R. KUTNAHORSKY (gynécologue obstétricien, Colmar),
B. LANGER (gynécologue obstétricien, Strasbourg),
J.P. LE MEAUX (gynécologue-obstétricien, Bordeaux),
J. LEPERCQ (gynécologue-obstétricien, Paris),
G. MACÉ (gynécologue obstétricien Bourg-en- Bresse),
S. MARRET (pédiatre, Rouen),
E. MEUNIER (sage-femme, Vincennes),
I. MONNIER (sage-femme, Inserm),
J.R. NELSON (pédiatre, Libourne),
D. NICOBAHARAYE (pédiatre, Agen),
S. PARAT (pédiatre, Paris),
A. RICBOURG (pédiatre, Neuilly),
E. ROTH (sagefemme, Strasbourg),
F. ROZENBERG (virologue, Paris),
R.C. RUDIGOZ (gynécologue-obstétricien, Lyon),
L. SALOMON (gynécologue-obstétricien, Paris),
J. SARLANGUE (pédiatre, Bordeaux),
T. SCHNEIDER (gynécologue obstétricien),
F. SERGENT (gynécologue-obstétricien, Amiens),
O. THIEBAUGEORGES (gynécologue-obstétricien, Toulouse)

Introduction
Les recommandations pour la pratique élaborées par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) visent à aider le clinicien à prendre une décision, en lui offrant une synthèse disposant d’un niveau de preuve scientifique ou d’un accord professionnel, pour essayer d’améliorer la prise en charge des mères et des futurs enfants à naître.
Ces recommandations ont un but informatif. Elles ne sont absolument pas « médicalement opposables » et n’ont pas pour but d’être instrumentalisées lors de contentieux médicaux. Ainsi, un soignant (sagefemme, gynécologue-obstétricien, pédiatre, infectiologue) a le libre choix de ne pas appliquer une recommandation élaborée par le groupe d’experts, s’il estime que cette recommandation ne représente pas l’option la plus appropriée pour la prise en charge de la patiente dont il a la charge. Ceci est particulièrement vrai pour les recommandations de faible grade.
Concernant les niveaux de preuve observés (NP), trois éléments méritent d’être clarifiés pour aider le lecteur à la compréhension de la cotation et de la formulation de ces RPC :
- Le groupe de travail a privilégié le présent pour le temps des verbes quand le NP est élevé (NP1 et NP2, voire exceptionnellement NP3 quand toutes les études sont concordantes pour l’événement étudié) ; dans le cas contraire, le conditionnel est privilégié ;
- Deux résultats issus de la même étude ont pu être cotés différemment (NP2 pour l’un et NP3 pour l’autre, par exemple) si l’un des événements était le critère de jugement principal de l’étude et l’autre un des critères de jugement secondaire, ou si la puissance statistique de l’étude était considérée comme insuffisante pour l’un des deux critères étudiés ;
- La qualité scientifique d’une étude est évaluée par un niveau de preuve (NP), tandis que la force de la recommandation, élaborée à partir des données scientifiques, est évaluée par un grade, selon la cotation proposée par la Haute Autorité de santé (HAS) ;
- Enfin, il est important pour le lecteur de comprendre sans ambigüité la formulation des recommandations :
 • « Il est recommandé de faire… » signifie que la littérature a démontré que faire ce geste diminuait les risques ; il faut donc faire ce geste dans la mesure du possible ;
 • « Il n’est pas recommandé de faire… » signifie que la littérature n’a pas démontré que faire ce geste diminuait les risques ; il n’est donc pas nécessaire de faire ce geste systématiquement. Mais il n’est pas interdit de le faire ;
 • « Il est recommandé de ne pas faire… » signifie que la littérature a démontré que faire ce geste augmente les risques ; il faut donc éviter de faire ce geste.

1 - Définitions [1]
Définitions cliniques
En pratique clinique, le praticien est confronté à deux situations qui seront développées dans ces recommandations pour la pratique clinique (Figure 1) :
1. Une lésion génitale d’allure herpétique sans antécédent connu d’herpès génital, qui peut correspondre à une primo-infection herpétique, mais également à une infection initiale non primaire, ou encore à une récurrence lorsque la primo-infection, voire de précédents épisodes de récurrence, sont passés inaperçus. L’infection initiale primaire est celle qui est le plus à risque pour le nouveau-né ;
2. La mise en évidence de lésions cliniques génitales chez une patiente ayant déjà un antécédent d’infection herpétique sur le même site : il s’agit d’une récurrence. Les coïnfections génitales HSVI HSV2 (infections non primaires) sont exceptionnelles et seront considérées comme des récurrences.


Figure 1 - Définitions

2. Épidémiologie, manifestations de la maladie, prévention et dépistage [1]
La symptomatologie peut être atypique (NP2). Il n’existe pas d’étude comparant la symptomatologie clinique pendant et en dehors de la grossesse. Par comparaison indirecte, il ne semble pas y avoir de particularité de l’expression clinique de l’herpès génital pendant la grossesse (accord professionnel). L’infection génitale est le plus souvent due à HSV2 mais la prévalence de l’infection par HSVI est en cours d’augmentation ces dernières années (NP2). 70 à 80 % des femmes enceintes ont un antécédent d’infection par un virus Herpès simplex, sans préjuger de la localisation génitale ou labiale et de l’histoire clinique, et celui-ci est, dans la majorité des cas, de type 1 (NP2). En cas de récurrence herpétique génitale pendant la grossesse, en l’absence de traitement, la prévalence des lésions cliniques d’herpès à l’accouchement est de l’ordre de 14,3 %, contre 36 % en cas d’infection initiale, sans que le type viral soit précisé (NP4). En l’absence de récurrence pendant la grossesse, la prévalence des lésions lors de l’accouchement n’est pas connue. Chez les patientes séropositives pour l’un ou l’autre type viral, l’excrétion herpétique asymptomatique détectée par Polymérase Chain Réaction (PCR) est de l’ordre de 4 à 10 % (NP 3). Le HSV2 est plus souvent retrouvé que HSVI (NP2). Le taux d’excrétion augmente chez les patientes VIH+ (de l’ordre de 20 à 30 %) (NP2). Le risque de séroconversion HSV pendant la grossesse est de l’ordre de 1 à 5 % (NP2), mais peut atteindre 20 % en cas de couple séro-discordant (NP2). Le principal facteur de risque de contamination par HSV pendant la grossesse est l’existence d’une autre maladie sexuellement transmissible (MST) (NP2), le fait d’être en couple depuis peu de temps (NP2), et l’antécédent d’herpès chez le partenaire (NP2). L’interrogatoire n’est pas toujours suffisant pour connaître l’antécédent d’infection herpétique d’une patiente et de son conjoint (NP2). En l’absence de lésion, l’examen clinique a une valeur prédictive négative forte (NP2). En cas de lésion initiale, la valeur prédictive positive de l’examen clinique est assez élevée mais l’importance de faire un diagnostic précis pour la prise en charge la plus adaptée nécessite une confirmation par une PCR sur les lésions (grade B). Les hépatites herpétiques sont rares et potentiellement graves (NP4). Il faut y penser devant toute cytolyse hépatique inexpliquée pendant la grossesse (accord professionnel). Devant tout tableau évocateur d’encéphalite fébrile, l’encéphalite herpétique doit être évoquée (grade C) et un traitement antiviral démarré le plus tôt possible (accord professionnel). Il n’y a pas de lien établi entre l’infection herpétique et les fausses couches (NP3). Il semble exister une association entre l’infection herpétique non traitée et l’accouchement prématuré (NP3). Cette association pourrait disparaître en cas d’infection traitée (NP3). Les fœtopathies herpétiques sont exceptionnelles et peuvent être dues à des infections primaires comme non primaires, à HSV 1 ou 2, en présence ou non de symptômes maternels (NP4). Il n’y a pas d’argument pour recommander une prise en charge spécifique de diagnostic anténatal en cas d’infection herpétique pendant la grossesse (accord professionnel). Le port du préservatif diminue le risque d’infection initiale chez la femme non enceinte (NP3). En cas de couple séro-discordant (F-, H+), le port du préservatif au troisième trimestre peut être proposé au couple en l’absence de lésion clinique (grade C). En cas de lésion clinique, il est recommandé de ne pas avoir de rapports sexuels, y compris bucco- génitaux, particulièrement à l’approche du terme (accord professionnel). Il n’existe pas de vaccin utilisable à l’heure actuelle (accord professionnel). Faire des sérologies HSV aux deux membres du couple représenterait certainement un coût important, alors que les cas d’herpès néonataux sont très rares en France. Il faudrait en plus que le conjoint soit présent, qu’il réponde sincèrement aux questions sur ce sujet délicat, et que le résultat soit récupéré en temps et en heure. Il faudrait également que ce dépistage soit réalisé de façon exhaustive pour être efficace, ce qui n’est pas possible. Il n’existe pas d’étude clinique évaluant les stratégies de dépistage sérologique. Pour toutes ces raisons, il n’y a pas d’argument suffisant pour justifier une politique de dépistage systématique pendant la grossesse (accord professionnel).

3 - Outils du diagnostic virologique [2]
En vue d’une détection directe du virus, il est recommandé de privilégier la PCR à la culture et à la détection antigénique (accord professionnel). Cependant, la PCR n’est actuellement pas inscrite à la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM) et n’est donc pas remboursée par l’Assurance Maladie. Le prescripteur devrait s’enquérir de la technique qui est mise en œuvre dans le laboratoire, afin d’adapter le mode de prélèvement et les conditions de transport en conséquence (accord professionnel). Réciproquement, et au plus tard lorsque ces examens seront inscrits à la NABM, les laboratoires devraient mettre en place les techniques dont les sensibilités et les spécificités sont les plus satisfaisantes, et qui s’adaptent au mieux à l’organisation des soins, en particulier concernant le délai de rendu des résultats (accord professionnel). Concernant la sérologie HSV, la recherche des IGG spécifiques de type doit être privilégiée (grade B). En l’absence de lésion, elle permettra de déterminer le statut immunitaire d’une patiente (grade B). En cas de lésions, sa prescription doit être limitée à la situation clinique d’un épisode herpétique survenant chez une patiente sans antécédent d’herpès génital, en vue de différencier une primo-infection d’une infection initiale non primaire, ou d’une éventuelle récurrence (accord professionnel). Cependant, la sérologie spécifique de type n’est actuellement pas inscrite à la NABM et n’est donc pas remboursée par l’Assurance Maladie. La recherche des IGM n’a aucun intérêt dans le diagnostic de l’herpès génital maternel ou l’herpès néonatal (grade C). En présence de lésions herpétiques en cours de grossesse chez une patiente qui ne rapporte aucun antécédent d’herpès, il faut distinguer la primo-infection et l’infection initiale non primaire d’une récurrence dont l’épisode initial serait passé inaperçu. Cette distinction doit reposer sur la recherche directe du virus dans les lésions (par PCR, ou à défaut par culture) et la sérologie spécifique de type (recherche des IGG uniquement) (grade C). Chez une patiente ayant un antécédent d’herpès génital connu, en l’absence de lésion ou de prodrome, quel que soit le moment de la grossesse, qu’une prophylaxie antivirale ait été reçue ou non, et quel que soit le délai entre le dernier épisode de récurrence et l’accouchement, il n’est pas recommandé d’effectuer de sérologie ni de prélèvement génital à la recherche d’une excrétion virale asymptomatique (accord professionnel). Devant une lésion typique et de présentation clinique habituelle chez une femme enceinte ayant un antécédent d’herpès génital connu, le prélèvement en vue de la confirmation virologique n’est pas recommandé pour confirmer qu’il s’agit bien d’une lésion d’herpès, y compris en début de travail ou en cas de rupture des membranes (accord professionnel). En revanche, pendant la grossesse, chez une patiente ayant un antécédent d’herpès génital connu, et devant une lésion atypique ou dont la présentation clinique est inhabituelle, un prélèvement en vue de la confirmation virologique est recommandé (accord professionnel). Enfin, en début de travail ou en cas de rupture des membranes, en cas de prodrome, de lésion atypique ou de présentation clinique inhabituelle, un prélèvement en vue de la confirmation virologique peut être réalisé lorsqu’un rendu rapide du résultat est possible et que celui-ci peut modifier la prise en charge obstétricale (accord professionnel) (Figure 2). Le diagnostic virologique de l’herpès néonatal doit reposer sur la recherche directe du virus par PCR, dès que le nouveau-né est suspect d’herpès néonatal (nouveau-né symptomatique), de préférence avant l’instauration du traitement antiviral mais sans le différer, ou après 24 h de vie si le nouveau-né est à risque (majeur ou mineur) d’herpès néonatal mais asymptomatique (accord professionnel). Les prélèvements doivent au minimum inclure le sang et un prélèvement périphérique, complété par le LCR et d’autres prélèvements périphériques (ou des lésions éventuelles), en cas de risque majeur d’herpès néonatal (primo-infection ou infection initiale non primaire maternelle), de nouveau-nés suspects d’herpès néonatal (nouveau-nés symptomatiques) ou de PCR HSV positive sur les premiers prélèvements (accord professionnel). Si la PCR est négative mais qu’il y a une forte suspicion clinique d’herpès néonatal, ces prélèvements doivent être répétés et inclure de multiples localisations (accord professionnel).

Figure 2 - Interprétation des examens virologiques en cas de signes cliniques évocateurs d’une infection génitale à HSV chez une patiente sans antécédent connu d’herpès génital

4 - Suspicion de lésion d’herpès génital chez une patiente enceinte sans antécédent connu d’herpès génital [3]
Il n’y a pas d’étude permettant d’évaluer l’efficacité d’un traitement antiviral sur la symptomatologie locale, en cas d’épisode initial d’herpès génital chez la femme enceinte. Chez l’homme et la femme non enceinte, un traitement antiviral par comprimés d’aciclovir 200 mg per os répartis en 5 prises par jour, pendant 5 à 10 jours en fonction de l’état clinique, permettrait de réduire la durée des symptômes et des lésions d’un épisode initial d’herpès génital, en particulier lorsqu’il s’agit d’une primo-infection herpétique (NP3). Le valaciclovir 500 mg offre une efficacité semblant similaire, avec seulement 2 prises de 2 comprimés par jour (NP3). Il n’y a pas d’argument pour administrer l’aciclovir en intraveineux plutôt que par voie orale, en cas d’herpès génital non compliqué (avis d’expert). Les traitements topiques antiviraux sont moins efficaces que les traitements par voie générale (NP3). En cas d’herpès disséminé, il est recommandé d’administrer un traitement antiviral par voie intraveineuse, de façon précoce, et de mettre en place une prise en charge pluridisciplinaire entre gynécologues-obstétriciens et infectiologues (accord professionnel). Les données relatives aux potentiels effets secondaires fœtaux et néonataux d’un traitement antiviral par aciclovir ou valaciclovir pendant la grossesse sont rassurantes (NP2). Il est recommandé d’initier un traitement antiviral en cas d’épisode initial d’herpès génital pendant la grossesse (grade C). Les données concernant l’innocuité de l’aciclovir sur le fœtus sont plus nombreuses, mais le valaciclovir peut également être prescrit, en raison de la simplicité de son utilisation (accord professionnel). Le traitement consiste en de l’aciclovir per os à raison d’un comprimé de 200 mg cinq fois par jour, ou alors du valaciclovir à raison de deux comprimés de 500 mg deux fois par jour, pendant 5 à 10 jours en fonction de l’état clinique (grade C).

Un traitement antiviral peut être initié devant une suspicion d’épisode initial d’herpès génital, sans attendre les résultats des examens biologiques, en fonction de l’état clinique et du délai attendu des résultats (accord professionnel). L’herpès est une infection sexuellement transmissible, et le principal facteur de risque d’infection initiale herpétique pendant la grossesse est l’existence d’une autre infection sexuellement transmissible (NP2). En cas d’herpès génital, le risque de transmission du VIH au partenaire et au nouveau-né est potentiellement majoré (NP4). Le préservatif réduit le risque de transmission des infections sexuellement transmissibles, et en particulier l’herpès (NP2). En cas d’épisode initial d’herpès génital pendant la grossesse, il est recommandé de proposer à la patiente une sérologie VIH (grade B), et de réaliser chez elle et son partenaire un

dépistage d’autres infections sexuellement transmissibles, en fonction du contexte (accord professionnel). Il est recommandé de conseiller à la patiente de s’abstenir d’avoir des relations sexuelles en présence d’ulcérations ou de symptômes évocateurs d’herpès génital, afin d’éviter de transmettre l’herpès à son partenaire (accord professionnel).

Chez les femmes ayant présenté un épisode initial d’herpès génital pendant la grossesse, bien qu’il n’existe pas de bénéfice démontré du traitement prophylactique pour réduire le risque d’herpès néonatal, il est recommandé de mettre en place une prophylaxie antivirale, à partir de 36 semaines d’aménorrhée (SA) et jusqu’à l’accouchement, afin de réduire le risque de césarienne pour lésion herpétique (grade B). En cas de grossesse gémellaire, un traitement pourrait être initié dès 32 SA, en raison du risque majoré d’accouchement prématuré (accord professionnel). De même, dans certaines situations à risque important d’accouchement prématuré, un traitement antiviral pourrait être initié précocement (accord professionnel). Ce traitement consiste en de l’aciclovir per os à raison de deux comprimés de 200 mg fois par jour ou du valaciclovir 500 mg deux fois par jour (Figure 3).

Le risque d’herpès néonatal est plus important lorsque l’épisode initial d’herpès génital survient à proximité de l’accouchement, en raison du risque d’excrétion virale et d’absence de séroconversion maternelle protectrice pour le nouveau-né (NP2). Il peut atteindre 44 % en cas de primo-infection et 25 % en cas d’infection initiale non primaire (NP2). Le temps nécessaire à une séroconversion, après un épisode initial d’herpès génital, est variable mais est le plus souvent inférieur à 6 semaines (NP3). En cas de présence de lésions et/ou de symptômes évocateurs d’un épisode initial d’herpès génital (ou d’épisode initial d’herpès génital confirmé) au moment du travail, il est recommandé de réaliser une césarienne, car cela permet vraisemblablement de diminuer le risque d’herpès néonatal en cas de primo-infection herpétique (grade C). En cas d’accouchement moins de 6 semaines après un épisode initial d’herpès génital, il est recommandé de réaliser une césarienne (accord professionnel). En cas d’épisode initial d’herpès génital pendant la grossesse, de traitement antiviral prophylactique bien conduit, et d’absence de lésions et/ ou de symptômes évocateurs au moment du travail, un accouchement par voie basse est possible, y compris lorsque cet épisode survient au troisième trimestre, tant que l’accouchement a lieu au moins 6 semaines après l’épisode infectieux (accord professionnel). En cas de présence de lésions et/ou de symptômes évocateurs d’un épisode initial d’herpès génital (ou d’épisode initial d’herpès génital confirmé), et de rupture de la poche des eaux après 37 SA, il est recommandé de réaliser une césarienne, si possible dans les 4 heures suivant la rupture (accord professionnel), car cela pourrait permettre de diminuer le risque d’herpès néonatal (avis d’expert). En cas de rupture des membranes prolongée à terme, et même en cas de travail, il est recommandé de réaliser une césarienne plutôt qu’une voie basse (accord professionnel), car même s’il n’y a pas de données dans la littérature permettant d’évaluer l’intérêt d’une césarienne dans ce cas de figure (NP4), un épisode initial d’herpès génital au moment de l’accouchement est la situation la plus à risque d’herpès néonatal (NP2). En cas d’association d’un épisode initial d’herpès génital et d’une rupture prématurée des membranes, la prise en charge doit être décidée de façon multidisciplinaire, en prenant en compte principalement la problématique de l’âge gestationnel (accord professionnel). Plus l’âge gestationnel de la rupture est précoce, plus une expectative avec traitement antiviral sera à privilégier (accord professionnel). Si l’accouchement a lieu plus de 6 semaines après l’épisode infectieux, un accouchement par voie basse est possible, en cas de rupture prématurée des membranes, en l’absence de lésions et/ou de symptômes évocateurs au moment du travail (accord professionnel). En cas de découverte d’une lésion herpétique génitale maternelle après l’accouchement, l’appréciation du risque de transmission au nouveau-né permettra au pédiatre d’adapter la prise en charge néonatale (accord professionnel). Le traitement antiviral de la mère peut se faire selon les modalités habituelles (grade C).

Figure 3 - Algorithme de prise en charge d’un épisode initial d’herpès génital pendant la grossesse

5 - Suspicion de lésion d’herpès génital chez une femme enceinte ayant un antécédent d’herpès génital connu [4]
Devant une lésion typique et de présentation clinique habituelle chez une femme enceinte ayant un antécédent d’herpès génital connu, il n’est pas recommandé de faire un prélèvement pour confirmer qu’il s’agit d’une lésion d’herpès (accord professionnel). Devant une lésion atypique, une confirmation virologique est recommandée, par écouvillonnage de la lésion, afin de pratiquer une recherche du virus par PCR ou culture (accord professionnel). Devant une lésion d’herpès génital chez une femme ayant un antécédent d’herpès génital connu, la probabilité d’infection initiale non primaire est très faible. Un prélèvement n’est donc pas nécessaire pour considérer qu’il s’agit d’une récurrence (grade C). Il n’y a pas d’étude permettant d’évaluer l’efficacité d’un traitement antiviral sur la symptomatologie en cas de récurrence d’herpès génital pendant la grossesse. Un traitement antiviral par aciclovir (200 mg x 5 par jour) ou valaciclovir (500 mg x 2 par jour) peut être proposé, pour réduire la durée et l’intensité des symptômes, devant des prodromes ou une récurrence d’herpès génital, dans les 24 heures suivant le début de l’éruption chez une femme enceinte très invalidée par ses symptômes (grade C). Néanmoins, le bénéfice du traitement est modeste, avec une réduction de la durée de l’excrétion virale et de la durée des symptômes de 1 à 2 jours (NP3). Le traitement consiste en de l’aciclovir à raison de 1 cp à 200 mg per os 5 fois par jour pendant 5 jours, ou du valaciclovir à raison de 1 cp à 500 mg per os 2 fois par jour pendant 5 jours (grade C). Chez les femmes ayant présenté au moins une récurrence pendant la grossesse, bien qu’il n’existe pas de bénéfice démontré du traitement prophylactique pour réduire le risque d’herpès néonatal, il est recommandé de proposer une prophylaxie antivirale à partir de 36 SA, afin de réduire le risque de césarienne pour lésion herpétique (grade B). Les antiviraux recommandés sont l’aciclovir, à la posologie de 400 mg 3 fois par jour per os, ou le valaciclovir, à la posologie de 500 mg 2 fois par jour per os, jusqu’à l’accouchement. Dans les situations à risque de naissance prématurée (menace d’accouchement prématuré, grossesse multiple), la prophylaxie pourra être débutée plus précocement (accord professionnel). Chez les femmes ayant un antécédent d’herpès génital et pour lesquelles le dernier épisode de récurrence est antérieur à la grossesse, le bénéfice du traitement prophylactique n’est pas démontré. Il n’est donc pas recommandé de proposer systématiquement une prophylaxie antivirale aux femmes qui n’ont pas eu de récurrence pendant la grossesse, mais elle sera d’autant plus à considérer que les récurrences étaient récentes et fréquentes avant la grossesse (accord professionnel). Le risque d’herpès néonatal, en cas de récurrence herpétique lors de l’accouchement, est estimé à environ 1 % (NP3). Devant une lésion typique chez une femme ayant un antécédent d’herpès génital connu, en début de travail ou en cas de rupture des membranes, il n’est pas recommandé de faire un prélèvement pour confirmer qu’il s’agit d’une lésion d’herpès (accord professionnel). Devant une lésion atypique ou en cas de prodrome, une confirmation virologique peut être réalisée par écouvillonnage de la lésion, afin de pratiquer une recherche du virus par PCR lorsqu’un rendu en urgence du résultat est possible et lorsque le résultat peut modifier la prise en charge obstétricale (accord professionnel). Le risque d’herpès néonatal, en cas d’excrétion virale asymptomatique chez une femme ayant un antécédent d’herpès génital, est faible (NP3) et il n’existe pas de données dans la littérature pour évaluer la pertinence de la PCR en urgence chez les femmes asymptomatiques. Il n’est donc pas recommandé de réaliser une PCR en urgence en l’absence de lésion ou de prodrome chez une femme ayant un antécédent de récurrence herpétique, en début de travail ou en cas de rupture prématurée des membranes, qu’une prophylaxie antivirale ait été reçue ou non et quel que soit le délai entre le dernier épisode de récurrence et l’accouchement (accord professionnel). En cas de prodrome ou de lésion clinique d’herpès génital chez une femme en début de travail ayant un antécédent d’herpès connu, les données de la littérature ne permettent pas de recommander une voie d’accouchement plutôt qu’une autre (accord professionnel). Une césarienne sera d’autant plus à considérer que les membranes sont intactes, et/ou en cas de prématurité et/ou en cas de séropositivité au VIH (accord professionnel). En revanche, un accouchement par voie vaginale sera d’autant plus à considérer qu’il existe une rupture des membranes prolongée, après 37 SA et en l’absence de séropositivité au VIH (accord professionnel). En l’absence de lésion ou de prodrome chez une femme ayant un antécédent d’herpès génital connu, il n’y a pas de contre-indication à la réalisation d’un prélèvement au scalp, à l’utilisation d’électrode de scalp, ou à la réalisation d’une extraction instrumentale. Il n’y a pas de contre-indication à la rupture artificielle des membranes. La gestion du travail est habituelle (accord professionnel). Chez les femmes ayant une récurrence herpétique en cours de travail, en cas d’accouchement pas voie vaginale, il n’existe pas de données suffisantes pour déterminer si l’utilisation d’électrode de scalp, la réalisation d’un pH au scalp ou d’une extraction instrumentale augmentent le risque d’herpès néonatal, ni sur l’efficacité d’un traitement antiviral pour réduire le risque d’herpès néonatal (avis d’expert). Cependant, si un accouchement par voie vaginale est autorisé, il est conseillé, par extrapolation des données connues en cas de primo-infection herpétique, de ne pas réaliser de prélèvement au scalp, de ne pas utiliser d’électrode de scalp et de limiter l’amniotomie aux indications validées, mais il n’y a pas de contre-indication à réaliser une extraction instrumentale (accord professionnel). En cas de récurrence herpétique de localisation péri-anale, fesses ou cuisses, un examen minutieux de la filière génitale à la recherche d’une lésion herpétique génitale est recommandé (accord professionnel). En l’absence de lésion génitale concomitante, le risque d’excrétion virale génitale est faible, il n’est pas recommandé de réaliser des prélèvements génitaux à la recherche d’HSV (accord professionnel).

Les modalités de prise en charge de l’accouchement ne doivent être dictées que par des considérations obstétricales (accord professionnel). En cas de récurrence herpétique chez une femme présentant une rupture prématurée des membranes avant 37 SA, les risques liés à la prématurité et les risques d’herpès néonatal doivent être mis en balance. Les données de la littérature sont insuffisantes pour déterminer à partir de quel âge gestationnel un déclenchement du travail doit être recommandé, par rapport à une attitude expectative (accord professionnel). Compte tenu de l’efficacité du traitement antiviral pour réduire l’excrétion virale, un traitement par aciclovir ou valaciclovir est recommandé (accord professionnel). Il n’y a pas de données suffisantes pour considérer que la prise en charge doit différer de celle habituellement mise en œuvre en cas de rupture prématurée des membranes avant 37 SA (accord professionnel) (Figure 4).

Figure 4 - Algorithme de prise en charge d’une récurrence herpétique pendant la grossesse

6 - Épidémiologie, manifestations cliniques et prise en charge de l’herpès néonatal [5]
L’herpès néonatal est rare (incidence 3/100 000 naissances) (NP3), avec une prédominance pour le sérotype HSV 1 (NP3) sur les études les plus récentes. Les principaux facteurs de risque de transmission mère-enfant sont la primo-infection maternelle et le sérotype HSV-1 (NP 3). L’impact de la prophylaxie anténatale par aciclovir ou valaciclovir sur le risque de transmission mère-enfant est inconnu. La mortalité, en cas d’herpès néonatal, est élevée et dépend de la forme clinique (mortalité avec traitement : forme cutanéomuqueuse 0 %, atteinte système nerveux central 6 %, atteinte disséminée 31 %) (NP 3). L’administration précoce d’aciclovir intraveineux à forte dose (60 mg/kg/j) permet de réduire la mortalité en cas d’atteinte neurologique (NP3).
La morbidité est principalement neurologique (retard mental, cécité, épilepsie, atteinte neuro-motrice) (NP3) et dépend de la forme clinique (NP3). Il existe peu de données sur le risque de récurrence pendant l’enfance, notamment depuis la mise en place du traitement suppresseur par aciclovir oral (avis d’expert). Il n’existe aucun antécédent d’herpès génital chez la mère dans la majorité des cas d’herpès néonatal (NP3). La fièvre et les lésions vésiculeuses typiques peuvent être absentes à l’admission et même au cours de l’évolution de la maladie (NP3).
Le diagnostic doit être évoqué devant tout tableau néonatal atypique (respiratoire, neurologique ou de saignement inexpliqué) ou de sepsis résistant aux antibiotiques (grade C). Au total, chez un nouveau-né à partir de la fin de la première semaine de vie présentant un syndrome infectieux ou neurologique, le dosage des transaminases peut être réalisé pour évaluer une éventuelle atteinte hépatique (accord professionnel), qui serait un argument en faveur d’une infection herpétique. Sa normalité n’exclut pas le diagnostic (avis d’expert). En cas de suspicion d’atteinte du système nerveux central, des examens complémentaires (électroencéphalogramme et imagerie par résonnance magnétique (IRM) cérébrale) peuvent être réalisés pour argumenter le diagnostic (accord professionnel).
Le diagnostic de confirmation virologique repose sur la PCR HSV (accord professionnel) :
• Tout nouveau-né suspect d’herpès néonatal doit avoir une ponction lombaire (PCR HSV sur liquide céphalorachidien) (accord professionnel) ;
• Pour améliorer la probabilité du diagnostic, les prélèvements pour PCR HSV doivent être multiples et réalisés le plus précocement possible, de préférence avant le traitement mais sans le différer (accord professionnel) ;
• En cas de négativité de la PCR HSV et de forte suspicion clinique d’herpès néonatal, les prélèvements pour PCR doivent être répétés, y compris sur d’autres localisations (muqueuses, cutanée) (accord professionnel).
• Chez un nouveau-né suspect d’herpès néonatal, un traitement par aciclovir intraveineux doit être débuté sans attendre la confirmation virologique (grade A).
• Chez le nouveau-né à risque d’herpès néonatal, la prise en charge dépend de l’évaluation du risque de transmission mère-enfant :
• En cas de récurrence (risque de transmission mineure), les prélèvements PCR HSV cutanés et sanguins sont réalisés à 24 heures de vie (accord professionnel). En cas de positivité, une PCR HSV sur le LCR doit être réalisée et un traitement curatif par aciclovir débuté (accord professionnel) ;
• En cas de primo-infection ou infection initiale non primaire (risque de transmission majeur), les prélèvements PCR HSV cutané, sang et LCR doivent être réalisés à 24 heures de vie et un traitement présomptif par aciclovir doit être débuté en attendant les résultats (accord professionnel).
Le traitement de l’herpès néonatal repose sur l’aciclovir intraveineux à la posologie de 60 mg/kg/j (grade C). La durée de traitement dépend de l’indication : 14 jours pour les formes cutanéomuqueuses isolées, et 21 jours pour les formes disséminées et cérébro-spinale (accord professionnel). Concernant le traitement « préventif », la durée proposée est de 10 jours.
En cas d’atteinte isolée ou associée du système nerveux central, une ponction lombaire pour réalisation d’une PCR HSV sur le LCR doit être contrôlée avant la fin du traitement. En cas de positivité, le traitement par aciclovir intraveineux doit être poursuivi jusqu’à négativation de la PCR HSV (accord professionnel). Un relais par aciclovir oral à la dose de 300 mg/m2/j en 3 fois pour une durée de 6 mois est recommandé, quelle que soit la forme clinique, afin d’améliorer le pronostic neurologique et de diminuer le risque de récurrence (suppressive therapy) (grade B) (Figure 5). La transmission postnatale concerne principalement HSV 1. La contamination se fait par contact direct entre le nouveau-né et une lésion d’herpès (NP4). Le risque d’une transmission via une excrétion asymptomatique chez une personne ayant un antécédent d’herpès labial est inconnu. L’allaitement maternel n’est pas contre-indiqué, sauf en cas de lésion du mamelon. Il n’existe pas de données sur un risque de transmission via le lait maternel (accord professionnel).
Les règles de prévention de la transmission postnatale de l’HSV doivent être connues des parents et de l’entourage mais également du personnel soignant (accord professionnel).

Figure 5 - Conduite à tenir chez un nouveau-né asymptomatique né de mère ayant des lésions herpétiques au moment de l’accouchement
(naissance par voie vaginale ou césarienne). Adapté d’après Kimberlin et al. [6]

Déclaration publique d’intérêt
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt en lien avec l’article.

Bibliographie
[1] Picone O. Herpès génital et grossesse épidémiologie, manifestations de la maladie, prévention et dépistage. Recommandations pour la pratique clinique du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Gyn Obstet Fertil & Sén 2018. Sous presse.
[2] Vauloup-Fellous C. Herpès génital et grossesse outils du diagnostic virologique. Recommandations pour la pratique clinique du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Gyn Obstet Fertil & Sén. Sous presse.
[3] Sananes N. Suspicion de lésion d’herpès génital chez une patiente enceinte sans antécédent connu d’herpès génital. Recommandations pour la pratique clinique du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Gyn Obstet Fertil & Sén. Sous presse.
[4] Anselem O. Suspicion de lésion d’herpès génital chez une femme enceinte ayant un antécédent d’herpès génital connu. Recommandations pour la pratique clinique du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Gyn Obstet Fertil & Sén. Sous presse.
[5] Renesme L. Herpès néonatal : épidémiologie, manifestations cliniques et prise en charge. Recommandations pour la pratique clinique du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).) Gyn Obstet Fertil & Sén. Sous presse.
[6] Kimberlin DW, Baley], Committee on Infectious Diseases, Committee on Fetus and Newborn. Guidance on management of asymptomatic neonates born ta women with active genital herpes lesions. Pediatries. 2013; 131:383-6.

Article paru dans la revue “Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France” / SYNGOF n°114

Publié le 1652421372000