Actualités : Portrait d’un corps de métier - Le diététicien nutritionniste, un allié de poids dans la prise en charge des patients en pneumologie

Publié le 05 juil. 2024 à 09:03
Article paru dans la revue « AJPO2 - La revue des jeunes pneumologues » / AJPO2 N°4

  Le diététicien nutritionniste (DN) est un professionnel de santé expert dans le domaine de la nutrition et de l'alimentation ; le titre est réglementé et nécessite une formation spécifique pour pouvoir exercer. En 2023 la profession comprenait 16455 DN dont 31 % en milieu hospitalier et 45 % en exercice libéral.  

Son champ de compétence est vaste ; il peut agir :

  • Dans le domaine de la prévention et de la santé publique au service des populations non malades par exemple autour des campagnes de prévention du cancer (Mars bleu, Octobre rose…) ou encore sur les campagnes nationales autour de la dénutrition (semaine de la dénutrition, prévention/prise en charge obésité).
  • En thérapeutique auprès des personnes malades par exemple pour améliorer/corriger un état nutritionnel altéré, pour l'éducation thérapeutique des patients présentant des maladies chroniques, ou encore pour le suivi des patients sous nutrition artificielle à domicile...
  • En restauration collective comme garant de la qualité et de la législation alimentaire.
  • Pour la formation des personnels soignants par exemple dans les écoles paramédicales.
  • Mais aussi dans la recherche en soin, dans les laboratoires pharmaceutiques, dans les industries agroalimentaires…

Auprès des patients, le DN s'inscrit dans une démarche de soins visant à évaluer la situation nutritionnelle, à élaborer un diagnostic diététique et proposer une stratégie de prise en charge personnalisée intégrant toutes les modalités de la nutrition orale, entérale par sonde ou parentérale par voie veineuse.

Pour cela, il utilise des outils validés et se base sur les recommandations nationales et internationales en vigueur relayées par les sociétés savantes en lien avec les pathologies ou compétentes en nutrition telles que la société francophone de nutrition clinique et métabolique (SFNCM), The European Society of Clinical Nutrition and Metabolism (ESPEN), et la Haute Autorité de Santé (HAS) ainsi que l'association Française des Diététiciens Nutritionnistes (AFDN). Il veillera également à la continuité du soin nutritionnel dans les établissements de soins aussi bien qu'à domicile en agissant si besoin auprès des aidants, des infirmiers à domicile, des médecins traitants ou des structures de soins de suite…

Place de la nutrition et de la diététique en pneumologie
Champ de la prévention

Le tabagisme et la pollution restent les principaux facteurs de risque de maladies respiratoires, mais certaines études suggèrent aussi un lien avec les habitudes alimentaires. Ainsi un régime alimentaire riche en fruits et légumes, en acides gras polyinsaturés, en graines… serait associé à une moindre prévalence de la BPCO (1). L'étude Nutrinet santé évoque, comme pour d'autres pathologies chroniques, l'intérêt des fibres alimentaires dans le contrôle et la sévérité de l'asthme (2). Également, d'après les travaux du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), une consommation inférieure à 300g fruits/jour est responsable de 10,1  % des cancers broncho-pulmonaires, soit 4093 nouveaux cas par an, dont 1114 chez les femmes et 2979 chez les hommes (3).

Autant de champ de prévention à étudier au travers de la recherche clinique ou à développer avec l'aide des diététiciens nutritionnistes.

Lorsque la pathologie est avérée, le statut nutritionnel est un des déterminants majeurs de santé, en particulier chez les patients atteints de cancer des voies respiratoires. De nombreux travaux de recherche ont montré l'impact des facteurs nutritionnels pendant et après le cancer à la fois sur la mortalité, le risque de récidive et de second cancer.

Dénutrition, sarcopénie, composition corporelle :
Dépistage et prise en charge

En cancérologie, les conséquences d'une dénutrition sur la survenue de complications, sur la qualité de vie et sur la survie sont bien documentées. La prévalence est fréquente chez les patients porteurs d'un cancer pulmonaire, de l'ordre de 40  % (4)  ; cela s'explique par une majoration des dépenses énergétiques du fait de l'augmentation du travail respiratoire et des modifications métaboliques mais aussi par une diminution des prises alimentaires liée à la baisse de l'appétit, la modification des perceptions sensorielles ou les troubles digestifs.

Le dépistage précoce et répété tout au long du parcours de soin de la dénutrition et de la sarcopénie est essentielle et doit être systématisée selon les recommandations de l'HAS 2021 (5). Ce dépistage doit reposer sur tous les professionnels autour du patient en particulier les DN, les infirmiers de coordination en cancérologie, les aides-soignants et les médecins. Le Comité de Liaison Alimentation Nutrition (CLAN) dans les établissements de santé peut se charger d'organiser ce dépistage, mettre en place des arbres décisionnels de prise en charge et former les équipes.

Le DN : un acteur clé de la prise en charge nutritionnelle

Le dépistage doit bien entendu conduire à une prise en charge adaptée. En cancérologie, l'accès au soin nutritionnel fait d'ailleurs parti du socle des soins de support définis par l'INCA (6) dont les patients doivent pouvoir bénéficier tout au long de leur prise en charge que ce soit en hospitalisation ou à domicile.

Le DN va évaluer de façon globale la situation nutritionnelle afin d'élaborer un diagnostic diététique. Pour cela il va se baser sur l'analyse du dossier médical et des symptômes du patient, sur l'évaluation de ses besoins nutritionnels au regard de ses prises alimentaires spontanées et sur l'analyse de toutes les possibilités d'amélioration de l'alimentation en associant les aidants et les ressources disponibles autour du patient.

Il va alors avoir un rôle de conseil auprès des médecins pour définir, de façon collégiale, la stratégie de soin nutritionnel à mettre en place incluant l'ensemble des moyens nutritionnels que ce soit sur le plan de l'alimentation orale, des compléments nutritionnels oraux ou de la nutrition artificielle.

L'adaptation de l'alimentation orale est la première étape de la prise en charge nutritionnelle  ; le DN joue un rôle clé dans l'éducation thérapeutique du patient, en lui dispensant des conseils pratiques pour gérer son alimentation au quotidien et faire face aux difficultés rencontrées. Il l'accompagne dans la mise en place de stratégies d'adaptation, telles que le fractionnement des repas, l'augmentation de la densité énergétique et protéique des plats consommés ou encore la gestion des symptômes. Sur ce dernier point les traitements du cancer (chimiothérapie à base de platines, thérapies ciblées, immunothérapie…) peuvent entraîner des troubles sensoriels importants, des perturbations du transit ou encore des nausées et vomissements. Le DN dispose d'outils pour dispenser des conseils adaptés afin d'aider les patients à faire face à ces problématiques.

Le recours aux compléments nutritionnels oraux (CNO) est aussi fréquemment utilisé dans la stratégie nutritionnelle. Les études cliniques montrent qu'ils sont efficaces pour améliorer l'état nutritionnel. Une métanalyse de 2021 conclue sur leur effet bénéfique sur l'appétit, l'apport énergétique, le poids corporel et l'IMC (7). Cependant la compliance est souvent limitée dans le temps  ; par sa connaissance approfondie des différents produits, formes et modalités de prises, le DN va pouvoir aider le patient à maintenir une prise régulière aussi longtemps que possible.

La nutrition artificielle

Quand l'adaptation de l'alimentation orale est insuffisante pour stabiliser la situation nutritionnelle, un support nutritionnel artificiel peut s'avérer indispensable.

Selon les recommandations des sociétés savantes en nutrition (SFNCM, ESPEN), il conviendra autant que possible de privilégier un abord par le tube digestif via une nutrition entérale qui présente moins de risque de complications que la nutrition parentérale (voie veineuse). Le risque d'inhalation et de pneumopathie est souvent un frein à la mise en place de la nutrition entérale mais chez les patients à haut risque une nutrition entérale sur site jéjunal diminue fortement le risque (sonde naso-jéjunale, gastro-jéjunostomie). La nutrition parentérale par voie veineuse, selon les recommandations, doit être réservée aux contre-indications de nutrition entérale (ex : occlusion) ou à l'échec de cette dernière.

Le DN peut alors aider l'équipe médicale dans le choix du support nutritionnel artificiel le plus adapté, définir les apports complémentaires à l'alimentation orale qui seront nécessaires et participer au suivi des patients en intra-hospitalier mais aussi à domicile via les prestataires de santé à domicile.

  Conclusion
Le diététicien nutritionniste joue un rôle clé dans la prise en charge des patients atteints de maladies respiratoires. En donnant des conseils adaptés et en veillant à suivre l'évolution au cours du parcours de soins, il contribue à lutter contre la dénutrition et à améliorer la prise en charge des patients. La collaboration entre les DN et les pneumologues est essentielle pour offrir aux patients tout au long de leur parcours de soins, une prise en charge globale et personnalisée, prenant en compte toutes les composantes de leur pathologie.  


Liens utiles
 


SFNCM
https://www.sfncm.org/


ESPEN
https://www.espen.org/ guidelines-home/espen-guidelines


AFDN
https://www.afdn.org/



Pascale ROUX 
Cadre diététique

Références

  • Varraso R, Chiuve SE, Fung TT, Barr RG, Hu FB, Willett WC, et al. Alternate Healthy Eating Index 2010 and risk of chronic obstructive pulmonary disease among US women and men: prospective study. BMJ. 3 févr 2015;350:h286.
  • Andrianasolo RM, Hercberg S, Kesse-Guyot E, Druesne-Pecollo N, Touvier M, Galan P, et al. Association between dietary fibre intake and asthma (symptoms and control): results from the French national e-cohort NutriNet-Santé. Br J Nutr. 14 nov 2019;122(9):1040-51.
  • Cancer du poumon et facteurs de risque • Cancer Environnement [Internet]. Cancer Environnement. [cité 1 mai 2024]. Disponible sur : https://www.cancer-environnement.fr/fiches/cancers/cancer-du-poumon/
  • Pressoir M, Desné S, Berchery D, Rossignol G, Poiree B, Meslier M, et al. Prevalence, risk factors and clinical implications of malnutrition in French Comprehensive Cancer Centres. Br J Cancer. 16 mars 2010;102(6):966-71.
  • reco368_fiche_outil_denutrition_pa_cd_20211110_v1.pdf [Internet]. [cité 1 mai 2024]. Disponible sur : https://www.has-sante.fr/ upload/docs/application/pdf/2021-11/reco368_fiche_outil_denutrition_pa_cd_20211110_v1.pdf
  • Les soins de support tout au long du parcours de soins - Parcours de soins des patients [Internet]. [cité 1 mai 2024]. Disponible sur : https://www.e-cancer.fr/Professionnels-de-sante/Parcours-de-soins-des-patients/Soins-de-support-dans-le-parcours-de-soins
  • Li M, Zhao S, Wu S, Yang X, Feng H. Effectiveness of Oral Nutritional Supplements on Older People with Anorexia: A Systematic Review and Meta-Analysis of Randomized Controlled Trials. Nutrients. 3 mars 2021;13(3):835
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    Publié le 1720162996000