Portrait

Publié le 16 May 2022 à 21:39

Vendredi 9 décembre, 10h34, il est temps pour une pause bien méritée entre deux ateliers des Jn’GOF… Comme beaucoup, on traîne de stand en stand, pique un croissant, un pain au chocolat et un café au prix d’une légère propagande… Je m’arrête au stand de Theramex, partenaire AGOF et qui a généreusement distribué un exemplaire de notre ouvrage de préparation à l’ECN. Je rencontre pour la seconde fois Thierry Chevallier, un médecin à la carrière intrigante. Il travaille (à temps plein de surcroît… !) pour l’industrie pharmaceutique !!!

Je réalise que, comme toujours quand il s’agit d’autre chose que la fac et l’hôpital, je n’ai jamais entendu parler de ce genre de carrière lors de mon cursus. L’apologie de la carrière hospitalo-universitaire, ça oui… mais la recherche privée… ? Je sors pourtant d’un master 2 à l’INSERM… Pourquoi encore tant de désinformation ? (guerre public/privé ? apologie de la carrière hospitalouniversitaire ?...).

Il est vrai que l’industrie pharmaceutique peine à redorer son blason… Cette voie quelque peu « diabolisée » par nos maîtres, l’image que nous renvoient les visiteurs médicaux ajoutée à la réputation des industries pharmaceutiques, en particulier depuis les récents scandales (Médiator, etc.), ne paraît pas très engageante à première vue…

Nous avons donc décidé de laisser un médecin au cœur de l’industrie pharmaceutique nous confier son point de vue tout en faisant un détour sur son parcours.

Pouvez-vous nous présenter votre laboratoire en quelques mots ?
Theramex est un laboratoire monégasque spécialisé en santé de la femme (ménopause, contraception) qui a été créé par un pharmacien et deux médecins vers 1965, un peu comme Apple, dans le fond d’un garage ! Ils se sont rapidement intéressés à l’hormonologie jusqu’à l’émergence du Nomegestrol acétate qui a permis une période de croissance importante dans les années 70- 80 jusqu’à la revente à Merck en 1999 et depuis l’an dernier au groupe Teva.

Quel est votre rôle au sein de ce laboratoire ?
En tant que directeur des affaires médicales, je gère toute l’information médicale pour le laboratoire ainsi que la pharmacovigilance. Par ailleurs, je guide la recherche en amont de nos produits avec les laboratoires de recherche et développement.

Donc vous ne faites pas à proprement parler de recherche fondamentale mais vous « triez » les nouveautés de la recherche ?
Tout à fait ! On est là pour donner les grandes orientations en collaboration avec nos collègues cliniciens qui permettent d’anticiper les grandes tendances des besoins en pratique clinique. Par exemple pour la contraception, on sait que le futur est orienté vers l’ecetrol donc on travaille avec des personnes déjà implantées dans ce domaine et nous les mettons en connexion avec nos équipes de recherche.

Est-ce que vous pouvez nous décrire votre parcours avant d’en arriver là ?
Toutes mes études de médecine se sont déroulées à Nice, puis l’internat à Montpellier en Santé Publique jusqu’à un poste d’assistant hospitalo-universitaire à Nice où j’avais la responsabilité de la recherche clinique. Dans le même temps, puisque je m’intéressais fortement à la pharmacologie et à la recherche clinique j’ai fait un DEA de biostatistiques et de biomathématiques puis une thèse de sciences en épidémiologie et recherche clinique.

J’ai longtemps été financé par des contrats INSERM et des PHRC et puis un jour on m’a proposé un poste à mi-temps chez Theramex à Monaco alors que la carrière de MCU-PH s’ouvrait à moi. Finalement, les opportunités de carrière se sont resserrées dans le public et j’ai décidé de continuer à temps plein chez Theramex.

Vous qui connaissez donc les deux modes de recherche (publique/privée), quelles sont les principales différences que vous aimeriez souligner ?
J’ai eu du mal à faire la transition entre l’hôpital et l’industrie pharmaceutique. En effet, à l’hôpital, de grands axes de recherche sont définis et on peut ensuite développer nos propres axes de recherche sans véritable compte à rendre hormis des publications et des communications. Quand je suis rentré dans l’industrie pharmaceutique, j’ai compris que je ne pouvais pas faire ce que je voulais. Quand je propose une idée, il faut que je la valorise et que je démontre l’intérêt qu’elle peut avoir pour un retour sur investissement. C’est ce rapport qui m’a un peu gêné au départ. Mais d’un autre côté, alors qu’à l’hôpital je cherchais des moyens, dans l’industrie quand vous faites une proposition qui tient la route, les moyens vous les avez.

Aujourd’hui que conseilleriez vous à un interne intéressé par une carrière dans l’industrie pharmaceutique ?
Il faut de toute façon revenir aux matières fondamentales et avoir un bagage en recherche donc une thèse de sciences. Cependant, la recherche clinique devient de plus en plus réglementée et nous sommes très intéressés par des personnes pouvant s’imposer en tant qu’expert ou investigateur

Maintenant, contrairement à ce que les médias essaient de faire croire, je ne pense pas qu’il faille opposer le médecin libéral, le médecin hospitalier et l’industrie. L’avenir est à une collaboration globale car chacun y trouve son intérêt. Il est vrai qu’on entend certains scandales, les perversions des uns et des autres mais je crois qu’il s’agit de mauvais élèves, comme il y en a beaucoup malheureusement, sans que ce soit le cas de l’industrie pharmaceutique au sens général. Il y a des laboratoires, comme le nôtre, où l’on s’est toujours montré respectueux de l’éthique, orienté recherche et développant de très bonnes collaborations avec des cliniciens hospitaliers et libéraux en privilégiant toujours une volonté d’avancer ensemble. L’avenir est à la collaboration entre l’industrie pharmaceutique qui sait faire, et la clinique qui connaît les orientations à donner pour améliorer la santé.

Dr Thierry Chevallier,
médecin dans l’industrie pharmaceutique

Laurent Vandenbroucke

Article paru dans la revue “Association des Gynécologues Obstétriciens en Formation” / AGOF n°05

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