Actualités : Pompier volontaire : « c'est hyper formateur, humainement et professionnellement »

Publié le 20 mars 2025 à 08:41
Article paru dans la revue « ISNI / ISNI » / ISNI N°34

Jonathan Assouly s'est engagé chez les pompiers avant même le début de ses études de médecine. Il nous raconte son expérience de pompier en parallèle de son parcours en médecine, ses expériences les plus marquantes et la suite de son parcours.

Pourquoi s'engager chez les pompiers ?

Jonathan Assouly.- Avant de faire médecine, j'étais en école d'ingénieur militaire, à Polytechnique. Dans notre cursus, on doit faire un stage militaire. De nombreux choix nous sont offerts : l'armée de terre, la marine, l'armée de l'air ou alors, si on a de la chance, on peut rejoindre les pompiers de Paris, qui sont militaires.

Comment s'est passé ce premier contact avec le monde des Sapeurs-Pompiers ?

J. A.- Je l'ai intégré en tant qu'officier, du coup, j'ai été très rapidement mis dans le grand bain ! Après à peine un mois de terrain et 6 semaines de formation, je fus catapulté responsable de l'ambulance à 20 ans. Là, j'ai compris que j'allais devoir gérer des arrêts cardiaques, des accouchements et plein d'interventions qui peuvent potentiellement partir en cacahuètes à n'importe quel moment… C'est hyper formateur, humainement et professionnellement. Une fois sorti d'école d'ingénieur, j'ai continué en tant que réserviste. À côté de ça, comme je voulais faire un peu autre chose, je suis rentré chez les pompiers à Versailles, comme pompier « tout engin ». Je faisais de l'incendie, du secours routier, gérais des inondations… Cela a duré trois ans, entre 2012 et 2015.

Comment avez-vous basculé d'ingénieur/pompier à médecine ? 

J. A.- J'ai tellement aimé les missions chez les pompiers que je me suis tâté entre pompier professionnel et médecine. Finalement, je me suis tourné vers médecine, l'externat à Paris et l'internat à Montpellier. Tout le long de mon parcours en médecine, j'ai continué en tant que pompier volontaire, à Versailles puis à Montpellier.

Comment trouver le temps de faires des gardes à la caserne en plus de son internat et de sa vie personnelle ?

J. A.- En réanimation, les jours de formation sont bien respectés. Je prenais des gardes de nuit chez les pompiers la veille de mes jours de formation car, en général, on peut dormir 4-5 heures pendant ces gardes. Quant à la vie personnelle… On ne va pas se mentir, cela empiète beaucoup. J'ai passé des week-ends, des vacances chez les pompiers.

Votre expérience chez les pompiers vous a-t-elle aidé dans votre exercice médical ?

J. A.-  Oui. C'est très formateur. Mais cela peut-être aussi compliqué au début car il n'y a pas d'infirmier avec nous à Montpellier…   J'encourage tous les externes et les internes à faire un stage ou des gardes chez les pompiers car ils y découvriront un exercice médical différent du monde hospitalier. Selon le profil, on peut aussi leur donner plus de responsabilités qu'à l'hôpital, c'est une occasion d'acquérir d'autres compétences. Être pompier, c'est aussi une expérience enrichissante humainement car on entre dans la vie des gens, à leur domicile, dans leur intimité.

Tous les externes/internes peuvent-ils intégrer les pompiers ?

N'y a-t-il pas une condition physique minimum à avoir ?

J. A.-  Chaque ville à ses critères. S'il y a un test de capacités physiques, il est accessible à la majorité. Il faut pouvoir courir un petit peu, monter des escaliers avec du matériel, aider à brancarder si besoin…

Quelles missions vous ont marqué en tant que pompier volontaire ?

J. A.-  J'ai fait un semestre chez les pompiers à Montpellier, un stage intégré à la maquette. Même si ce stage fut extrêmement formateur, j'ai tout de même quelques souvenirs très durs d'intervention. Je m'en rappelle d'une en particulier : nous sommes appelés pour le suicide d'une femme d'une soixantaine d'année qui s'était ouvert la carotide au couteau de cuisine avant de se défenestrer. Comme nous étions juste à côté, elle était encore en vie quand nous sommes arrivés. Elle m'a regardé, les derniers mots qu'elle a dit c'est « Docteur, sauvez-moi ! ». Vu la gravité de son état, elle ne s'en est pas sortie, cela marque.

Avez-vous des expériences heureuses à partager ?

J. A.- Oui, notamment les accouchements qui finissent bien. Je me souviens d'une intervention où l'accouchement fut complexe à gérer. Étant à Perpignan à cette époque, j'ai eu la chance de partir avec une sage-femme du CH et devant les difficultés d'accouchement, elle a dû réaliser une épisiotomie sans péridurale. La femme était sous le choc et le bébé avait besoin d'être réchauffé. Comme nous n'avons pas de couveuse, la meilleure technique, pour le réchauffer, c'est de faire du peau à peau. Mais la maman était tellement traumatisée de l'accouchement qu'elle a fait un refus complet. Elle me disait : « si je vois le bébé maintenant, je vais l'assimiler à la douleur que j'ai actuellement et je ne veux pas faire ça à mon bébé ». Comme la patiente n'avait pas délivré, j'ai préféré laisser les mains libres à la sage-femme pendant le transport. Comme nous ne pouvions pas être plus de 2 à l'arrière, c'est donc moi qui me suis retrouvé à faire le peau à peau avec le nouveau-né. C'est une belle histoire, qui a bien fini.

Est-ce que vous êtes aussi garant de la santé de vos collègues pompiers ?

J. A.- Oui, tout à fait. Nous faisons du soutien sanitaire lors des opérations, lors d'incendies par exemple. Mais à la caserne aussi, les pompiers viennent me voir pour que je les examine, une jambe douloureuse suite à une chute par exemple.

Quels sont vos projets chez les pompiers ?

J. A.- Je viens de finir mon internat [en novembre 2024], j'ai un poste partagé entre de la réanimation et du SMUR à Sète . Je reste engagé en tant que pompier volontaire à la caserne de Montpellier où je prends quelques gardes et ou je participe également à la formation des plus jeunes à travers des cas concrets inspirés de mes interventions ou de celles de mes collègues. D'ailleurs, préparer ces formations permet aussi de faire le point sur ses connaissances, sur ses pratiques en discutant avec d'autres médecins et en revoyant de la bibliographie. Se maintenir à jour est primordial dans ce milieu.

Publié le 20 mars 2025 à 08:41