Pathologies cachées : la CFE-CGC au secours des managers

Publié le 06 Dec 2022 à 15:36

Gilles Lockhart - Publié le 28/09/2022
Comment repérer, signaler, traiter les pathologies cachées des salariés : un colloque de l’Union régionale Île-de-France (URIF) CFE-CGC apporte des réponses concrètes aux managers et aux élus du personnel.

Si le cadre d’expression était sobre - un colloque le 28 septembre à la Maison de la CFE-CGC -, ses développements auront été nombreux et profondément humains. Rare, en effet, d’assister à un colloque durant lequel la salle s’implique à ce point. Dès le début, le déroulé s’est trouvé bousculé par les questions de l’assistance. Elles émanaient pour la plupart d’élus CFE-CGC confrontés aux pathologies cachées dans leur vécu syndical. Et s’avouant démunis sur la manière de « gérer » ces affections psychiques invisibles en général, intermittentes, imprévisibles, inquiétantes, perturbatrices du travail d’équipe quand elles se révèlent.
Des managers peu sensibilisés et formés pour reconnaître les signes avant-coureurs
« La crise a fait ressortir les anxieux, les dépressifs », a simplifié le Dr Anne-Michèle Chartier, médecin du travail, déléguée nationale Santé au travail et présidente du syndicat Santé au travail CFE-CGC. Avec les conséquences qui s’ensuivent pour le manager : « Il doit tout faire : composer avec l’apparition de troubles chez telle ou tel, ne pas surprotéger cette personne pour respecter l’équité dans son équipe, prévenir un burn-out voire d’éventuelles pulsions suicidaires, répondre aux objectifs de productivité de sa hiérarchie... ». Un manager ou un syndicaliste qui voit poindre chez ses collègues des symptômes de cyclothymie, de bipolarité, de phobie, de paranoïa, de schizophrénie, n’est formé ni à les identifier ni à les traiter. Quand c’est un cadre important, souvent, par construction, par isolement, il n’ose pas demander de l’aide.
« Le manager est sacrément seul quand on y réfléchit... », acte le Dr Marie Victoire Chopin, coordinatrice à la Fédération des Collèges de psychologues de l’AP-HP, consultante en santé au travail. « Il se pose toute une série de questions : est-ce ma faute si la personne de mon équipe en est là ? Est-ce que je me mêle de sa vie privée en intervenant ? Est-ce mon rôle de le faire ? ». Il peut donc y avoir un retard à l’allumage dans la prise en compte d’une pathologie cachée. Notamment du fait d’un manque de sensibilisation des managers à ce type de problème, de formation pour reconnaître les signes avant-coureurs de difficultés qui nécessitent une discussion.
Une première solution a été actée : signaler le trouble. « Dire à son supérieur hiérarchique : j’ai quelqu’un dans mon équipe qui ne va pas bien, avise Bernard Salengro, président de l’INRS. On essaye d’aménager le poste ou la fonction. Mais si la pathologie cachée se fait jour en réaction à un management toxique, à ce moment-là, il faut faire un travail syndical pour défendre la ou les personnes concernées ».
Un manager ou un syndicaliste qui voit poindre chez ses collègues des symptômes de cyclothymie, de bipolarité, de phobie, de paranoïa, de schizophrénie, n’est formé ni à les identifier ni à les traiter.
Santé au travail, QVT : formaliser des accords en entreprise
Dès lors, une difficulté se présente : comment faire en sorte que la personne se confi e et admette qu’elle a besoin d’aide ? «Ne faut-il pas son accord pour signaler son cas à une direction ou à un médecin du travail ? », a demandé une personne dans la salle. D’autant qu’il y a « toute une palette de réactions entre qui dit avoir conscience de son état et qui le nie en affirmant que tout va bien », observe Anne-Michèle Chartier. « Et que la difficulté avec les psychoses est que les personnes n’ont pas toujours conscience qu’elles vont mal », ajoute Bernard Salengro.
D’où un deuxième précepte avancé durant ce colloque : penser les solutions de façon systémique. «Il faut prendre le problème au niveau central, au sein des organisations : signer des accords d’entreprise, formaliser la qualité de vie au travail. Et pas seulement inscrire qu’il est interdit d’envoyer des courriels professionnels le soir ou le week-end : mettre dans les textes le moyen de le surveiller, faire respecter la règle qui dit qu’un cadre au forfait-jours doit avoir un entretien annuel sur sa charge de travail », énumère concrètement Anne Michèle Chartier.

Il faut prendre le problème au niveau central, au sein des organisations : signer des accords d’entreprise, formaliser la qualité de vie au travail.
La CFE-CGC milite pour inscrire les pathologies psychiques au tableau des maladies professionnelles
La déléguée nationale a rappelé que la CFE-CGC milite fermement pour la constitution d’un tableau des maladies professionnelles d’ordre psychologique et pour une réduction de 20 % à 10 % d’IPP (incapacité permanente partielle) pour qu’un burn-out soit reconnu comme accident du travail. Elle a redit toute l’importance de la concertation en cours sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ATMP).
« Il faut compter en moyenne neuf mois d’arrêt maladie pour un burn-out, a cadré Jean-Claude Delgènes, président du cabinet Technologia, partenaire du colloque de l’URIF. Seuls 3800 ont été reconnus comme maladie professionnelle en2021. Si l’on abaisse le taux d’IPP à 10 %, ce chiffre serait de 40 000 par an. Cela frapperait les entreprises au portefeuille et les conduirait à modifier leur management et leur organisation, à sortir de leur logique de profit purement financière, avec la pression mise à chaque salarié ».


Article paru dans la revue « Syndical Général des Médecins et des Professionnels des Services de Santé au Travail » / CFE CGC n°68

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