DÉDIÉES AUX ENFANTS MIGRANTS ET AUX MINEURS ISOLÉS
Nous vivons une époque où la crise migratoire constitue un des enjeux centraux de la politique internationale, ainsi qu’un moteur des débats politiques et sociétaux.
En France, en 2013, on recense 1,0 millions d’exilés, migrants et étrangers vulnérables. Le dernier rapport de l’UNICEF datant du 17 mai 2017 déclare que 200 000 enfants non accompagnés ont demandé l’asile dans environ 80 pays en 2015-2016, dont 170 000 se sont dirigés vers l’Europe.
Jusqu’à 20 % des passeurs sont liés à des réseaux de traite des personnes.
Face à ces constats, l’UNICEF a placé l’enfant migrant dans les priorités de son Plan d’Action pour le G7.
La question de la gestion des enfants migrants ne saurait exclure l’implication des pédiatres. En effet, la santé constitue en France un droit fondamental de tous les enfants.
Dans cette optique, le pôle humanitaire de l’AJP propose de développer un projet de consultations menées par des internes pour des enfants migrants au sein de l’APHP.
Qu’apportent ces consultations ?
Avec 8000 mineurs isolés en France dont 1000 recensés à Paris, les Permanence d’accès aux soins de santé, normalement accessibles dans chaque hôpital sont vite débordées et n’ont pas toujours un médecin qui consulte. C’est pourquoi nous proposons ces consultations.
En plus de permettre de créer un premier lien de confiance entre ces enfants et le pays qui les accueille, les consultations permettraient de remettre à jour le calendrier vaccinal, de dépister des maladies transmissibles, de les orienter vers un spécialiste en cas de besoin - dans un climat de confiance et de bienveillance.
Par ailleurs, elles permettront aux internes de se former aux pathologies transmissibles , de les sensibiliser aux problèmes de ces populations défavorisées et de briser les retenus qu’ils peuvent ressentir aux urgences face à un enfant migrant.
En effet, la prise en charge de l’enfant migrant doit amener les professionnels à se poser des questions spécifiques (par exemple, « s’agit-il d’un mineur isolé ? A-t-il un lieu sûr où rentrer, qu’en est-il de sa prise en charge sociale ?). Toutes ces questions ne pouvant être résolues dans la fièvre des urgences, une consultation dédiée nous a paru être la solution idéale pour une prise en charge globale de ces populations vulnérables.
Comment a-t-on créé le projet ?
Ce projet s’inscrit dans le cadre de l’ouverture d’un nouveau pôle humanitaire à l’AJP, initié par Maya Husain et sur l’expérience clinique d’Alice Bergevin aux urgences de Louis Mourier à Colombes.
Nous avons initialement présenté le projet au chef de service de pédiatrie de Louis Mourier, le Pr Mercier, qui nous a apporté son soutien.
Nous avons ensuite sollicité les internes de pédiatrie d’Ile-de-France afin de trouver des volontaires. Trente internes ont répondu présents et sont actuellement en cours de formation.
Le projet a été présenté au Pr De Pontual, chef de service de pédiatrie générale à Bondy ainsi qu’au Pr Faye, chef de service de pédiatrie générale à Robert Debré. Ils ont accepté de mettre à disposition des internes un box de consultation, de participer à la formation des internes, ainsi que de mettre à disposition des médecins référents dans leur service, qui seront garants du bon déroulement des consultations.
L’hôpital de Robert Debré a d’ores et déjà donné son accord pour le début des consultations dès cet été.
Enfin, avec le soutien du coordinateur de pédiatrie de Paris, Pr Gajdos, nous avons créé un ensemble d’objectifs pédagogiques afin que ce projet soit reconnu dans le cadre de notre formation de DES de pédiatrie.
Moyens déjà présents
Au sein de l’APHP et en dehors de quelques Permanences d’Accès aux Soins de Santé, deux pédiatres dédient une consultation à ces enfants. Il s’agit du Dr Pham à Bondy et du Dr Sorges à Necker.
Des associations comme Médecins du Monde ou Médecin Sans Frontières sont actifs sur le terrain, mais malheureusement souvent dépassés par le manque de personnel médical, en particulier pédiatrique et l’accès aux spécialistes fastidieux, surtout pour le suivi psychologique.
Ceci abouti à un retard de prise en charge, nous avons été témoin notamment d’un jeune migrant hospitalisé pour tuberculose bacillifère diagnostiquée lors d’un dépistage systématique réalisé plus d’un an après son arrivée en France.
Qu’en est-il en dehors de Paris ?
A Lille, le système est le même, basé principalement sur les associations telles que « Médecin solidarité Lille ».
A Marseille, comme à Lyon, l’hôpital paraît très impliqué, avec une Permanence d’Accès aux Soins mère-enfant.
Quel interne pourra faire ces consultations ?
Tous les internes ayant suivi notre parcours de formation théorique et pratique, qui sera renouvelé aussi souvent que possible, afin que de nouvelles personnes puissent s’intégrer au projet.
Cours indispensables :
- Bilan du primo arrivant, Dr Sorges.
- Tuberculose et infections cutanées, Dr Lachaume.
- Malnutrition, Dr Lethellier.
- Parasitoses digestives et fièvre au retour, Dr Phaam.
- Vaccinations, Pr Gaudelus
- Mutilations sexuelles, Dr Tantet.
- Psychotraumatismes, Dr Zadikian.
Concernant les formations pratiques, il est possible d’assister aux consultations déjà en place avec le Dr Phaam à Bondy ou avec le Dr Sorges à Necker.
Comment seront organisées les consultations ?
Les associations d’accueil des enfants dans les quartiers autour des hôpitaux concernés, les familles ou les médecins pourront prendre rendezvous auprès du secrétariat de pédiatrie. Une demi-journée par semaine dans chaque hôpital, un interne verra 4 nouveaux patients dont il discutera avec le médecin référent et qu’il reverra à 1 mois et plus si besoin tant qu’il ne sera pas inclus dans un réseau de soins. Après avoir été examiné, chaque enfant aura un bilan de dépistage :
- Sérologies VIH, VHB, VHC, VHA, syphilis.
- Ac anti-tétaniques.
- Examen parasitologique des selles.
- Radio de thorax, IDR/quantiféron.
- NFS, ferritine, plombémie.
- 25 OH vitamine D.
Quelques définitions
Réfugié : « Craint d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social déterminé ou de ses opinions politiques, se trouve hors de son pays dont elle a la nationalité et ne peut, ou du fait de cette crainte ne veut, se réclamer de la protection de ce pays (…) » Extrait de la Convention de Genève 1951, article 1
Demandeur d’asile : A quitté son pays et demande refuge dans un autre pays. Afin de déterminer si la personne a des raisons de craindre d’être persécutée dans son pays, sa demande est examinée au Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides (CGRA). Soit reconnue réfugiée, soit sa demande est refusée. Durant sa procédure, la personne est titulaire d’un titre de séjour valable sur le territoire.
CADA : Centres d’Accueil de Demandeurs d’Asile, offrent aux demandeurs d’asile un lieu d’accueil pour toute la durée de l’étude de leur dossier de demande de statut de réfugié. Hébergement, suivi administratif et social et aide financière alimentaire gérés par des associations.
Migrants : Quittent ou fuient leur lieu de résidence habituel pour se rendre ailleurs – généralement à l’étranger – en quête de possibilités ou de perspectives meilleures et plus sûres. La migration peut être volontaire ou involontaire. La plupart du temps, elle procède d’un mélange de choix et de contraintes.
Mineur isolé étranger : < 18 ans, n’a pas la nationalité française et se trouve séparé de ses représentants légaux sur le sol français. De sa minorité découle une incapacité juridique, et de l’absence de représentant légal une situation d’isolement et un besoin de protection.
PASS : Permanence d’accès aux soins de santé, prise en charge médicale et sociale pour personnes ayant besoin de soins mais ayant du mal à y accéder, absence de protection sociale, conditions de vie, difficultés financières.
Si vous avez des questions, souhaitez participer au projet, ou rejoindre le pôle humanitaire de l’AJP pour y développer d’autres projets veuillez contacter :
Maya Husain : [email protected]
Alice Bergevin : [email protected]
A très bientôt !!!
Alice Bergevin
Maya Husain
Article paru dans la revue “Association des Juniors en Pédiatrie” / AJP n°15