
Lors des journées francophones de kinésithérapie qui se sont déroulées le 14, 15 et 16 février à Montpellier, une table ronde était organisée en présence d’Isabelle Richard conseillère santé auprès de la ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et de Stéphane Le Bouler. Lors de ce moment d’échange le SNIFMK a présenté un exposé sur les opportunités et les risques de l’universitarisation. Nous reprenons les grands axes de cette présentation
Etat des lieux des IFMK
Après avoir rappelé le statut des 48 IFMK de France (tableau I), il est important pour répondre à la question de rappeler l’hétérogénéité du statut des directeurs. Si dans la fonction publique, il doit être titulaire d’un diplôme de l’EHESP, ce qui fait que très souvent il n’est pas issu de la filière kinésithérapique ; pour les autres instituts, il doit avoir un diplôme de cadre et souvent un master. Dans certains IFMK, le directeur a une thèse, voire une HDR – ce qui ne lui permet pas forcément de diriger l’institut, car dans les IFMK publics, le diplôme de l’EHESP prédomine sur le statut universitaire. Dernier point, chaque IFMK doit se conventionner avec l’université dont il est rattaché et le conseil régional. Cette convention porte sur des notions de pédagogie, de finance, de vie étudiante et dans certain cas les logiques de recherches sont même abordées. Actuellement 60 % des IFMK ont signé cette convention de manière tripartite.
Tableau I : répartition des IFMK selon le statut
Opportunités
Les opportunités sont liées à 5 axes.
• Liées au développement de la recherche
• La formation à et par la recherche est un développement spécifique de la formation en masso-kinésithérapie voulue par la réingénierie. Le lien avec des laboratoires des universités permettra d’intégrer nos étudiants dans des protocoles de recherche existant. Elle permettra également « de donner des compétences scientifiques transversales visant à faire des kinésithérapeutes réflexifs en capacité de s’adapter aux évolutions de la science » (1).
• L’universitarisation dans le domaine de la recherche est un moyen pour rattraper le retard en matière de publication scientifique.
• Liées à la pédagogie
• Les réflexions pédagogiques seront plus facilement partagées et les projets pourront être communs à plusieurs filières de l’université.
• L’universitarisation facilitera le développement d’une culture commune aux étudiants en santé, la mutualisation des enseignements en étant un élément de pragmatisme.
• Les modes de pédagogie originaux en seront facilités (pédagogie inversée, simulation,…).
• Liées aux ressources de l’université
• Cet item est complémentaire du précédent, nous citerons l’accès à la plateforme Moodle, au laboratoire de simulation en santé ou à la bibliothèque universitaire numérique en ligne.
• Les cours dématérialisés sont plus facilement réalisables.
• Enfin, de manière très pratique, l’obtention d’un mail d’une université permet l’acquisition du pack office à un prix infime.
• Liées à l’ouverture internationale
• Nos IFMK ont anticipé à géométrie variable les stages Erasmus. L’université favorisera ce développement.
• Liées à la vie étudiante
• Nous citerons les services du CROUS comme la restauration ou l’utilisation des services de la médecine étudiante et services sociaux.
• Nous citerons également l’accès plus facile à des associations sportives et artistiques.
Risques
Les risques sont liés à 5 axes.
• Liés au choix du modèle plus ou moins intégré
• A ce jour, il semble exister deux types d’intégration :
• L’intégration organique qui intègre la structure au sein de l’université et qui la fusionne.
• L’intégration fonctionnelle qui laisse une certaine autonomie à l’IFMK.
• Compte tenu des rapports de taille (les IFMK ont rarement plus de 400 étudiants et intègrent des universités comptant de 30 à 50 000 étudiants), le rapport coût/service rendu semble peu favorable aux IFMK.
• Liés à la pédagogie
• C’est peut-être la principale réserve car l’université est un lieu incontestable de développement de savoirs académiques. Par contre il semble moins performant pour développer des compétences professionnelles.
• Cette difficulté est un écueil qui se heurte à la professionnalisation des étudiants.
• Liés au changement de gouvernance
• L’actuel directeur d’IFMK sera remplacé par des universitaires à la tête des départements via une élection.
• Il y a un risque de perte d’autonomie dans la conception et mise en œuvre de nos projets pédagogiques.
• Liés à l'autonomie financière
• Dans le système privé (à but lucratif ou non), la structure doit gérer un budget avec un souci d’équilibre budgétaire annuel. Cette autonomie est un facteur clef de développement et de responsabilisation que le commissaire au compte (CAC) vient valider tous les ans.
• L’intégration au sein de l’université risque d’induire un déficit d’efficience et la diminution des coûts qui en résulterait en optimisant les mutualisations est un point qui mérite la discussion et qui soulève bien des interrogations comme celle du budget fléché (similaire au précédent ?) ou celle de son utilisation.
• Liés au statut
• Le problème est peut-être plus anecdotique puisque touchant le statut des enseignants mais est réel, car quid de l’enseignant qui ne possède aucun diplôme universitaire.
• Un autre élément qui peut s’associer est la modification des salaires. Certes il ne peut y avoir de diminution grâce à la contractualisation mais les avantages comme le 13ème mois disparaîtront.
En Conclusion
De même qu’un acte thérapeutique comporte un rapport bénéfice risque, l’universitarisation se place dans une logique similaire ou la balance opportunités/risques varie selon le statut des IFMK, le statut du directeur ou du responsable pédagogique, la dynamique de l’université et/ou l’approche du conseil régional.
Nous n’avons pas envisagé à travers ces lignes le problème du coût des études. Si la FNEK prône ce modèle pour aller vers la gratuité des études, l’exemple de l’universitarisation de l’IFMK de Marseille tempère les ardeurs puisque le coût de la formation est passé de 4360 à 2780.
L’approche du ministère de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) prend acte de ces différents facteurs en permettant d’envisager l’universitarisation des IFMK à plus ou moins long terme.
Gouilly P., Aboustait I., Louchet JM., Quinart H. et Rouvière F.
Article paru dans la revue “Syndicat National de Formation en Masso-Kinésithérapie” / SNIFMK n°10

