Par Adrien ROUSSEAU
Recommandations ESMO pour le cancer du poumon muté EGFR
L’ESMO publie les recommandations de consensus sur la gestion des cancers bronchopulmonaires non à petites cellules avec une mutation de l’EGFR. Ce groupe a répondu à des questions de controverse avec un panel de 32 experts de 16 pays.
Testing biologique moléculaire
Y a-t-il un besoin d’identifier toutes les mutations EGFR avec signification clinique y compris les atypiques ?
Il est recommandé, préférentiellement avec du NGS, de rechercher toutes les mutations des exons 18 à 21.
La mutation la plus fréquente de l’EGFR se situe au niveau de l’exon 19 (45 %) et de l’exon 21 (40 %). En ce qui concerne les mutations rares (insertion exon 19, mutation de l’exon 18, etc.) elles bénéficient d’une sensibilité variable aux inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI). Notamment les insertions de l’exon 20 et les mutations rares de l’exon 19 (T790M par exemple) confèrent des résistances aux inhibiteurs de tyrosine kinase.
Quelle est le rôle de la nouvelle biopsie de tissu lors d’une progression d’un patient sous TKI ?
Il est recommandé, lorsque que c’est accessible, de biopsier tous les patients qui progressent sous TKI afi n de rechercher des mécanismes de résistance ou une transformation histologique.
Il existe trois principaux mécanismes de résistance aux inhibiteurs de tyrosine kinase : résistance sur cible impliquant l’EGFR, résistance hors de la cible par l’activation d’autres voies oncogénétiques ou transformation histologique.
La mutation de résistance la plus fréquente est T790M qui survient chez environ 50 % des patients qui progressent sous une première génération de TKI. Sa détection est très importante du fait de l’accès à l’osimertinib qui permet de dépasser cette résistance. L’amplification par MET représente la voie alternative la plus fréquente, comptant pour 24 % des patients en progression sous osimertinib : une combinaison d’agents ciblant MET et EGFR est une option thérapeutique effi cace dans cette situation.
D’autres voies de signalisation peuvent être notées comme ERBB2, BRAF, MET, RET, ALK, etc.
La transformation histologique peut survenir chez 15 % des patients qui progressent et notamment vers un mode de cancer pulmonaire à petites cellules ou une forme sarcomatoïde.
Quelle est la place de la recherche d’ADN tumoral circulant après une progression sous TKI ?
La recherche d’ADN tumoral circulant est recommandée, s’il n’y a pas de tissu disponible, à la fois lors du diagnostic et lors d’apparition de résistance.
Environ 25 % des patients seront faux négatifs car avec une tumeur qui n’ensemence pas assez de cellules à distance. Cette technique permet d’identifier les mécanismes de résistance quand l’ADN est détectable. En raison du risque élevé de faux négatifs une biopsie de tissu est recommandée en cas de VAF faible de la mutation EGFR.
Doit-on rechercher en même temps ou séquentiellement EGFR et PD-L1 ?
PD-L1 et EGFR doivent être recherchés dans le même temps.
La population présentant une mutation de EGFR ou ALK, bénéficie rarement des traitements par inhibiteur de checkpoint immunitaire dans les essais. Dans ces maladies, l’expression de PD-L1 n’est pas corrélée à la réponse clinique aux inhibiteurs de checkpoint immunitaire. Les toxicités immunomédiées semblent également être plus fréquentes.
Est-il besoin d’étendre les recommandations de recherche de l’EGFR chez les populations plus localisées ?
Il est recommandé de rechercher EGFR en situation adjuvante post résection chirurgicale à visée d’introduction de l’osimertinib.
L’essai ADAURA a démontré un bénéfice en survie sans maladie après intervention chirurgicale chez les patients avec un cancer pulmonaire non à petites cellules présentant une mutation de l’EGFR (exon 19 et exon 21) des stade IB à IIIA. Le risque relatif de progression de la maladie ou de survenue d’un décès a été diminué par 83 %, particulièrement au niveau cérébral.
Quelle est la signification biologique et clinique des insertions de l’exon 20 de l’EGFR ?
Ces insertions, entraînent l’activation de la kinase et sont d’un intérêt thérapeutique puisque des thérapies ciblées émergent pour cette situation.
Il s’agit d’un large panel de mutations, qui activent constitutionnellement la voie de prolifération et sont exclusives des autres mutations drivers. Elles bénéficient de la même épidémiologie que les autres mutations de EGFR. La prévalence serait de 12 % de toutes les mutations EGFR, se rapprochant de la prévalence des mutations BRAF, ROS1 ou ALK. L’osimertinib a démontré une activité limitée dans les insertions de l’exon 20.
Il existe des données encourageantes pour le poziotinib, le mobocertinib et l’amiventamab (anticorps bi-spécifi que EGFR-MET).
Est-il nécessaire de rechercher les co-mutations chez les patients présentant une mutation de l’EGFR à un stade avancé ?
Cette recherche peut avoir un intérêt pronostique, mais n’est pas obligatoire en l’absence d’implication thérapeutique.
La co-mutation la plus étudiée et la plus fréquente est TP53. Il n’existe pas de recommandation sur la valeur pronostique et thérapeutique des différentes mutations qui sont fréquemment retrouvées.
Maladie localisée
Quel est le rôle de l’osimertinib en adjuvant pour les cancers du poumon non à petites cellules avec une mutation de l’EGFR, stade IB à IIIA R0 ?
Il est recommandé d’utiliser l’osimertinib pour une durée de 3 ans en adjuvant chez ces patients.
Cette attitude est basée sur les résultats préliminaires de l’étude ADAURA, dont nous attendons les résultats en survie globale.
Existe-t-il une place pour les TKI de 1re et 2e génération en thérapie adjuvante après une chirurgie ?
Il n’existe pas de preuve pour l’utilisation d’un TKI de 1er ou 2éme génération.
Les différents essais de phase 3 impliquant l’erlotinib et le gefitinib après chirurgie (RADIANT, CTONG-1104, IM PACT) ont parfois démontré un bénéfice en survie sans maladie mais aucun n’a réussi à démontrer un bénéfice en survie globale.
Comment les patients complètement réséqués avec un cancer du poumon présentant une mutation de l’EGFR devraient être suivis ?
Il est recommandé une surveillance classique des cancers du poumon réséqués selon les recommandations ESMO, avec l’ajout d’une IRM cérébrale tous les six mois en raison du risque accru de métastases cérébrales.
Les patients avec un cancer du poumon présentant une mutation EGFR réséqué chirurgicalement de stade IB à IIIA, devrait-il recevoir de la chimiothérapie adjuvante ?
La chimiothérapie adjuvante est fortement recommandée chez ces patients, s’ils ont un bon état général quelle que soit la décision d’addition d’un TKI.
La chimiothérapie reste le standard de soins avec un haut niveau de preuve. Dans l’essai ADAURA, 60 % des patients avaient reçu cette chimiothérapie. Bien qu’elle ne soit pas un facteur prédictif de réponse à l’osimertinib, l’analyse en sousgroupe montrait que la survie sans maladie était plus élevée à deux ans chez les patients qui avaient reçu la chimiothérapie.
Quelle est le rôle de l’osimertinib adjuvant pour les patients qui ne répondaient pas aux critères d’inclusion d’ADAURA ?
Il n’y a pas donnée, mais l’osimertinib pourrait être considéré comme une option adjuvante même chez les patients avec des tumeurs résiduelles ou des résections plus faibles qu’une lobectomie. Une approche personnalisée est nécessaire pour ceux qui présentent des mutations rares.
Quel est le rôle de l’osimertinib adjuvant pour les patients qui remplissent les critères d’éligibilité mais avec une réserve sur la tolérance ?
Les patients qui présentent des comorbidités comme un âge élevé, un état général dégradé, une pneumopathie interstitielle doivent être discuté au cas par cas pour bénéficier de l’osimertinib.
Quel est le rôle des TKI pour les patients avec un cancer du poumon localisé muté EGFR, qui sont traités par radiothérapie plutôt que chirurgie ?
L’utilisation concomitante ou séquentielle TKI avec l’irradiation stéréotaxique n’est pas recommandée.
Il n’y a pas d’études ou de données sur le sujet.
Quelle est le rôle des TKI dans un schéma néoadjuvant ?
Il n’y a pas de données pour soutenir une approche néoadjuvante.
L’essai néoADAURA est en cours de recrutement. Un essai chinois de phase II sur l’erlotinib en combinaison néoadjuvante puis adjuvante versus la chimiothérapie n’a pas montré de bénéfice en termes de taux de réponse objective.
Chez les patients muté EGFR avec un cancer du poumon inopérable de stade III, en cours de radiochimiothérapie, quel est le rôle de la consolidation par inhibiteur checkpoint immunitaire ?
Dans les maladies positives à l’EGFR, l’utilisation d’inhibiteurs de checkpoint immunitaire en consolidation après la radiochimiothérapie n’est pas recommandée. L’essai PACIFIC qui a montré l’intérêt de durvalumab en entretien après la radiochimiothérapie (bénéfice absolu de 13 % en survie globale à quatre ans), n’a pas évalué la réponse selon les biomarqueurs tels que le statut EGFR. Des analyses secondaires ou rétrospectives, sur de faibles effectifs ont tendance à montrer qu’il n’y a pas de bénéfice dans la population EGFR.
Chez les patients avec un cancer du poumon EGFR muté stade III inopérable, quel est le rôle des TKI avant, pendant et après la radiothérapie ?
Il n’y a pas de rôle des TKI avant, pendant ou après la radiothérapie chez les patients inopérables de stade III. Il n’y a pas d’étude randomisée ayant démontré le bénéfice de cette attitude. En revanche l’étude LAURA est en cours de recrutement, pour évaluer l’efficacité de l’osimertinib après une radiochimiothérapie des patients de stade III non résécable.
Quel est le traitement optimal des patients avec une mutation de l’EGFR qui récidivent pendant ou après l’administration adjuvante osimertinib ?
Bien que les données prospectives soient limitées, il est suggéré qu’une récidive après la fin de l’osimertinib adjuvant soit plus semblablement sensible à l’osimertinib et que ce dernier peut donc être réessayé. En revanche, si la récidive survient pendant l’administration d’osimertinib, l’attitude recommandée est de réaliser une biopsie afin de détecter les mécanismes de résistance. La radiothérapie peut être considérée en cas d’oligoprogression.
Maladie métastatique
Quel est le traitement de première intention des patients présentant une mutation fréquente d’EGFR ?
Les TKI de 3ème génération comme l’osimertinib sont considérés comme l’option préférentielle.
La 3ème génération est préférée pour les mutations communes (délétion de l’exon 19, p.L858R).
Les TKI de 2ème génération (afatinib, dacomitinib) peuvent fournir un avantage modeste en PFS par rapport à la 1ère génération (erlotinib, gefi tinib) mais au prix d’un toxicité plus importante.
L’osimertinib est le premier à avoir démontré un bénéfice en OS face aux TKI de 1ère génération avec un meilleur profil de tolérance. Le bénéfice était cependant moindre chez les patients asiatiques et avec une mutation p.L858R. Les combinaisons anti-angiogéniques et TKI de 1ère génération ont montré un bénéfice en PFS mais pas en OS. La combinaison du gefitinib avec de la chimiothérapie a montré une amélioration de l’OS contre gefi tinib seul, mais n’a pas été comparée face a un TKI de 3ème génération.
Quelle est la gestion optimale des patients avec une maladie cérébrale ou leptoméninge ?
Les TKI de 3ème génération doivent être privilégiés. Le bénéfice d’ajouter la radiothérapie n’a pas été démontré par des données prospectives. Pour ceux progressant au niveau cérébral sous 80mg/j d’orsimertinib, il est d’éviter l’irradiation in toto en combinant l’irradiation stéréotaxique au doublement de la dose à 160mg/j. Cette dose augmentée pourrait également bénéfi cier aux patients avec une atteinte leptoméningée.
Dans l’essai FLAURA, l’osimertinib a démontré un meilleur taux de contrôle cérébral que le gefitinib ou l’erlotinib. D’autres TKI de 3ème génération comme le lazertinib ou l’AZD3759 ont montré une bonne activité cérébrale. Un essai monobras chez les patients avec une méningite carcinomateuse prouvée cytologiquement, a montré une bonne activité de l’osimertinib à la dose de 160mg/j.
Quelle est la gestion optimale des patients avec une mutation cible de l’EGFR après progression sous osimertinib ?
Si un essai clinique n’est pas proposable, le standard de traitement est la chimiothérapie à base de sels de platine.
Environ 15 % des patients développent une mutation cible de l’EGFR sous osimertinib, la plus fréquente étant pC797S. Ces mutations de résistance étant spécifiques de l’osimertinib, elles ne prédisent pas forcément une résistance aux TKI de générations précédentes.
Quelle est la gestion optimale des patients avec l’émergence d’une altération ciblable autre qu’EGFR ?
Le standard de traitement reste la chimiothérapie à base de sels de platine. En revanche, si un essai clinique avec des thérapies ciblées est disponible, il doit être priorisé.
La voie alternative de résistance la plus fréquente sous osimertinib est l’amplification de MET (15 %). Les premiers résultats de combinaison d’osimertinib avec des inhibiteurs de MET sont encourageants. Les anticorps bi-spécifiques sont également une voie en cours d’exploration. L’association de l’amivantamab et du lazertinib a ainsi montré 36 % de réponses chez des patients en progression après osimertinib. L’ADC patritumab-deruxtecan (anti HER3) a démontré aussi 39 % de réponses. L’adjonction d’inhibiteurs d’ALK ou de RET quand ces mécanismes sont impliqués a également montré des signes d’activité.
Quelle est la gestion optimale des patients avec transformation histologique ?
Le standard de traitement est la chimiothérapie adaptée au type histologique, platine-etoposide en cas de petites cellules par exemple. L’usage de l’immunothérapie doit être réservé aux essais cliniques.
La transformation en petites cellules est décrite dans 3 à 10 % des cas. Celle en carcinome épidermoïde a également été décrite sous osimertinib.
Quelle est la gestion optimale des patients en progression sans altération ciblable ?
Pour les patients avec une progression lente pauci-symptomatique, la poursuite de l’osimertinib est une option. Les essais cliniques ou la chimiothérapie à base de sels de platine combinée ou pas avec du bevacizumab et ou de l’atezolizumab sont deux autres options.
Les taux de réponses aux platines après un échec de première ligne par TKI est de l’ordre de 30 %. Dans l’essai de phase III IMpower-150, la combinaison de la chimiothérapie avec du bevacizumab et de l’atezolizumab a montré un bénéfice en OS, y compris dans le petit sousgroupe de patient présentant une mutation de l’EGFR.
Quel est le rôle du rechallenge de TKI ?
Le rechallenge peut être envisagé pour les patients qui ont progressé à au moins 6 mois du dernier traitement par TKI et qui ne présentent pas d’autres altérations moléculaires ciblables.
Quel est le rôle des inhibiteurs de checkpoints immunitaires chez les patients avec un cancer du poumon présentant une mutation de l’EGFR ?
L’immunothérapie en monothérapie, du fait d’une efficacité limité et d’un risque accru de toxicité après un traitement par TKI, quelle que soit l’expression de PD-L1, n’est recommandé que lorsque que toutes les options thérapeutiques ont été épuisées.
Le taux d’hyperprogresseurs semble être plus fréquent chez les patients mutés EGFR (20 %).
Quelle est la gestion optimale des patients présentant une insertion de l’exon 20 de l’EGFR ?
La chimiothérapie à base de sels de platine, préférentiellement sans immunothérapie, doit être proposée en première ligne.
Après échec des platines, l’amivantamab ou le mobocertinib peuvent être proposés.
Les insertions de l’exon 20 sont des mutations rares connues pour conférer des résistances aux TKI standards. L’amivantamab (bi-spécifique EGFR-MET) et le mobocertinib (TKI oral sélectif EGFR-HER2) ont l’autorisation de la FDA pour les insertions de l’exon 20 et sont en cours d’évaluation dans des phases III.
Quelle est la gestion optimale des patients présentant une mutation rare de l’EGFR ?
L’afatinib ou l’osimertinib devraient être considérés, basé sur une approche individualisée en fonction des dernières données disponibles.
L’afatinib est le seul TKI autorisé pour trois types de mutations rares (p.G718X, p.S768I et p.L861Q). La PFS chez les patients présentant ces mutations est la même que ceux présentant des mutations fréquentes, lorsqu’ils sont traités par afatanib, mais pas par gefitinib. L’osimertinib a montré des signes d’activité aussi dans ces mutations.
Quel traitement doit être proposé à un patient présentant d’autres mutations concomitantes ?
Devant la présence d’au moins 2 mutations ciblables, l’utilisation de TKI devrait être discutée après réalisation d’un NGS pour identifier un potentiel clone dominant.
En cas de confirmation de la présence de plusieurs altérations différentes, l’utilisation de chimiothérapie à base de sels de platine avec ou sans TKI devrait être privilégiée.
Par Paul MATTE
Anti TIGIT
Article commenté : « Tiragolumab plus atezolizumab versus placebo plus atezolizumab as a fi rst-line treatment for PD-L1-selected non-small-cell lung cancer (CITYSCAPE): primary and follow-up analyses of a randomised, double-blind, phase 2 study ». The Lancet Oncology
Introduction
L’immunothérapie par anticorps anti-PD1 et anti-PD-L1 est devenue un standard dans la prise en charge des cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) sans mutation ciblable. Cependant, de nombreux patients ne répondent pas à l’immunothérapie. Cibler plusieurs voies de signalisation immunes semble nécessaire pour améliorer les taux et durée de réponse. La combinaison anti-CTLA4 et anti-PD1 a été testée dans les CBNPC mais avec une sur-toxicité non négligeable.
Le checkpoint immunitaire TIGIT-PVR inhibe l’activation des lymphocytes T. Le blocage de cette régulation négative par un anticorps anti-TIGIT peut restaurer la réponse immune anti-tumorale. Une forte corrélation entre l’expression de TIGIT et l’expression de PD1 a été montrée, en particulier dans les tumeurs du poumon infiltrée par les lymphocytes. Les modèles murins avec blocage anti-TIGIT et anti-PD1 ou anti-PDL1 ont montré une amplification de la réponse anti-tumorale immune et une synergie permettant de prolonger la survie. Le Tiragolumab est le premier anticorps monoclonal permettant le blocage de la liaison TIGIT et PVR. Une bonne tolérance a été observé dans la phase 1 GO30103, seul ou en association avec un anti-PD-L1 avec des signaux positifs d’efficacité en association avec l’Atezolizumab chez des patients naïfs d’immunothérapie. L’étude CITYSCAPE a été montée pour évaluer l’efficacité et la sécurité de l’association Tiragolumab et Atezolizumab versus un placebo et l’Atezolizumab en première ligne de traitement chez les patients avec un cancer CBNPC localement avancé non-résécable ou métastatique. De plus, cette étude évalue l’expression de PD-L1 comme biomarqueur prédictif de la réponse.
Gorvel L and Olive D. Targeting the “PVR–TIGIT axis” with immune checkpoint therapies [version 1].
F1000Research 2020, 9(F1000 Faculty Rev):354 (doi: 10.12688/f1000research.22877.1)
Méthode
Il s’agit d’une étude de phase 2, internationale, multicentrique, randomisée en 1:1, en double aveugle et contrôlée par placebo. Les patients inclus avaient une tumeur PD-L1 positive, c’est-à-dire avec un TPS supérieur ou égal à 1 %. Il s’agissait de patients majeurs en bon état général (PS 0 ou 1) porteurs d’un cancer bronchique localement avancé non-résécable ou métastatique. Les patients ne devaient pas être porteurs de mutation ciblable (EGFR par exemple). La stratification était faite sur le TPS (1-49 % vs ≥50 %) et sur l’histologie tumorale (épidermoïde ou non épidermoïde). L’Atezolizumab était administré toutes les 3 semaines en I.V. à la dose de 1200 mg et le Tiragolumab était lui administré toutes les 3 semaines à la dose de 600 mg. Les crossovers entre les groupes n’étaient pas autorisés. L’objectif principal était d’évaluer l’efficacité de l’association en mesurant le taux de réponse objective et la survie sans progression. Les objectifs secondaires étaient la sécurité et la tolérance du traitement ainsi que la durée de réponse et la survie globale
Résultats
Entre août 2018 et mars 2019, 135 patients éligibles ont été inclus dans l’étude et randomisés entre les deux groupes.
L’âge médian était de 68 ans dans les 2 groupes et plus de 70 % des patients avaient une tumeur au stade métastatique, avec une majorité d’adénocarcinomes (60 %). 57 % des patients avaient une expression de PD-L1 comprise entre 1 % et 49 %. Le taux de réponse objective dans le groupe avec Tiragolumab était de 31 % vs 15 % dans le groupe Atezolizumab plus placebo (p=0,031). La survie sans progression était également plus longue dans le groupe Tiragolumab avec 5,4 mois vs 3,6 mois (HR=0,57 et p=0,015). Le bénéfice du Tiragolumab était plus important dans la population avec une forte expression de PD-L1 (TPS ≥ 50%) avec, dans cette population un taux de réponse objective à 69 % versus 24 % dans le groupe placebo. Aucune différence entre les 2 groupes n’était observée dans la population avec TPS inférieur à 50 %. Le bénéfice en survie globale de l’ajout du Tiragolumab (23 mois vs 14 mois dans le groupe placebo) n’était pas statistiquement significatif et uniquement dans le groupe PD-L1 avec TPS ≥ 50 %.
La tolérance était bonne avec une toxicité similaire entre les deux groupes. On retrouve les effets secondaires habituels de l’immunothérapie. À noter une élévation de la lipase plus importante dans le groupe Tiragolumab (6 % de grade 4 sans pour autant qu’il y ait une pancréatite associée) et 2 décès survenus (fièvre et infection) dans ce groupe.
Discussion et conclusion
Il s’agit donc d’une étude positive sur son critère de jugement principal. Cependant le bénéfice de l’ajout du Tiragolumab à l’Atezolizumab ne se retrouve que chez les patients avec expression de PD-L1 (TPS ≥ 50 %) qui pourrait donc potentiellement être un biomarqueur indispensable à la prescription future de l’anti-TIGIT dans cette indication.
De plus il s’agit d’une phase 2, certes très bien menée avec randomisation et groupe contrôle en double aveugle, mais avec de fait une faible puissance et des patients très sélectionnés. Cette nouvelle cible semble très prometteuse dans l’univers de l’immunothérapie, nous attendons avec impatience les résultats de la phase 3 en cours.
Article paru dans la revue “Association pour l'Enseignement et la Recherche des Internes en Oncologie” / AERIO n°04