Par Alexandre PEINOIT
Article commenté : Évolution des pratiques de nutrition parentérale dans un Centre de Lutte Contre Le Cancer : Évaluations des Pratiques Professionnelles comparatives, Peinoit et al., Bull Cancer (2023).
Introduction
La dénutrition touche 20 à 70 % des patients atteints de cancer, selon l’âge du patient, le type et le stade du cancer. Les conséquences de cette dénutrition sont majeures notamment l’impact négatif sur le pronostic et l’état général. La Nutrition Parentérale (NP) est une technique de nutrition artificielle fréquemment utilisée en oncologie malgré ses potentiels effets secondaires, la lourdeur de sa prescription et de son suivi clinico-biologique. Deux Évaluations des Pratiques Professionnelles (EPP) ont été réalisées en 2016 et en 2019 afin d’évaluer les pratiques de la NP du Centre de Lutte Contre Le Cancer de Rennes, Eugène Marquis (CEM). L’objectif de cette deuxième EPP était de vérifier l’amélioration ou non des pratiques depuis la première EPP.
Méthodes
Les dossiers des patients adultes hospitalisés, qui ont reçu de la NP entre le 1er janvier 2018 et le 30 avril 2019 ont été analysés rétrospectivement. Les pratiques du CEM ont été évaluées selon les vingt critères d’évaluations des pratiques professionnelles en nutrition clinique concernant la nutrition parentérale chez l’adulte, établis par la Société Francophone Nutrition Clinique et Métabolisme. Nous avons effectué des analyses statistiques à l’aide du test de Fisher pour comparer les résultats de chaque critère d’évaluation entre les deux EPP. Une valeur P <0,05 a été considérée comme statistiquement significative.
Résultats
Entre le 1er Janvier 2018 et le 30 Avril 2019, 86 hospitalisations avec une prescription de NP ont été analysées. Sur les 69 patients, 66 % étaient des femmes, l’âge moyen et médian était de 60 ans. Il s’agissait le plus souvent de patients d’oncologie médicale en soins palliatifs.
Les tumeurs gynécologiques et digestives représentent les deux principales localisations tumorales. Le syndrome occlusif et la prise en charge pour soins palliatifs étaient les deux motifs principaux d’hospitalisation. Les critères de démarche qualité institutionnels, les modalités de prescriptions, les indications justifiant sa prescription ainsi que l’ajout de micronutriments et de vitamines ont été améliorés. Cependant, l’évaluation du statut nutritionnel, les apports énergétiques totaux, la surveillance et la durée de la NP restent associés à de mauvais résultats.
Discussion
Notre étude semble objectiver une amélioration de la pertinence de l’indication de la NP, de la prescription et du suivi des patients grâce à l’informatisation de la prescription et de la formation des professionnels. Les systèmes informatiques pourraient être encore améliorés : renseignement obligatoire des données cliniques et biologiques pré-thérapeutiques lors d’une prescription, alerte de l’équipe référente en NP, organisation automatique du suivi clinique et biologique. La NP reste trop souvent prescrite en situation palliative exclusive. La NP garde une place importante si le patient risque davantage de décéder de dénutrition que de la progression du cancer, par exemple dans le cas d’une carcinose péritonéale avec syndrome occlusif. L’intérêt de la NP sur la qualité de vie reste controversé. Nous devrions décider de l’intérêt de la NP dans les situations palliatives au sein d’une réunion multidisciplinaire avec une équipe de référence en nutrition artificielle. Des essais prospectifs randomisés devraient être réalisés chez des patients atteints d’un cancer de stade avancé, avec des groupes de patients plus homogènes, stratifiés en fonction du type de cancer et du traitement, afin d’évaluer dans quelles situations cliniques, l’utilisation de la NP serait bénéfique. Nous devons poursuivre nos améliorations, en particulier, l’évaluation clinique et biologique initiale ainsi que la surveillance. Il faut une équipe de référence pour améliorer la prise en charge des patients traités par NP. Une nouvelle EPP pourrait être effectuée après la mise en œuvre de mesures correctives.
Références
Article paru dans la revue « Association pour l'Enseignement et la Recherche des Internes en Oncologie » / AERIO RIO HORS SERIE N°3
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