
L'expérience nord-américaine
Après un parcours assez classique (internat, une année de DEA appelée maintenant Master, et un clinicat de 2 ans), je me suis retrouvée dans un avion avec deux enfants en bas âge pour aller retrouver mon mari, parti 3 semaines avant nous, qui venait lui aussi de terminer son clinicat pour son “post doc”, une étape indispensable de 2-3 ans, pour lui qui envisageait une carrière hospitalo-universitaire.
Direction Boston dans le Massachusetts, avec un anglais plutôt très moyen, soyons honnête (mais ça j'allais le découvrir rapidement). Je n'avais jamais envisagé de carrière universitaire. Mon DEA, qui était un projet clinique, m'avait bien plu mais je ne pensais pas être faite pour la recherche. Et puis cette pause de quelques semaines qui s'annonçait devant moi me plaisait bien : un nouveau pays dans lequel il allait falloir s'acclimater avec deux enfants de 4 et 2 ans, cela valait bien quelques semaines/mois de pause !
Pour plein de raisons, la décision fut prise de prolonger cette pause. Les deux enfants sont devenus trois et ma vie de Desperate Housewives me convenait parfaitement. Le retour sur Paris se profilait rapidement donc pourquoi ne pas en profiter ?
Et puis finalement notre expérience américaine se poursuivit. Et bien que mon nouveau rôle me plaisait en tout point, en étant à Boston, les hôpitaux affiliés à Harvard Médical School étaient tout près. Grâce au mentor de mon mari, j'ai rencontré une personne formidable, Ellen Seely, directrice de la recherche clinique du service d'endocrinologie du Brigham And Women's Hospital. Sa thématique de recherche portait sur les facteurs de risque cardiovasculaires de la femme après complications métaboliques pendant sa grossesse (ce qui finalement collait bien avec mon sujet de Master et mes centres d'intérêt).
J'avais le bon VISA (très important aux États-Unis), et elle m'a alors proposé de faire un stage de 3 mois dans son équipe de recherche : lecture de protocole, apprentissage des différentes régulations nécessaires pour mettre en place un protocole, récupérer les données, création de base de données, assister aux staffs de recherche, aux staffs de présentation de dossiers cliniques, etc.
Les trois mois sont passés extrêmement vite, et je me suis rendue vite compte que cela me passionnait ! Je restais quelques heures par jour et je récupérais mes enfants à la sortie de l'école, c'était parfait !
On m'a alors proposé de rester et les trois mois sont devenus six, puis neuf…
Plus les choses avançaient, plus je prenais goût aux projets. J'avais une mentor qui répondait à toutes mes interrogations, me poussait à en faire toujours plus, avec gentillesse et en me faisant comprendre que j'étais complètement à ma place, légitime et surtout, surtout, trouvait cela parfaitement normal que je veuille avoir une bonne balance entre ma vie personnelle et ma vie professionnelle : un rdv chez le pédiatre, aucun souci ! Les vacances scolaires, pas de souci. À condition que le travail soit fait.
Le temps a passé. Mon visa s'est transformé, et j'ai changé de rôle. Je suis passé de volontaire, à research assistant, puis co-investigateur.
J'ai vu deux études se créer de A à Z, se lancer, recruter des patients, créer les outils pour récupérer les bases de données, analyser les données. Les deux études portaient sur la mise en place d'un programme de modifications de style de vie, en ligne, avec coaching pour les femmes durant leur premiers mois post-partum après soit une grossesse compliquée d'une préeclampsie, soit d'un diabète gestationnel dans l'espoir de limiter l'apparition de complications cardiovasculaires ou d'un diabète de type 2 dans le futur. En gros le DPP (Diabetes Prevention Program) appliqué en post-partum pour les deux complications métaboliques les plus fréquentes de la femme enceinte.
Je gérais les research assistants et les stagiaires (finalement comme une chef de clinique avec les internes et les externes), j'ai même eu à encadrer une externe française qui voulait découvrir la recherche clinique pendant plusieurs semaines.

J'ai eu la chance d'avoir des formations en biostatistiques, éducation thérapeutique, écriture de grants… Puis j'ai soumis des Grants de recherche : un au NIH (National Institute of Health) et un à l'American Heart Association. Ma mentor était là, toujours : des réunions fixes tous les quinze jours et un accompagnement intense pour la soumission des grants. Ces deux grants, je les ai eu au final !
Les études se sont terminées, les données ont été analysées. J'ai soumis et publié des articles scientifiques, non sans difficultés : le processus d'écriture, de soumission, les revues, les rejets… Il n'avait jamais été question pour moi de passer les différents examens pour obtenir une licence américaine médicale. Cela consiste en plusieurs examens qui reprennent notamment les fondamentaux : je laisse la biochimie, l'anatomie aux plus jeunes ! Je savais ce que cela impliquait : à savoir ne pas pouvoir soumettre des grants réservés aux cliniciens qui faisaient de la recherche mais à ce moment-là de ma vie personnelle, ce n'était pas envisageable. Peut-être que j'aurais changé d'avis à un moment donné… qui sait ?
Mais après 10 ans, nous avons pris la décision de rentrer sur Paris.
Et je me suis finalement installée en libéral… ce que je souhaitais depuis mon internat. Je suis impliquée dans l'amicale régionale, je participe à des projets pour les libéraux.
Alors certes je ne fais plus de biostatistiques mais ce que j'ai appris sur l'éducation thérapeutique, les programmes de “Lifestyle” qui avaient été mis en place pour les études, tout cela me sert au quotidien. Je tiens toujours à être présente pour ma famille qui reste une priorité pour moi (avec des besoins différents pour mes deux aînés notamment qui sont aujourd'hui étudiants).

Dr Géraldine SKURNIK
Endocrino-diabétologue libérale Paris