Actualités : Mise au point - “Standardizing definitions and terminology of left-sided pancreatic resections through an international delphi consensus”

Publié le 17 Apr 2025 à 09:39
Article paru dans la revue « AJCV / Digest’Times » / AJCV N°2

Article paru dans le British Journal of Surgery en avril 2024

Depuis ses premières descriptions, la pancréatectomie gauche a considérablement évolué, gagnant en complexité et en diversité. Ce terme regroupe désormais un ensemble de procédures variées, témoignant des avancées dans la compréhension oncologique et des progrès techniques. Ces dernières décennies, l'évolution de la chirurgie pancréatique s'est orientée vers des approches mini-invasives et des techniques d'épargne parenchymateuse, visant à réduire les complications tout en préservant la fonction pancréatique. À la lumière de la récente publication d'une nouvelle terminologie pour les pancréatectomies gauches, il nous a semblé pertinent de faire le point sur ces évolutions et de rappeler les étapes marquantes de cette transformation (1).

Historiquement, les premières pancréatectomies gauches ont été réalisées par Billroth et Trendelenburg dans les années 1880 (2). Par la suite, les premières séries de cas ont été rapportées par Mayo et Finley, à une époque où la pancréatite chronique constituait l'indication la plus fréquente (3, 4). En 1953, Appleby a décrit une technique complexe impliquant la résection du pancréas gauche, associée à une gastrectomie totale et à la résection du tronc cœliaque. Le pancréas restant et le foie sont alors perfusés par l'artère mésentérique supérieure, suppléant elle-même l'artère gastroduodénale et l'artère hépatique propre via les arcades pancréaticoduodénales (5). Cette intervention est devenue bien connue sous le nom d'intervention d'Appleby modifiée, omettant la gastrectomie totale (6). Le développement de l'imagerie médicale a ensuite permis de spécifier les techniques de pancréatectomie gauche, selon que la préservation des vaisseaux spléniques et de la rate soit associée ou non. L'intervention de Kimura correspond à une pancréatectomie gauche avec conservation de la rate et des vaisseaux spléniques, tandis que l'intervention de Warshaw correspond à une pancréatectomie gauche avec résection des vaisseaux spléniques mais conservation de la rate (7, 8). Dans l'intervention de Warshaw, la rate reste vascularisée par les vaisseaux court-gastriques avec des zones d'ischémies fréquentes (supérieur à50 %) mais un risque de splénectomie secondaire faible (cette dernière technique a été largement étudiée par l'équipe de l'hôpital Beaujon (9). En 2003, Strasberg et al. ont introduit le concept de « Radical antegrade modular pancreatosplenectomy » (RAMPS), visant à augmenter les marges de résection et à améliorer le curage lymphatique pour des pathologies malignes notamment pour l'adénocarcinome pancréatique canalaire (10). Finalement, on comprend là que le chirurgien pancréatique a un ensemble de solutions techniques pour la réalisation d'une pancréatectomie gauche, fonction de la localisation tumorale, de la malignité, et de ses rapports vasculaires.

 

L'évolution récente de la chirurgie pancréatique est marquée par l'avènement de l'ère mini-invasive. Un tournant majeur a été l'introduction de la laparoscopie en chirurgie pancréatique, en 1994, par Cuschieri, rapidement adoptée par Gagner (11). Parallèlement, et avec l'augmentation en incidence des pathologies à faible potentiel malin, le concept de préservation parenchymateuse a émergé. Ce concept vise notamment à réséquer les tumeurs tout en prévenant l'insuffisance exocrine et endocrine. Cependant, la localisation de la section parenchymateuse ne repose pas sur une segmentation anatomique clairement définie du pancréas. D'un point de vue anatomique, le pancréas est classiquement divisé en deux parties, « droite » et « gauche », par l'isthme, la partie gauche englobant le corps et la queue. Il faut savoir qu'il n'y a pas de repère anatomique entre le corps et la queue du pancréas. Cette segmentation macroscopique s'appuie sur des critères radiologiques, facilitant la description des tumeurs, ainsi que sur des principes techniques, fournissant des repères pour la résection. Toutefois, elle ne correspond pas aux principes classiques d'une division segmentaire anatomique ou d'une suppléance vasculaire intra-parenchymateuse, comme c'est le cas pour le foie ou les poumons (12). De plus, les connaissances issues de l'embryologie, de la vascularisation artérielle ou du réseau lymphatique n'apportent pas davantage de spécificités utiles à ce niveau (13). La préservation parenchymateuse repose donc essentiellement sur le critère de marge oncologique. Or, selon le niveau de section choisi, le risque de fistule pancréatique post-opératoire peut varier significativement. Bien que la cartographie précise du réseau canalaire reste incomplète, il est utile de rappeler que les chirurgiens ont longtemps privilégié une section systématique du pancréas au niveau de l'isthme, une zone associée à un taux de fistules relativement faible (14). Il est également à rappeler que la difficulté chirurgicale, surtout en chirurgie mini-invasive, peut varier selon le niveau de section, poussant certains chirurgiens à sectionner plus fréquemment au niveau de l'isthme (plus simple) ou à gauche de l'axe veineux (moins dangereux).

Face à la diversité des approches techniques, à l'importance croissante du concept de préservation parenchymateuse et au risque de fistule pancréatique post-opératoire, la littérature scientifique sur le sujet est à la fois vaste et difficilement comparable. À ce jour, aucune nomenclature standardisée n'existe pour structurer les études en cours. L'article intitulé “Standardizing definitions and terminology of left-sided pancreatic resections through an international Delphi consensus” constitue une contribution concise mais ciblée, visant à établir un consensus sur la définition des pancréatectomies gauches. L'objectif principal est d'uniformiser la terminologie associée à ces interventions, afin de clarifier et de rendre plus comparables les données des publications futures. Ce consensus repose sur la méthode Delphi, qui a été appliquée lors de la conférence de consensus de Brescia intitulé “Internationally Validated European Guidelines on Minimally Invasive Pancreatic Surgery”. Cette méthode, particulièrement en vogue actuellement, méritait selon nous un rappel, compte tenu de son rôle central dans l'élaboration de recommandations internationales.

 

La méthode Delphi est une technique de recherche qualitative utilisée pour obtenir des consensus d'experts sur un sujet donné. Elle consiste à soumettre plusieurs séries de questionnaires aux experts, qui répondent de manière anonyme. Les résultats sont ensuite compilés et renvoyés aux participants pour qu'ils réévaluent leurs réponses à la lumière des opinions des autres. Ce processus est itératif et vise à affiner les opinions jusqu'à atteindre un consensus sur les enjeux discutés.

À partir de cette méthodologie, les auteurs ont défini quatre types de pancréatectomies gauches en fonction de la zone de section, en se basant sur des repères anatomiques. Plus précisément, les types de résections sont les suivants :

1. Résection de la queue du pancréas : Résection à moins de la moitié de la distance entre l'extrémité distale de la queue du pancréas et le bord gauche de la veine mésentérique supérieure (VMS) ;

2. Résection du corps et de la queue du pancréas : Résection jusqu'au bord gauche de la VMS, à plus de la moitié de la distance entre l'extrémité distale de la queue du pancréas et le bord gauche de la VMS ;

3. Résection de l'isthme, du corps et de la queue du pancréas : La section du pancréas se fait entre la VMS et le bord gauche de l'artère gastroduodénale ;

4. Pancréatectomie gauche élargie : Résection élargie de l'isthme, du corps et de la queue du pancréas avec une section pancréatique à droite de l'artère gastroduodénale.

De plus, les auteurs proposent d'ajouter des précisions en fonction de la voie d'abord (R pour robotique, L pour laparoscopique, O pour ouverte), l'extension à une splénectomie (S+), aux vaisseaux spléniques (V+), au fascia de Gerota (G+), ou encore l'exérèse d'organes multiples (MV) (Figure 1 page suivante).

À titre d'exemple, une tumeur maligne située en regard du bord gauche de l'aorte, traitée par voie robotique avec résection des vaisseaux spléniques mais préservation de la rate, doit être décrite ainsi : « Pancreatic body and tail resection R, V+ ».

Cet article apporte ainsi une précision à la terminologie de la pancréatectomie gauche, répondant à l'hétérogénéité présente autour de ce terme généraliste. Même si cette nomenclature ne se base pas sur une segmentation anatomique, comme elle peut l'être pour la chirurgie hépatique ou pulmonaire, elle apporte une classification simple, basée sur les techniques chirurgicales actuelles et pouvant faciliter l'interprétation des données de la littérature.

Dr Sébastien FREY
Président de l'AJCV

Dr Florian MARTINET-KOSINSKI
VP Responsable Scientifique de l'AJCV

Dr Eloïse PAPET
Rédactrice en Chef

Article relu et validé par le Pr Safi DOKMAK

Références

1. Van Ramshorst TME, van Hilst J, Boggi U, Dokmak S, et al. Standardizing definitions and terminology of left-sided pancreatic resections through an international Delphi consensus. Br J Surg. 2024,3,111(4):znae039. doi: 10.1093/bjs/ znae039.

2. Witzel O. Aus der Klinik des Herrn Prof. Trendelenburg. Beiträge zur Chirurgie der Bauchorgane. Deutsche Zeitschrift für Chirurgie. 1886;24:326-54

3. Mayo WJ: I. The surgery of the pancreas: I. Injuries to the pancreas in the course of operations on the stomach. II. Injuries to the pancreas in the course of operations on the spleen. III. Resection of half the pancreas for tumor. Ann Surg. 1913,58:145-150. 10.1097/00000658-191308000-00001.

4. Sauvanet A. La chirurgie du pancréas. Bull Acad Natle Méd. 2012,196(9):1803-1817.

5. Appleby LH. The cœliac axis in the expansion of the operation for gastric carcinoma. Cancer. 1953;6:704-7.

6. Nimura Y, Hattori T, Miura K, Nakashima N, Hibbi M. Resection of advanced pancreatic body-tail carcinoma by Appleby's operation. Shujutu. 1976;30:885-9.

7. Kimura W, Inoue T, Futakawa N, Shinkai H, Han I, Muto T. Spleen-preserving distal pancreatectomy with conservation of the splenic artery and vein. Surgery. 1996;120:885-90. doi: 10.1016/s0039-6060(96)80099-7.

8. Warshaw AL. Conservation of the spleen with distal pancreatectomy. Arch Surg. 1988;123:550-3. doi: 10.1001/ archsurg.1988.01400290032004.

9. Dembinski J, Cannella R, Sauvanet A, Dokmak S. Laparoscopic spleen-preserving distal pancreatectomy with splenic vessels resection (laparoscopic Warshaw procedure). J Visc Surg. 2022;159(5):415-423. doi: 10.1016/j.jviscsurg.2022.03.002.

10. Strasberg SM, Drebin JA, Linehan D. Radical antegrade modular pancreatosplenectomy. Surgery. 2003;133:521–527. doi: 10.1067/msy.2003.146.

11. Cuschieri A. Laparoscopic surgery of the pancreas. J R Coll Surg Edinb. 1994;39:178–184.

12. Renard Y, de Mestier L, Perez M, Avisse C, Lévy P, Kianmanesh R. Unraveling Pancreatic Segmentation. World J Surg. 2018 Apr;42(4):1147-1153. doi: 10.1007/s00268-017-4263-5.

13. Pissas A. Anatomoclinical and anatomosurgical essay on the lymphatic circulation of the pancreas. Anat Clin. 1984;6(4):255-80. doi: 10.1007/BF01654459.

14. Pannegeon V, Pessaux P, Sauvanet A, Vullierme MP, Kianmanesh R, Belghiti J. Pancreatic fistula after distal pancreatectomy: predictive risk factors and value of conservative treatment. Arch Surg. 2006 Nov;141(11):1071-6; discussion 1076. doi: 10.1001/archsurg.141.11.1071.

Publié le 1744875580000