Actualités : Médecin sur une île

Publié le 05 sept. 2024 à 14:36
Article paru dans la revue « ISNAR - L'antidote . » / ISNAR-IMG N°40


Comment pratiquons-nous la médecine générale sur une île ? Quels en sont les avantages / les inconvénients ? Et pourquoi certain·es médecins choisissent ce mode d'exercice ?

De notre temps, l'envie de tenter de nouvelles expériences professionnelles concerne de nombreux internes en Médecine Générale. Envie d'aventure, de challenge, de se surpasser sur un terrain inconnu ! Tout cela semble possible en travaillant sur une île. 
Cette pratique de la Médecine Générale vous intéresse ? Pour répondre à certaines de vos questions, nous avons échangé avec un ancien médecin de Belle-Île-en-Mer en Bretagne, Dr Stéphane PINARD. Ce dernier a plusieurs domaines de compétences. Il est à la fois spécialiste de médecine générale, médecin commandant pompier, médecin correspondant SAMU, ex-élu conseil de l'Ordre du Morbihan, ex-président de l'union généraliste FMF (Fédération des Médecins de France), maître de stage et également ancien président de la CME (Commission Médical d'Établissement) de l'hôpital de Belle-Île-en-Mer pendant 8 ans.
Belle-île est la plus grande des îles bretonnes avec 85km2 de superficie, située à 30km du continent. Elle a environ 6000 habitant·es l'hiver pour 40 000 habitant·es en moyenne l'été.

Comment a-t-il décidé d'exercer à Belle-Île-en-Mer ? 
En 2012, des médecins volant·es, relié·es à l'hôpital de Vannes, allaient à tour de rôle réaliser des gardes de 24h sur l'île pour assurer la permanence des soins. Dr Pinard a décidé, grâce à l'appui de l'ARS (Agence Régionale de Santé), de créer quelque chose de plus viable. C'est alors qu'en 2012, il prit le bâteau pour s'installer sur l'île. Il y exercera au total 12 ans. En l'espace de 8 ans, grâce à plusieurs échanges et communications, il permettra alors l'installation de 13 nouvelles et nouveaux médecins généralistes sur l'île. 

Quel est le type d'exercice médical ? 
Pour exercer sur l'île, il faut apprécier le travail mixte. Chaque médecin généraliste qui s'installe exerce à la fois en cabinet et à la fois à l'Hôpital de Belle-Île en tant que salarié·e : “Chacun met le curseur où il veut”. 
Par ailleurs, depuis 2014, il existe un fonctionnement de soins non programmés 7 jours sur 7, de 8h à 20h. S'enchaîne ensuite la Permanence Des Soins Ambulatoires (PDSA) toutes les nuits. Avant de s'installer sur l'île, il faut avoir connaissance de ce fonctionnement, à la fois intriguant et enrichissant mais aussi complexe.

Mais de quoi est composé l'hôpital de Belle-Île-en-Mer ? 
Il dispose donc d'un service de soins non programmés pour accueillir les urgences de l'île. Au sein de celui-ci se trouve un secteur de radiologie et de télé-échographie en partenariat avec le Cabinet de Radiologie de Quiberon, duquel un manipulateur/manipulatrice radiologique se déplace tous les jours en bâteau. L'hôpital compte plus d'une centaine de lits, répartis dans différents services (Médecine polyvalente, Soins Palliatifs, Soins de suite et réadaptation, Soins longue durée ou encore des lits d'EHPAD (Établissement d'hébergement pour personnes âgées), etc.). De plus, une organisation libérale coexiste avec notamment des services de soins infirmiers à domicile et d'HAD (Hôpital à Domicile).


Quels sont donc plus précisément les avantages de travailler sur cette île ? 

• Réalisation de gestes de soins d'urgence comme des sutures, des plâtres grâce à un cabinet de radiologie performant. 
• Formation en échographie médicale pour arriver à se débrouiller devant une urgence médico-chirurgicale. 
• Gestion de situations d'urgence comme des arrêts cardiaques, en attendant le SMUR (Service Mobile d'Urgence et de Réanimation) venant du continent. 
• La biologie délocalisée, en place depuis un an et demi, permet d'analyser plusieurs marqueurs sur place (ionogramme sanguin, créatinine, D-dimères, troponine, gaz du sang veineux et numération sanguine). 
• Un seul et même logiciel médical commun pour chaque médecin permettant une facilité d'exercice. 
• Gestion de situation de fin de vie, de situations sociales complexes, grâce à une équipe pluridisciplinaire adaptée. 
• Le travail mixte entre cabinet et hôpital.
• Le travail au sein d'une équipe de médecins jeunes et dynamiques. 
• Gestion de son temps de travail plus facilement. 
• Une médecine très diversifiée, entre du suivi médical, des soins non programmés et des soins d'urgence. 
• Un dépaysement quotidien.


Quels sont donc les inconvénients principaux à cette pratique ? 

• L'isolement géographique. Point le plus important d'après Dr Pinard. En effet, “il faut se préparer à la gestion de situations de crises en période de tempêtes”. Ni le bâteau ni l'hélicoptère ne peuvent être de sortie. Il peut se passer 3 jours sans aide de l'extérieur. 
• Mode de vie ne convenant pas à tous les projets personnels. 
• Absence d'activités extra professionnelles comme le cinéma, le bowling, etc. 
• L'attractivité des îles. En effet, depuis la pandémie Covid 19, le tourisme insulaire a explosé. Il est maintenant compliqué pour les locaux·ales de partir et rentrer sur l'île en raison de bâteaux souvent pleins pendant le semestre d'été notamment.
• Coût de la vie plus élevé ainsi qu'une pénurie de logement en raison des locations saisonnières entre autres.

Pour conclure, nous remercions Dr Pinard d'avoir pris le temps d'échanger avec nous sur son expérience. Pratiquer la Médecine Générale sur une île, c'est pratiquer une médecine très diversifiée, entre du suivi médical, des soins non programmés et des soins d'urgence. Tout cela en se sentant dépaysé constamment. 
Et alors, qui seront les prochain·es médecins tenté.es de s'installer dans les îles, qu'elles soient bretonnes ou d'ailleurs ?

Rédigé par 
Marie BILLARD

Publié le 1725539793000