Actualités : Médecin sous les glaces

Publié le 11 mai 2022 à 17:30

INTERVIEW

Véronique Mérour fut le médecin de bord de la mission Under The Pole 3 – Le leg arctique ; elle est partie 3 mois en mer entre le Groenland et l’Alaska en 2017.

H.- Quel est votre parcours ?
Dr Véronique Mérour.- Je suis médecin généraliste et urgentiste depuis trois ans. J’ai toujours aimé la montagne, la plongée et les voyages. Entre ma deuxième et ma troisième année d’internat, en 2012, je suis partie aux Kerguelen dans le cadre des missions de recherches des TAAF, les Terres Australes et Antarctiques françaises.

H.- Comment avez-vous intégré l’équipe de Under The Pole ?
V.M.- Lors d’un salon à Brest, à Océanopolis où je parlais des TAAF, l’équipe d’Under The Pole présentait leur première mission. C’était en 2013. J’ai fini mon internat en médecine générale, passé ma thèse et je me suis embarquée en 2014 avec eux pour leur deuxième mission au Groenland puis en 2017 pour cette première étape d’Under The Pole 3 pour réaliser le passage du Nord-Ouest. Mon profil a plu à Emmanuelle Périé, chef d’expédition : je pratique la plongée depuis l’adolescence, je connais bien la montagne et j’avais déjà vécu l’isolement aux TAAF.

H.- Quelles furent les motivations du chef d’expédition pour vous engager ?
V.M.- La première motivation d’Emmanuelle Périé était maternelle puisque toute sa famille la suit dont deux enfants en bas âge. L’intérêt d’un médecin à bord est d’assurer la sécurité de l’ensemble de l’équipage, en particulier dans de telles conditions d’isolement où le moindre accident peut engager le pronostic fonctionnel voire vital et remettre en cause la poursuite de l’expédition. C’est d’autant plus vrai pour ces expéditions qui sont très engagées du point de vue technique, aves des conditions de vie extrême et des plongées polaires où la sécurité et la bonne conduite sont un défi permanent. La prévention occupe alors une place primordiale, d’autant plus que nous n’avions pas de caisson hyperbare à bord.

H.- Quel matériel avez-vous emporté sur le bateau ?
V.M.- J’étais limitée en budget et en espace. L’espace est vraiment le nerf de la guerre sur un bateau de plongée où l’équipement prend beaucoup de place. J’ai calqué le matériel sur celui des véhicules d’urgence du SMUR : un défibrillateur, un respirateur, un sac d’urgence et une trousse à pharmacie élargie avec tout le matériel pour suturer, immobiliser et traiter toutes les pathologies courantes que l’on peut rencontrer dans une population allant de 1 à 70 ans. La seule chose que je n’ai pas eu besoin de prendre c’est l’oxygène car nous en avions déjà avec le matériel de plongée. 

H.- Quels sont les soins effectués sur le bateau ?
V.M.- Il faut anticiper tous les petits « tracas » des 15 personnes à bord : antalgiques, corticothérapie, traitement ophtalmo, dermato, pulmonaire et digestif. J’ai dû aussi constituer une pharmacie vétérinaire pour le chien de la famille, un husky, présent sur le bateau. J’avais eu l’occasion de me former aux soins vétérinaires lors de ma mission aux Kerguelen puis avec la vétérinaire du chien avant notre départ.

H.- Votre isolement implique peu de ravitaillements. N’avez-vous pas eu peur d’oublier un traitement dans votre pharmacie ?
V.M.- On part du principe qu’il n’y aura pas d’approvisionnement. Lors de ma première mission au Groenland avec eux en 2014, il y a eu une maladie infectieuse peu commune pour laquelle je n’avais pas de traitement spécifique. Heureusement, nous n’étions pas loin d’un poste de secours. Depuis, j’ai intégré ce traitement dans ma trousse à pharmacie.

H.- Quel fut votre quotidien sur le bateau ?
V.M.- Dans de telles missions, l’objectif est que le médecin ne « serve » pas. J’étais donc affectée, au quotidien, à d’autres fonctions : cuisinière et intendante du navire, assistante scientifique lors des programmes d’étude de la banquise par exemple, responsable de la sécurité plongée et plongeuse !

H.- Qu’est ce qui fut le plus difficile lors de cette mission ?
V.M.- La promiscuité et l’exercice de la médecine. Mon métier de médecin urgentiste me manqua vraiment et je suis heureuse aujourd’hui de l’avoir retrouvé. C’est pour cela que je ne repartirai sans doute pas tout de suite et que je passe le flambeau pour la suite de Under The Pole.

Article paru dans la revue “Le magazine de l’InterSyndicale Nationale des Internes” / ISNI N°19

Publié le 1652283028000