Actualités : Médecin humanitaire en France et ailleurs

Publié le 07 Feb 2025 à 15:41
Article paru dans la revue « ISNAR - L'antidote . » / L'ANTIDOTE N°41

Médecin généraliste en Bourgogne et médecin humanitaire à Médecins du Monde

Présentation : qui êtes-vous, où travaillez-vous ?

Je suis le Docteur Didier CANNET, médecin généraliste exerçant à Beaune en Bourgogne en cabinet médical libéral depuis plus de trente ans, associé à mon épouse.

Après ma spécialité de Médecine Générale, j'ai fait un Diplôme Universitaire de santé humanitaire et une spécialité de Santé Publique en vue d'exercer la Médecine Humanitaire. Une fois installé, j'avais le désir de poursuivre un engagement humanitaire à l'international et c'est ainsi que je suis devenu (et que je suis toujours) responsable de programmes à Médecins Du Monde (MDM). J'ai aussi été membre du Conseil d'Administration de MDM de 2000 à 2009. De 2010 à 2022, j'ai été maître de conférences puis professeur associé au Département de Médecine Générale de Dijon, et plus spécifiquement en charge de l'accompagnement ,des étudiant·es dans leur thèse.

Dans quel cadre êtes-vous parti 3 semaines en Afrique en octobre 2024 ?

Je suis responsable actuellement des missions de la Centrafrique et de l'Afrique des Grands Lacs pour Médecins du Monde. Nous travaillons en « pool », c'est à-dire dans un groupe composé d'une coordinatrice salariée au siège MDM à Paris, des responsables des programmes des deux pays et de deux autres collègues médecins cadres bénévoles.

Notre travail consiste à mettre en place et à suivre des programmes de santé dans notre zone d'intervention. Nous nous rencontrons ou échangeons par visio deux fois par mois, et nous nous déplaçons sur le terrain deux fois par an afin d'être en contact avec nos équipes et avec les bénéficiaires de nos programmes. Nous intervenons auprès de populations qui, le plus souvent, n'ont pas accès aux soins et à la santé pour différentes raisons : guerres et conflits armés, catastrophes naturelles comme les inondations, épidémies comme la Mpox, le choléra ou Ebola…

Nous intervenons auprès des populations fragilisées, marginalisées ou exclues comme les travailleuses du sexe, les toxicomanes, les femmes ayant subi des viols, les jeunes enfants ou les femmes, en particulier les femmes enceintes.

Comment êtes-vous entré à Médecins du Monde ?

J'ai d'abord fait mon stage de 6e année avec l'organisation Medicus Mundi, dans une région de la Volta Noire à Dédougou en Haute Volta, auprès des infirmiers villageois dans un programme de santé communautaire. Ensuite je suis reparti à plusieurs reprises en Afrique, en particulier en Érythrée avec Médecins du Monde en 1993, dans le cadre d'un programme de reconstruction du système des soins de santé primaire.

Par mon expérience humanitaire de terrain et ma formation en Médecine Humanitaire et en Santé Publique, j'ai pu rentrer à Médecins du Monde et devenir responsable bénévole de mission. J'ai effectué mes premières missions au Zaïre et au Rwanda, lors du génocide des Tutsis, puis dans de nombreux pays comme la Birmanie, le Népal, le Soudan, le Darfour … Je suis maintenant à Médecins du Monde depuis 30 ans !

-Ici ou ailleurs 

Décrivez votre mission humanitaire en octobre avec Médecins du monde

Avec les membres de notre pool, nous avons effectué en trois semaines une tournée de nos missions dans la zone des Grands Lacs africains :

De Goma, à l'Est de la République démocratique du Congo, nous sommes passés plus au Sud par le lac Tanganyika à Kalemie, pour finir à l'Ouest à Kinshasa, la grande capitale où vivent 17 millions de Congolais, sur les rives du Congo.

Nous avons parcouru en avion humanitaire, grâce au UNHASservice aérien d'aide humanitaire des Nations Unies, l'UNHAS, plus de 3000 kilomètres dans cette région.

Nous avons commencé par Goma, où une épidémie de Mpox s'était déclarée, et qui était aussi le lieu d'une arrivée importante de réfugiés fuyant les combats.

Nous avons fait le tour de plusieurs camps de déplacés (plus de 500.000) pour rencontrer différents organismes et travailler avec les coordinateurs des Nations Unies et de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Le but était d'évaluer les besoins, de mettre en place une offre de soins d'urgence, avec une lutte contre la malnutrition et une campagne de vaccination contre la Mpox.

Au Tanganyika, nous soutenons une zone de santé grande comme un département français. Nous avons travaillé avec les équipes sur place pour améliorer notre offre de soins en l'adaptant à la survenue d'épidémie de choléra, de recrudescence de la rougeole, de l'apparition de cas de Mpox, dans un contexte de reprise des confl its et de déplacements de populations.

Ce voyage humanitaire a également permis d'évaluer à Kinshasale programme de santé et environnement à mi-parcours, au bout de deux ans d'activité. Celui-ci vise à encadrer la pratique de 80 groupements de maraîchers, de protéger leur santé et celle de leur famille (2 000 bénéficiaires) ainsi que l'environnement par l'usage de  iopesticides dans le cadre du projet « Prosmace » de l'agence française de développement.

Nous avons également animé des ateliers sur l'auto-soin, la prise en charge directe de leur traitement par les patients mais aussi des actions autour de la contraception dans le cadre de notre programme de santé sexuelle et reproductive.

Comment agit Médecins du monde ?

Médecins du monde intervient autour de cinq priorités :

• Les droits et santé des migrants ;

• Les droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR) ;

• Les urgences de santé ;

• La réduction des risques (réduire la transmission Sida et des hépatites) ;

• La santé environnementale.

Médecins du monde intervient selon une stratégie bien définie : la modélisation et la dissémination. Nous ne pouvons pas nous substituer aux états défaillants ni répondre à la multitude de besoins de santé à travers le monde. Aussi nous mettons en place un programme en partenariat avec des associations locales qui pourront prendre le relais. Nous intervenons aussi dans le cadre des planifications nationales en santé. Nous faisons des modèles de programme de santé puis nous en faisons la dissémination au travers du témoignage et du plaidoyer, pour qu'ensuite les États et institutions internationales s'en saisissent plus largement.

Nous sommes financés par les dons des particuliers et par des bailleurs de fonds. Malheureusement, avec les crises en Ukraine et au Moyen-Orient, l'Afrique, qui présente les plus grandes crises sanitaires du monde, est actuellement oubliée.

Comment puis-je m'engager à Médecins du Monde ?

Vous êtes tous les bienvenus : nous avons besoin de médecins à Médecins du Monde, médecins salariés sur le terrain, mais également des médecins bénévoles cadres associatifs en France et à l'international.

Aussi, nous profitons de cet article pour faire un appel aux étudiants en médecine et aux médecins.

Si vous avez ce désir de faire de la Médecine Humanitaire, il faut vous former pour cela. Dans des DU santé et humanitaire par exemple. Le mieux est d'avoir ensuite une première expérience du terrain, même de quelques mois. Par exemple, partir sur une urgence sanitaire avec MDM, Médecins Sans Frontières ,de France ou d'autres pays (Belgique, Hollande, Suisse, etc.), Handicap International, Solidarités International...

Vous aurez probablement envie de repartir plusieurs fois.

Ainsi, au retour, fort de votre expérience, vous pourrez vous rapprocher de Médecins du Monde en vue de devenir cadre bénévole à l'international ou en France. Ce qui vous permettra d'exercer votre métier de médecin en France par exemple, et de poursuivre, comme je le fais, un engagement à l'international tout en partant au moins une fois par an sur le terrain. Plusieurs options sont possibles :

Médecin à l'international, c'est mener des activités de formation, d'encadrement et d'éducation à la santé. Vous aurez en charge une équipe médicale : vous aurez besoin de compétences en enseignement, en animation et en encadrement, mais aussi d'un bon esprit d'équipe.

Dans les missions d'urgence, vous pourrez également assurer des consultations de soins de santé primaire et des interventions chirurgicales. Les postes de médecin sur le terrain à l'international sont principalement des postes salariés.

Médecin en France, c'est assurer des consultations médicales en équipes et mener des actions de prévention dans les Centres d'Accueil, de Soins et d'Orientation (ou CASO) répartis dans de nombreuses villes en France. Ces CASO sont des établissements ayant pour but de faciliter l'accès aux soins des personnes démunies. Une équipe de médecins généralistes bénévoles et d'infirmiers assurent les soins de santé sans frais médicaux et donne accès au système de santé en se coordonnant avec de nombreux acteurs de la sphère médico-sociale.

Clé de voûte du parcours de soins des personnes en difficulté et en situation irrégulière et migrant, le CASO permet aux plus vulnérables de disposer de consultations en médecine générale, d'une délivrance de médicaments, de soins dentaires, ou encore, d'un suivi pédiatrique, obstétrical et gynécologique. Ces structures sont engagées

sur les droits sociaux en proposant notamment un accompagnement social envers les personnes connaissant de grandes difficultés financières. Elles proposent par exemple à ces personnes des accompagnements en vue d'éclaircir leur situation administrative, et les suivent dans les différentes démarches pour obtenir une régularisation de leurs droits à l'Assurance Maladie. Nous publions chaque année le rapport de l'Observatoire de l'accès aux droits et aux soins en France, afin d'informer les responsables en santé et le Gouvernement.

Alors ENGAGEZ-VOUS !

Le métier de médecin est pour moi le plus beau métier du Monde ! Médecins Humanitaires en est le summum.

Bien confraternellement,

Écrit par
Le Dr Didier CANNET

Publié le 1738939260000