
Qu'est-ce que c'est ?
UGOMPS ou Unité de Gynécologie-Obstétrique Médico-Psycho-Sociale est un service hospitalier unique en France, situé au CHU de Nantes au rez-de-chaussée de la maternité, il regroupe une équipe dédiée au suivi des femmes en situation de précarité principalement lors de leurs grossesses. Cette unité a été créée en 2004 par Dre Véronique CARTON, gynécologue médicale. Elle est constituée d'une équipe pluridisciplinaire associant gynécologues, médecins généralistes, sages-femmes, sexologues, psychologues, assistantes de service social et secrétaires médicaux les. Cette équipe met tout en œuvre pour prodiguer les meilleurs soins possibles aux femmes suivies dans le service selon 3 axes : médical, social et psychologique.
Tout cela dans l'optique d'une prise en charge optimale centrée sur la Santé de la Femme et de l'Enfant.

Les missions du service sont de proposer :
• Un suivi gynécologique de première ligne
• Un suivi obstétrical quel que soit le terme de la grossesse.
• Une prise en charge psychologique
• Un soutien social
• Une prise en charge des mutilations génitales féminines.
Qui est suivie dans ce service ?
• Femmes enceintes migrantes rencontrant une difficulté sociale particulière :
- Absence de prise en charge sociale
- Situation irrégulière
- Absence de logement
• Mineures enceintes
• Femmes enceintes avec problématiques addictives complexes et/ou avec pathologies psychiatriques.
• Femmes enceintes avec antécédents de pathologie du lien mère/bébé
• Femmes enceintes désirant accoucher dans le secret
• Femmes enceintes incarcérées
• Femmes en situation de violence intrafamiliale, victimes de violences sexuelles.
-Rencontres
En 2023, 15 % des patientes ayant accouché à la maternité du CHU de Nantes avaient été suivies à l'UGOMPS. Cela représente au total 640 patientes sur les 885 suivies dans le service.
Le service s'adapte et met à disposition des traducteurs et des traductrices lors des consultations, que ce soit physiquement ou par appel téléphonique. Le suivi est adapté aux patientes, en prenant en compte la complexité de chacune des situations rencontrées.
L'une des statistiques majeures à prendre en compte est le nombre de patientes qui ont subi des violences au cours de leur vie : 747 sur 885, soit 84 % des patientes suivies. Des psychologues sont disponibles dans le service pour un suivi uniquement pendant leurs grossesses. Beaucoup de patientes immigrées ont quitté leur pays, coincées dans des mariages arrangés, rythmés par des violences psychologiques, physiques et sexuelles. Les trajets migratoires sont, eux aussi, de véritables épreuves aux nombreuses violences (les viols sont très fréquents au cours du parcours migratoire). L'arrivée en France est aussi douloureuse avec souvent une précarité alimentaire et liée au logement. Après avoir parfois passé plusieurs jours dans l'eau pendant les traversées, elles arrivent en France sans avoir d'autre choix que de vivre dans la rue.
Ces vécus laissent des marques indélébiles.
C'est en effet, plus de la moitié des patientes suivies qui sont sans domicile fixe. Même si le service est en contact avec le 115 ou d'autres associations, beaucoup continuent de dormir dans la rue, enceintes, subissant une nouvelle fois des violences.

La filière MSF - mutilations sexuelles féminines
Le service de l'UGOMPS propose également un suivi médical et psychologique pour les femmes ayant subi des excisions. Une réunion d'information a lieu tous les mois afin d'orienter ces femmes selon leurs besoins. Certaines peuvent même bénéficier d'une opération chirurgicale, réalisée par la Dre Solène vigoureux, gynécologue-obstétricienne au CHU de Nantes.
En 2023, c'est 71 patientes qui ont pu participer à ce dispositif et environ 2 à 3 opérations par mois réalisées.
Pour plus d'information consultez cette page du site du CHU de Nantes
https://www.chu-nantes.fr/reunions-d-informations-prise-en-charge-des-patientessouffrant-de-mutilations-sexuelles-feminines.
- Rencontres
Être médecin généraliste à l'UGOMPS
Rencontre avec deux médecins du service :
• Dre PETRY-MAZEL Anne Elisabeth, Médecin Généraliste
• Dre MESNARD Lucie, Médecin Généraliste
Comment es-tu arrivée dans le service de l'UGOMPS ?
Anne-Elisabeth. - Et bien… J'ai fait une candidature spontanée ! Je ne suis pas de Nantes. Je viens de Normandie. J'ai fait mon externat à Rouen, mon internat à Paris et le début de ma carrière à Paris. En quittant Paris, j'ai cherché du travail sur Nantes et je suis tombée sur une annonce sur internet et je me suis dit : c'est formidable ! J'ai trop envie de bosser là-dedans ! Ça collait avec mon parcours et j'aime beaucoup le côté pluridisciplinaire.
Lucie. - Parce que je cherchais à travailler dans un service de gynécologie ! Qu'il y avait des besoins dans le service de l'UGOMPS ! J'ai toujours eu une appétence pour les situations sociales. Je venais un peu de la PMI de la ville de Nantes et ça me permettait d'avoir une continuité dans ce que je faisais avant !
J'étais externe à Nantes, je savais que ce service existait. Après par le biais de mon parcours dans le social surtout dans la petite enfance, j'ai rencontré certaines femmes qui avaient été suivies à l'UGOMPS. Et après, ça faisait partie de ma fiche de poste à l'embauche ! J'avais alors un mélange entre gynéco, obstétrique, je pouvais travailler avec les sages-femmes et la suite de couche !
Quel est ton parcours avant l'UGOMPS ?
Anne Elisabeth. - J'ai fait un internat de Médecine Générale où j'ai fait très tôt des stages qui m'ont fait découvrir la périnatalité et la vulnérabilité. J'ai fait un semestre en SASPAS dans un Centre de Santé dans le 93 avec une médecin généraliste super ! Elle avait un exercice très orienté pédiatrie, gynéco et IVG. Et une des gynéco de ce centre là était adorable, hyper militante et m'a appris un peu tout ce que je sais, enfin une grosse partie. Puis je me suis retrouvée à faire un DU (Diplôme Universitaire) d'IVG et de régulation des naissances. Il fallait faire un stage. Je l'ai fait à Avicenne, un hôpital dans le 93, où bossait encore la gynéco en question. Et puis ce qui était un stage de 5 jours s'est transformé en boulot. Voilà !
Lucie. - À la base, j'ai fait un internat de Médecine Générale. J'avais beaucoup hésité au moment des choix… Ce qui m'a motivé c'est qu'avec la Médecine Générale je pouvais faire quelque chose de plus global, j'avais peur de m'embêter en ne faisant que de la gynécologie… Je pouvais continuer de voir des enfants, des hommes, des personnes âgées… Finalement, je me suis rendue compte que j'aimais beaucoup la gynécologie, que si je voulais en faire beaucoup c'était au détriment des autres patients ! J'ai donc fait des DU en rapport avec la gynécologie pour avoir ce type de poste : gynécologie pour médecin généraliste, colposcopie/pathologies vulvo-vaginales et approfondissement de la Gynécologie Médicale. Et cette année, je vais faire un DU d'échographie de Gynécologie Médicale/infertilité/ endométriose ! Notamment pour mon autre poste aux UGO (Urgences Gynécologiques et Obstétriques).
- Rencontres
Est-ce que tu avais peur de travailler dans un service comme l'UGOMPS ?
Anne Elisabeth. - Ah pas du tout ! Je n'avais pas peur. Après, je pensais avoir le cuir épais parce que j'ai été médecin en prison… Avant que le poste de l'UGOMPS à Nantes ne soit disponible, j'ai fait de la PMI et j'allais ausculter les bébés des mamans incarcérées. Je pensais avoir vu pas mal de choses mais ici, c'est quand même un cap supplémentaire !

Parle-moi de ton expérience dans le service
Anne Elisabeth. - Ici, je bosse à 40 %. On m'avait proposé plus et pour plein de raisons j'ai dis non. Je suis très contente d'avoir dit non car c'est un service qui fatigue beaucoup. Je suis là le mardi et le jeudi. Il y a un staff le mardi et j'ai aussi des consultations. J'ai aussi du temps sans consultation car oui, c'est important d'échanger sur les dossiers. Donc il y a beaucoup de travail administratif : il faut aimer téléphoner ! [rire]
Et il faut aussi avoir beaucoup travaillé sur sa pratique : je me revois jeune professionnelle où j'étais vite agacée par la barrière de la langue. J'étais frustrée car la médecine c'est beaucoup de la parole et de l'anamnèse, je voulais échanger ! Maintenant ça ne me pose plus aucun problème, comme quoi, on chemine sur sa pratique ! Il faut accepter le recours à l'interprétariat, que ça prend du temps, que les patientes ont une temporalité différente, des fois elles sont en retard… Elles ne font pas les trucs… Il faut accepter toutes les particularités d'un public vulnérable !
Lucie. - Je suis là 1 jour par semaine. C'est relativement furtif, j'ai une file active d'une dizaine de patientes environ que je suis tous les mois. J'assiste aussi au staff, comme je suis là depuis 6 mois, ça me permet de voir comment les autres mettent en place les soins, leurs signaux d'alerte, de parler des situations difficiles… De partager ! Ce qu'il faut savoir, c'est que par rapport à d'autres services dans lesquels j'avais travaillé, j'ai quand même trouvé qu'il y avait beaucoup de soutien. On n'est pas seule : suivi avec psychologue, rendez-vous avec l'assistante sociale Aurélia, lien avec la suite de couche ! Tout est assez facile pour travailler en équipe sur des situations qui sont quand même assez complexes ! C'est agréable !

Qu'est-ce que ton travail à l'UGOMPS t'apporte ?
Anne Elisabeth. - Ça répond à mes angoisses qui sont : qu'est-ce que nous faisons sur Terre ?! Et il y a un truc très narcissique je pense. Je suis quelqu'un qui doute beaucoup et ça me permet de trouver une utilité. Je sublime mes angoisses en travaillant ici clairement !
Lucie. - Une salle de pause ! [rire] Du café ! Des gens chouettes ! Enfin ce n'est qu'à moitié faux ce que je raconte ! C'est un service dans lequel on se sent vite très bien accueillie ! Dès que je suis à l'hôpital, je viens à l'UGOMPS. On fait partie d'une petite équipe avec des personnes gentilles et c'est assez agréable ! Après oui, ça m'aide dans mon quotidien car j'ai du réseau : d'ordre obstétrical, gynécologique et social !

Une histoire que tu aimerais partager ?
Lucie. - Je réfléchis… Il y a l'histoire de Madame M. que je suis depuis quelques mois… C'est un dossier compliqué encore une fois ! Une dame enceinte de sa deuxième grossesse avec une déficience intellectuelle, qui vit dans la rue et met en échec toutes les prises en charge, même au niveau du logement. C'est une histoire qui me fait de la peine car c'est une patiente qui aime être enceinte mais son enfant, on ne pourra pas le lui laisser… Et euh… C'est toujours difficile, on va sûrement lui rajouter un traumatisme à cette femme qui a déjà un vécu traumatique important ! Mais finalement, on le fait pour le bien de cet enfant, pour le mettre en sécurité lui. Et ce qui est encore plus difficile c'est que pour la mettre en sécurité elle, on n'a pas de clefs ! Et encore une fois, heureusement qu'on travaille en équipe. On se retrouve une fois par mois lors d'ADP (Ateliers D'aide à la Pratique) et ça nous aide pour parler de dossier comme celui-ci.
Pourquoi ici et pas en libéral ?
Anne Elisabeth. - Moi le libéral, pour le coup… Je n'ai pas beaucoup été confrontée en dehors de mon SASPAS qui était sur deux sites : celui du centre de santé qui était super mais qui était couplé avec un terrain de stage catastrophique. Un médecin libéral qui ne suivait pas toujours les recommandations, disons-le : seul dans son cab' à faire passer des cartes vitales à gogo et vraiment cette vision du libéral m'a repoussée. J'ai donc fait un rejet du libéral. Et aussi le côté comptable… Quand de lourds récits nous sont livrés et qu'à la fin on dit : voilà merci, ça fera 26 euros 50 ! Je ne peux pas dans mon fonctionnement. Même si tout travail mérite salaire, l'acte de paiement individuel n'est pour moi pas possible.
Lucie. - Le travail en équipe ! C'est ce que je suis venue chercher ici au CHU ! La population aussi, l'accès aux soins de l'hôpital public m'a toujours plu ! C'est aussi très formateur de travailler au CHU : on voit des situations complexes, on travaille avec pleins d'autres corps de santé, on apprend énormément ! C'est facile de décrocher son DECT, d'envoyer un mail pour avoir un avis ! On voit des situations complexes mais on est encadré ! Et le travail d'équipe !

-Rencontres
Un message que tu aimerais faire passer à travers cet article ?
Anne Elisabeth. - “Prenez soin de vous et de votre santé mentale ! On ne nous l'apprend pas assez et on ne vous l'apprend pas assez ! Et clairement, on est notre outil de travail, on ne peut pas soigner si on ne va pas bien. Il faut faire l'économie de s'écouter et d'avoir un accompagnement psychique et pas juste avoir un espace de soutien avec des potes et sa famille. C'est important d'avoir un espace de supervision et de comprendre pourquoi on fait notre métier. Il en est de même pour la vulnérabilité, on n'a pas une appétence pour ça naturellement alors j'encourage vraiment à prendre soin de soi, à normaliser le recours à un soin psychique ! C'est crucial !
Il faut aussi reconnaître ses limites ! Le temps partiel, c'est la vie ! Certes ça dépend du type de médecine mais des médecines moralement très prenantes comme celles-ci, les urgences, … Je conseille vraiment de faire autre chose à côté !
Lucie. - Venez au CHU, c'est chouette ! On met pleins de choses en place pour les internes de Médecine Générale : des cours, de la supervision, de l'humain, des consultations… !
Le stage à l'UGOMPS n'a pas été proposé aux internes de Médecine Générale lors du choix de stage de novembre 2024. En cause, la nouvelle maquette du DES de Médecine Générale avec les questions des besoins de services et de formations. Cela dans un climat de précipitation d'une réforme non aboutie. Qu'en sera-t-il de la quatrième année ?
À noter : Une demande est en cours afin que ce terrain de stage soit éligible comme stage libre, et de nombreux aménagements sont en cours de réflexion au sein de la maternité pour un meilleur accueil des étudiants et étudiantes !
Lien internet du service
https://www.chu-nantes.fr/unite-de-gynecologie-obstetrique-medico-psycho-sociale-ugomps
Rédigé par
Lou MERZAUX