Actualités : Maladie de Parkinson et prise en charge en orthophonie

Publié le 11 avr. 2025 à 12:35
Article paru dans la revue « AJMER / AJMERAMA » / AJMER N°8

La maladie de Parkinson est principalement causée par la destruction de certains neurones dopaminergiques dans une région du cerveau indispensable au contrôle des mouvements, la voie nigro-striatale. Elle affecte les membres supérieurs et inférieurs mais également la face et la sphère oro-pharyngée  : en effet, jusqu'à 90  % des patients atteints de la maladie de Parkinson souffrent de troubles de la parole et de la voix. Cependant, en 2012, dans une large cohorte de 1835  patients, seuls 15,4  % étaient pris en charge en orthophonie (1). La prise en charge orthophonique est donc indispensable pour améliorer les symptômes et la qualité de vie des patients, d'autant plus que ces troubles sont des facteurs d'isolement social. Cet article a pour but de vous indiquer quels signes cliniques sont à rechercher, et de vous donner quelques pistes de prise en charge.

Troubles de la parole (dysarthrie) et de la voix (dysphonie) 

Les différents signes cliniques à rechercher sont  :

• La dysarthrie hypokinétique, qui se caractérise par  :

• L'hypophonie ;

• Les troubles du rythme (accélérations irrégulières) et du débit de la parole ;

• Une modification du timbre de la voix (qui devient voilée, éraillée, rauque), de la hauteur de la voix (qui devient souvent plus aiguë du fait d'une rigidité des cordes vocales), et de l'intensité de la voix ; ú Une voix monotone, en lien avec une atteinte de la prosodie ;
• Des palilalies (bégaiement), en lien avec le défaut d'initiation causé par l'akinésie. En pratique, voici quelques principes de la prise en charge orthophonique des troubles de la parole et de la voix  :

• Dans un premier temps, rééduquer la boucle sensorimotrice, car les patients atteints de la maladie de Parkinson ont un défaut de feedback et n'ont pas forcément conscience de leur trouble ! Par exemple pour l'hypophonie, on peut utiliser une application sur smartphone qui indique la hauteur et le volume (en décibels) de la voix. Pour les troubles du rythme, on peut travailler avec un métronome ou un pacing board.

• Les exercices d'émission permettent d'optimiser le fonctionnement laryngé et ainsi améliorer le timbre, la prosodie, le volume et la hauteur (attention, on parle bien ici de parole et pas de langage ! Le langage correspond à l'accès lexical, à la construction des phrases, etc. et se rapporte donc à une aphasie dans ce cas). Par exemple, le Lee Silverman voice treatment (LSVT) loud - qui est le programme de référence - est un programme américain intensif pratiqué sur 4 semaines renouvelées par sessions et reposant sur l'amplification de la voix («  Penser fort, parler fort  »). Pour trouver un praticien certifié LSVT loud, vous pouvez chercher sur le site internet officiel  : https://www.lsvtglobal.com/ LSVTFindClinicians. À noter qu'il existe des contreindications à cette pratique, notamment le forçage vocal, compliqué ou non d'une atteinte organique (type nodule des cordes vocales). L'entraînement à la relaxation des cordes vocales  prévient le forçage vocal et la fatigue. De cette façon, le patient peut utiliser pleinement sa voix, ce qui améliore la parole dans la maladie de Parkinson.

• Les exercices de respiration stimulent et font prendre conscience du cycle respiratoire de la phonation.

• Les exercices d'articulation (précision, amplitude…) visent à rééduquer la production des phonèmes et à réduire la perte de tonicité qui affecte la parole dans la maladie de Parkinson. De cette façon, nous améliorons la prononciation et, par conséquent, la communication du patient avec les autres.

• Les conseils d'hygiène vocale, notamment s'hydrater suffisamment pour éviter une sécheresse buccale et oro-pharyngée. D'autant plus que les médicaments de la maladie de Parkinson, par exemple la Levodopa, ont pour effet secondaire la sécheresse buccale.

Troubles de la déglutition (dysphagie)

Ils concernent 50  à 80  % des patients parkinsoniens, principalement les patients aux stades avancés, mais certaines dysphagies peuvent apparaître de manière précoce.  Malgré leur importante prévalence, ils sont rarement évoqués spontanément par les patients. Ils sont de deux types, salivaire ou alimentaire.

•  Salivaire  : Nous pouvons retrouver une stase salivaire du fait de la réduction des mouvements automatiques chez les patients atteints de la maladie de Parkinson, se traduisant par une diminution de la fréquence des déglutitions salivaires au cours de la journée. Il s'agit parfois des mêmes patients qui présentent une hyposialie mentionnée ci-dessus, avec une alternance d'absence de salive puis d'une stase salivaire. Il ne s'agit donc pas d'une hypersalivation à proprement parler. Le traitement repose sur l'instauration de protocoles de gestion de la salive  : recenser les heures de bavages, prévoir des périodes de rééducation avec une application qui émet un signal sonore toutes les 2 minutes pour se rappeler d'avaler sa salive, coller des gommettes à des endroits stratégiques du domicile et avaler sa salive quand on les voit…

• Alimentaire : Le traitement est identique à une prise en charge classique des troubles de la déglutition alimentaire. Il faut d'abord recueillir les textures problématiques (aliments secs, avec miettes…), puis essayer différentes textures en séance d'orthophonie, voire observer un repas pour évaluer la déglutition en situation plus écologique. Une fois les textures problématiques identifiées, celles-ci peuvent être adaptées dans l'alimentation, qui peut par ailleurs être enrichie également afin d'éviter la dénutrition dans cette population de patients souvent âgés. L'environnement peut être adapté, en favorisant une bonne installation et évitant les distractions. Certaines manœuvres peuvent être proposées  : positionner la tête en avant ou sur le côté, rajouter volontairement de la force dans sa déglutition, déglutir en deux temps... Les soins de bouche sont primordiaux (hydratation suffisante, gel buccal, salive artificielle).

• Une orientation auprès de nos confrères ORL peut s'avérer utile, notamment pour réaliser une nasofibroscopie ou une vidéoradioscopie de la déglutition, afin d'objectiver les troubles présentés par le patient.

• Diminution de l'odorat, ainsi qu'une diminution du goût dont 60 % est en lien avec l'odorat : il s'agit souvent d'un des premiers symptômes et elle peut être un signe d'alerte. Le lien avec une diététicienne peut être intéressant, afin de favoriser la sapidité des aliments, enrichir ou complémenter, ou lorsque la question d'une nutrition artificielle se pose.

Expression faciale (hypomimie)

Il s'agit rarement d'un objectif prioritaire pour le patient, pourtant cela peut avoir un impact social important.

Le traitement consiste initialement à se rendre compte de l'hypomimie, notamment avec des supports de travail sur les émotions, ou en s'exerçant devant un miroir. Puis le thérapeute peut travailler par thérapie myofonctionnelle (qui a pour but de corriger les  dysfonctions orofaciales  pouvant interférer avec la production de la parole et avec la structure des dents et des relations maxillaires, et de préserver le tonus des muscles faciaux).

Problèmes d'écriture (dysgraphie, micrographie)

L'écriture est fréquemment altérée du fait de la rigidité et de l'akinésie présentées par les patients. La dysgraphie parkinsonienne peut être le premier signe d'installation de la maladie. 

Ils peuvent être travaillés en orthophonie ou en ergothérapie. La prise en charge vise à redonner de l'amplitude, de la régularité et de la rapidité à l'écriture.  L'idée est d'accentuer le geste, par exemple en écrivant le plus grand possible, en repassant sur des lignes déjà écrites, etc.

Troubles cognitifs

Dans la maladie de Parkinson, les atteintes cognitives concernent essentiellement les troubles dysexécutifs (l'attention, la mémoire…) et l'organisation visuospatiale. La prise en charge est transversale, avec les ergothérapeutes et les neuropsychologues.

On peut retrouver aussi des troubles du langage, avec un manque du mot notamment, qui peut être exacerbé en cas de fatigue ou de travail en double tâche. Il peut exister un défaut d'accès lexical et un ralentissement du traitement de l'information en général.

Des exercices de fluence (lexiques de noms, de verbes, fluences alphabétiques), de double tâche, de compréhension complexe seront proposés, en lien avec le quotidien du patient. La remise en ordre de textes, le récit oral ou écrit d'un article lu ou entendu vont permettre au patient d'ordonner ses idées, de saisir et d'exprimer les inférences, d'analyser l'implicite.

Prise en charge 

La rééducation orthophonique est utile à tous les stades de la maladie, et doit être introduite le plus précocement possible, si possible par des sessions courtes et intensives.

On peut faire la distinction entre la prise en charge orthophonique en structure sanitaire ou médico-sociale, et la prise en charge en libéral. En structure, certains aspects ne seront pas travaillés par les orthophonistes, notamment le graphisme qui sera plutôt vu en ergothérapie, ou les aspects cognitifs qui seront travaillés en ergothérapie ou en neuropsychologie. La multidisciplinarité est une fois de plus la clé de nos prises en charge.

Les orthophonistes interviennent sur prescription médicale. Les soins sont remboursés à 100 % par la Sécurité sociale dans le cadre de l'affection de longue durée (ALD 16 Parkinson), à la hauteur de 50 séances, renouvelables une fois.

Le libellé de l'ordonnance doit être celui-ci : «  Bilan orthophonique et rééducation si nécessaire  », et préciser le contexte de la prise en charge (par exemple  : «  Dans le cadre d'une maladie de Parkinson, avec micrographie  »). Au bout de 100 séances, on peut prescrire un bilan de renouvellement sur une nouvelle ordonnance de la même façon. 

Si possible, il est important de proposer aux patients des prises en charge en groupe, qui peuvent aider à se rendre compte de ses propres troubles, mais aussi à lutter contre l'isolement social qui est fréquent chez les patients atteints de maladie de Parkinson. Il existe des initiatives locales, telles que les «  Cafés voix Parkinson  » organisées par des orthophonistes, où les patients échangent entre eux tout en travaillant sur l'amplitude et l'intensité de leur voix.

Un grand merci à Noémie NIVERT, orthophoniste au centre de rééducation de Lay-Saint-Christophe, pour son aide précieuse dans l'écriture de cet article  !

Dr Emma PETITJEANS

Références

1. Hassan A, Wu SS, Schmidt P, Malaty IA, Dai YF, Miyasaki JM, et al. What are the issues facing Parkinson's disease patients at ten years of disease and beyond?: Data from the NPF-QII study. Parkinsonism & Related Disorders. 1 déc 2012;18:S10-4

• Gentil C, Esnault AL, Danaila T, Broussolle E, Thobois S. L'intervention orthophonique dans la maladie de Parkinson. Pratique Neurologique - FMC. 1 déc 2016;7(4):256-65.

• Guide du parcours de soin de la HAS – Maladie de Parkinson (https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/ pdf/2012-04/guide_parcours_de_soins_parkinson.pdf)

• https://www.franceparkinson.fr/agir-sur-la-maladie/traitements-non-medicamenteux/reeducation/

• https://neuronup.fr/actualites-de-la-stimulation-cognitive/maladies-neurodegeneratives/parkinson/orthophonie-ettroubles-du-langage-dans-la-maladie-de-parkinson/amp

 

Publié le 11 avr. 2025 à 12:35