
Introduction
Les urgences ophtalmologiques représentent une part non négligeable des consultations en libéral et à l'hôpital, notamment aux urgences générales. Certaines urgences oculaires nécessitent une prise en charge immédiate afin d'éviter des séquelles visuelles définitives et irréversibles. L'évaluation initiale est fondamentale, l'identification des signes de gravité et l'orientation appropriée peut conditionner la récupération visuelle.
Découvrez dans cet article, les principales urgences ophtalmologiques, les plus fréquentes et les plus graves, les signes d'alerte et la conduite à tenir.
1. Glaucome aigu par fermeture de l'angle
Le glaucome aigu est une urgence absolue car il peut entraîner la cécité de l'œil atteint en quelques heures.
Tableau clinique typique :
• Baisse brutale de la vision.
• Douleur insupportable d'un seul œil irradiant vers la tête.
• Rougeur importante d'un seul œil.
• Œil très dur et très douloureux.
• Céphalées, nausées, vomissements.
• Halos autour des lumières.
• Pupille dilatée et peu réactive.
• Patient très hypermétrope, prise de médicament (anticholinergique, sympathomimétique).
Conduite à tenir :
Hospitalisation en urgence à l'hôpital dans un service d'ophtalmologie.
Perfusion d'hypotonisants type acétazolamide pour baisser la pression oculaire.
Iridotomie laser.
2. Endophtalmie post-opératoire
Toute rougeur oculaire après une opération de l'œil ou une injection de l'œil doit faire consulter un ophtalmologue.
L'endophtalmie est une des complications les plus graves de l'opération de la cataracte ou des injections intravitréennes.
Tableau clinique typique :
Œil rouge et douloureux dans les jours ou semaines suivant une chirurgie ou une injection.
Baisse rapide et marquée de l'acuité visuelle.
Douleur profonde, parfois associée à un œdème palpébral et une photophobie.
Conduite à tenir :
• Hospitalisation en urgence à l'hôpital dans un service d'ophtalmologie.
•Ponction de chambre antérieure pour envoi en analyse microbiologique.
•Perfusion d'antibiotiques.

3. Abcès de cornée sous lentilles de contact
Toute rougeur oculaire chez un porteur de lentille doit faire consulter un ophtalmologue.
Tableau clinique typique :
• Baisse de la vision variable.
• Douleur d'un seul œil
• Rougeur d'un seul œil
• Photophobie, intolérance à la lumière, éblouissement, larmoiement
• Ulcère de cornée au test à la fluorescéine, point blanc visible sur la cornée.
Conduite à tenir :
• Consultation en urgence en libéral dans un cabinet d'ophtalmologie.
• Contre-indication absolue aux collyres corticoïdes.
• Instillation de plusieurs collyres antibiotiques toutes les heures.
• Contrôle ophtalmologique toutes les 48 heures.
• Arrêt du port de lentilles, envoi des lentilles en analyse microbiologique.
4. Décollement de rétine
Le décollement de rétine est une urgence chirurgicale. Une prise en charge rapide, avant le décollement de la macula, améliore significativement le pronostic visuel.
Tableau clinique typique :
• Myodésopsies (corps flottants ou mouches volantes)
• Phosphènes (flashs ou éclairs lumineux)
• Amputation du champ visuel (rideau sur le côté ou volet qui descend)
• Baisse d'acuité visuelle (si la macula est décollée).
Conduite à tenir :
• Consultation en urgence en libéral dans un cabinet d'ophtalmologie.
• Opération dans les heures ou jours qui suivent avant le décollement de la macula.
5. Occlusion de l'artère centrale de la rétine (OACR)
L'OACR est une véritable urgence neuro-ophtalmologique, comparable à un AVC de l'œil, engageant le pronostic visuel et vital, en raison du risque d'AVC cérébral en plus de l'AVC oculaire.
Tableau clinique typique :
• Perte de la vision d'un œil, unilatérale, brutale, totale, indolore.
• Le patient ne perçoit parfois plus que la lumière ou les mouvements.
Conduite à tenir :
• Hospitalisation en urgence à l'hôpital dans un service de neurologie aux urgences neurovasculaires.
• Les chances de récupération sont très limitées au-delà de 90 minutes.
6. Traumatisme oculaire
Les traumatismes oculaires nécessitent une évaluation rapide et systématique pour écarter une atteinte profonde.
Situations critiques :
• Plaie pénétrante de l'œil : l'œil est ouvert, perforé, parfois déformé, avec fuite de contenu de l'œil.
• Corps étranger à l'intérieur de l'œil : en cas de traumatisme par projectile ou matériau à haute vélocité.
• Brûlure chimique : urgence où chaque minute compte.
Conduite à tenir :
• Plaie ou corps étranger intra-oculaire : Hospitalisation en urgence à l'hôpital dans un service d'ophtalmologie. Opération le jour même ou le lendemain.
• Brûlure chimique : laver et rincer l'œil immédiatement et abondamment pendant au moins 30 minutes. Puis consultation en urgence en libéral dans un cabinet d'ophtalmologie même en l'absence de douleur.
7. Urgences ophtalmologiques relatives
Certaines pathologies oculaires justifient une consultation rapide mais ne menacent pas immédiatement la vision :
• Chalazion : tuméfaction palpébrale douloureuse ou indolore, sans signe de gravité.
• Conjonctivite : œil rouge, larmoiement, sécrétions purulentes.
• Corps étranger : douleur à la mobilisation palpébrale, gêne oculaire sans baisse visuelle majeure.
Ces urgences ophtalmologiques relatives peuvent être prises en charge par le médecin généraliste, avec une orientation ophtalmologique différée en l'absence de réponse au traitement.
Signes d'alerte nécessitant et justifiant une consultation ophtalmologique en urgence
Le médecin généraliste doit adresser en urgence à l'ophtalmologiste tout patient présentant :
• Une baisse brutale de l'acuité visuelle.
• Une douleur importante d'un œil.
• Une rougeur persistante d'un œil.
• Une intolérance à la lumière.
• Un œdème avec érythème de la paupière.
• Une diplopie brutale.
• Une mydriase ou une anomalie pupillaire.
• Un traumatisme oculaire avec suspicion de lésion profonde.
• Une opération de l'œil ou une injection de l'œil récente.
• Un porteur de lentilles, un myope fort, un hypermétrope fort.
Au moindre doute, il est toujours préférable de référer rapidement le patient à un ophtalmologiste, certaines urgences ayant un pronostic visuel qui se joue en quelques heures.
Conclusion
Les urgences ophtalmologiques nécessitent une reconnaissance rapide et une orientation efficace. Si la plupart des plaintes oculaires sont bénignes, les situations engageant le pronostic visuel voire vital ne doivent pas être méconnues.
En cas d'incertitude diagnostique, la prudence reste la meilleure stratégie : une orientation précoce permet souvent de sauver la fonction visuelle et d'éviter des séquelles visuelles définitives et irréversibles.
Docteur Marie HAMY,
Ophtalmologiste

