
Le myélome multiple est une hémopathie maligne caractérisée par la prolifération de plasmocytes tumoraux clonaux envahissant la moelle hématopoïétique et produisant le plus souvent une immunoglobuline monoclonale détectable dans le sang et dans les urines. Il peut être précédé par un état « prémyélomateux » que l'on appelle « gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS) » et un état « indolent » que l'on appelle « myélome indolent », ou d'autres présentations plus rares telles que les plasmocytomes. Le taux de transformation d’une MGUS vers une maladie maligne est d’environ 1 % par an et nécessite par conséquent une surveillance à vie.
Le myélome multiple représente environ 1 % des cancers et entre 10 à 15 % des hémopathies malignes.
C’est une pathologie qui concerne les gériatres car elle touche le plus souvent le sujet âgé (l’âge médian au diagnostic est de 73 ans). Elle peut se présenter et/ou se compliquer de multiples façons avec notamment des atteintes osseuses, neurologiques, infectieuses, rénales ou des cytopénies. Le diagnostic repose sur la mise en évidence des plasmocytes anormaux en excès (> 10 %) sur un prélèvement médullaire.
Le myélome ne se guérit pas mais les thérapeutiques du myélome ont considérablement progressé ces 20 dernières années. La première avancée majeure, depuis l'introduction du MELPHALAN, a été l'avènement du THALIDOMIDE dans les années 2000. Depuis le début des années 2010, le traitement a pris encore de l’ampleur avec le développement des nouvelles générations et des nouvelles classes de médicaments.
Il existe plusieurs schémas de traitement en fonction du risque et du pronostic. Ce dernier est évalué en fonction de score comprenant les marqueurs intrinsèques liés à la cellule tumorale (ß2 microglobuline et LDH élevées). De plus, et surtout, les anomalies cytogénétiques des plasmocytes sont prises en compte dans l’orientation thérapeutique (comme la délétion 17p ou la translocation t [4;14]). Sur le plan pronostique, le score ISS (New international Staging System) [1] différencie ainsi 3 groupes :
Stades Critères Survie médiane I ß2 microglobuline sérique < 3.5 mg/L et Albuminémie > 35 g/L 62 mois II ß2 microglobuline sérique < 3.5 mg/L et Albuminémie < 35 g/Lou ß2 microglobuline sérique entre 3,5 et 5,5 mg/L quelque soit le dosage de l’albuminémie 44 mois III ß2 microglobuline sérique > 5.5 mg/L 29 mois
Le pronostic est également et surtout déterminé par l’état général des patients. C’est pourquoi nos patients âgés nécessitent une évaluation gériatrique avant la mise en route d’un éventuel traitement.
Les indications de traitement
Les gammapathies monoclonales de signification indéterminées et les myélomes indolents nécessitent une surveillance, sans indication thérapeutique propre à ces stades.
Il existe une indication de traitement pour les patients diagnostiqués de myélome et qui sont :
- Symptomatiques selon les critères CRAB.
- Asymptomatiques à haut risque.
Critères CRAB :
- Calcémie > 2,75 mmol/L ou à plus de 0,25 mmol/L supérieure à la limite haute des valeurs de référence.
- Insuffisance Rénale : DFG mesuré ou estimé (MDRD, CKD-EPI) < 40 mL/min ou diminution de plus de 40 % de la limite inférieure (Attribuable au myélome, hors néphropathie diabétique, toxique).
- Anémie : Hémoglobine < 10 g/dL ou baisse de plus de 2 g/dl par rapport à la limite basse des valeurs de référence (attribuable au myélome).
- Lésion osseuse « Bone » : lésions ostéolytiques ≥ 5 mm ou tassement vertébral attribuable à la pathologie plasmocytaire, mis en évidence sur un scanner, IRM, PET-Scan, scanner corps entier basse dose.
Objectifs chez nos patients âgés fragiles
Pour nos patients plus fragiles, l'objectif reste d'obtenir la meilleure réponse possible - mais pas forcément jusqu'à la maladie résiduelle négative - et sans recours à une intensification thérapeutique car trop dangereuse (détaillée plus bas). Il s'agit donc de trouver un équilibre entre obtenir la meilleure réponse et maintenir une bonne qualité de vie. La réponse au traitement est évaluée selon les critères IMWG [2], grâce à une électrophorèse des protéines plasmatiques et urinaires, en fonction de la quantification du composant monoclonal dans le plasma ou les urines ou le dosage des chaînes légères.
Développement de plusieurs molécules et classes disponibles
De nos jours, le THALIDOMIDE n’est presque plus utilisé dans le myélome.
Le traitement classique pour les personnes de moins de 70 ans en bon état général comprend des cures de chimiothérapies intensives associées à une autogreffe. L‘autogreffe consiste en la réinjection de cellules souches hématopoïétiques après une chimiothérapie d'induction intensive (le MELPHALAN).
Ce qu’il est important de comprendre, c’est que l’autogreffe permet au patient de sortir d’aplasie plus rapidement après la chimiothérapie intensive, sans laquelle le patient plongerait dans une aplasie prolongée fatale.
Malgré l’aplasie écourtée par l’autogreffe, la chimiothérapie intensive provoque tout de même de nombreuses complications infectieuses.
C’est la raison pour laquelle l’intensification n’est généralement pas proposés aux sujets âgés et fragiles, au profit d’une chimiothérapie seule.
Les patients âgés non éligibles à une autogreffe étaient traités jusqu’à récemment par le classique schéma VMP (VELCADE, MELPHALAN et PREDNISONE). Depuis, de nouvelles molécules sont apparues et on fait la preuve de leur efficacité.
Les inhibiteurs du protéasome
Le BORTEZOMIB (VELCADE) est un inhibiteur du protéasome et une molécule phare du traitement. Il est administré en sous-cutané. L’inconvénient principal chez le sujet âgé est la neuropathie périphérique qui aggrave souvent une neuropathie préexistante (diabétique ou idiopathique). Il est associé à une prophylaxie par VALACICLOVIR pendant toute la durée du traitement devant le risque majeur de réactivation virale.
Autres molécules récentes de la même famille : CARFILZOMIB, IXAZOMIB. Non recommandées en première intention, en cas d’échec du VELCADE et au cas par cas. Des protocoles sont en cours pour en évaluer l’efficacité.
Les immunomodulateurs
Le LENALIDOMIDE (REVLIMID) est la deuxième molécule phare du traitement, c’est un immunomodulateur administré par voie orale. Il agit de plusieurs façons : il bloque le développement des cellules anormales, empêche la croissance des vaisseaux sanguins dans les tumeurs et stimule des cellules spécialisées du système immunitaire pour qu’elles s’attaquent aux cellules tumorales.
Son principal effet secondaire est le risque thrombogène qui incite les hématologues à prescrire un antiagrégant plaquettaire ou une anticoagulation curative en fonction des facteurs de risque thrombogènes identifiés. Comme la plupart des chimiothérapies, le LENALIDOMIDE a aussi une toxicité hématologique avec un risque de neutropénie et de thrombopénie. Il est contre-indiqué quand le taux de polynucléaires neutrophiles devient inférieur à 1G/L et les plaquettes inférieures à 50G/L. Etant essentiellement excrété par le rein, le LENALIDOMIDE sera évité chez les insuffisants rénaux chroniques.
Autres récentes molécules de la classe : POMALIDOMIDE (IMNOVID).
Ces deux premières molécules sont associées à la DEXAMETHASONE entre 10 à 20 mg par prise ; c’est le classique schéma par VRD [3] qui a montré ses preuves avec des doses adaptées pour le sujet âgé.
Les anticorps monoclonaux
LE DARATUMUMAB est un anticorps monoclonal anti-CD38, un récepteur transmembranaire exprimé en grande quantité à la surface des plasmocytes. Il est administré en intraveineux. C’est devenu depuis peu le traitement de référence lors d’une rechute du myélome en association au REVLIMID (ou au VELCADE) et la DEXAMETHASONE [4].
C’est un traitement très bien toléré notamment chez les personnes âgées avec peu de toxicité hématologique et donc un risque infectieux moindre. Son principal effet indésirable est le syndrome de relargage cytokinique et le choc anaphylactique obligeant les patients à être hospitalisés lors de la première administration.
Ainsi, la principale alternative au schéma par VRD en traitement de première intention depuis peu chez les patients non éligibles à l’autogreffe est le schéma par DRD (DARATUMUMAB, REVLIMID, DEXAMETHASONE). Contrairement au traitement par VRD qui est administré pour une durée définie (environ 8 à 12 cycles), le DARATUMAB en association a le désavantage d’être administré au long cours jusqu’à progression de la maladie, engendrant un coût très important.
Autre molécule de la même famille : ISATUXIMAB.
Les agents alkylants
Le MELPHALAN administré depuis plusieurs années fait partie de cette classe et reste la chimiothérapie intensive de choix administrée avant autogreffe.
Le CYCLOPHOSPHAMIDE (ENDOXAN) reste une thérapeutique très utilisée chez les personnes âgées fragiles en association au VELCADE et DEXAMETHASONE (schéma VCD) qui présentent fréquemment une insuffisance rénale chronique (plus facile alors d’utilisation que le REVLIMID). Il est également utilisé en monothérapie en traitement de deuxième ou troisième ligne. Pour autant, il ne fait pas partie des recommandations strictes et des schémas thérapeutiques proposés aux sujets jeunes. Ses deux effets indésirables principaux sont la toxicité hématologique (essentiellement la neutropénie) et la toxicité urinaire (cystite hémorragique) prévenue de manière quasi systématique par un agent cytoprotecteur (MESNA).
Conclusion
De nombreuses nouvelles molécules et de nombreux schémas sont en cours d’étude. Cependant, chez le sujet âgé, la littérature reste moins riche, suggérant la nécessité d’évaluer les traitements dans cette population ciblée. Des molécules semblent prometteuses depuis l’arrivée des anticorps monoclonaux et depuis peu, les inhibiteurs de l'histone désacétylase. Mais ils ne sont pas non plus encore validés chez le sujet âgé fragile [5].
On peut retenir le schéma thérapeutique ci-dessous pour résumer la stratégie thérapeutique chez les patients non éligibles à l’auto-greffe [6].
Claire BRÉMEAU
Interne en gériatrie au CHRU de Lille
[email protected]
Pour l’Association des Jeunes Gériatres
Références
- Greipp PR, Miguel JS, Durie BGM, Crowley JJ, Barlogie B, Bladé J, et al. International Staging System for Multiple Myeloma. J Clin Oncol. 2005 May 20;23(15):3412–20.
- Kyle RA, Rajkumar SV. Criteria for diagnosis, staging, risk stratification and response assessment of multiple myeloma. Leukemia. 2009 Jan;23(1):3–9.
- Durie BGM, Hoering A, Abidi MH, Rajkumar SV, Epstein J, Kahanic SP, et al. Bortezomib with lenalidomide and dexamethasone versus lenalidomide and dexamethasone alone in patients with newly diagnosed myeloma without intent for immediate autologous stem-cell transplant (SWOG S0777): a randomised, open-label, phase 3 trial. Lancet Lond Engl. 2017 Feb 4;389(10068):519–27.
- Facon T, Kumar S, Plesner T, Orlowski RZ, Moreau P, Bahlis N, et al. Daratumumab plus Lenalidomide and Dexamethasone for Untreated Myeloma. N Engl J Med. 2019 May 30;380(22):2104–15.
- Paola Frisone. How to treat elderly patients with multiple myeloma in 2020? [Internet]. [cited 2021 Mar 14]. Available from: https://multiplemyelomahub.com/medical-information/how-to-treat-elderly-patients-with-multiple-myeloma-in-2020
- Rajkumar SV, Kumar S. Multiple myeloma current treatment algorithms. Blood Cancer J. 2020 Sep 28;10(9):1–10.
Article paru dans la revue “La Gazette du Jeune Gériatre” / AJG N°26

