Actualités : Les experiences pedagogiques

Publié le 27 mai 2022 à 10:57

Expérience d’elaboration du concours d’entrée de l’IFMK du CHU de Bordeaux avec l’université bordeaux 2 dans le cadre de la premiére année commune aux études de santé.
Valérie LOZANO, directrice de l’IFMK du CHU de Bordeaux

L’IFMK du CHU de Bordeaux a élaboré dès 2008 les nouvelles modalités du concours d’entrée en kinésithérapie dans le cadre de la réorganisation de la première année d’études médicales mise en place par l’université Bordeaux 2. Cette expérience nous permet d’avoir déjà deux années de recul pour ce concours, conçu comme une cinquième filière de la PACES.

Nous rapportons ici les réflexions, la démarche de conception du programme spécifique et les critères que nous avons pris en compte pour rechercher des modalités « optimales » de sélection. Nous présentons le contexte contraint par la réglementation et les exigences d’organisation. Nous avons aussi recueilli la perception des étudiants qui avaient été les premiers à suivre ce nouveau programme ce qui nous a permis de réajuster le dispositif.

Ce rapport est destiné à offrir un exemple susceptible de participer à la réflexion concrète pour la réforme de l’année préparatoire au concours d’entrée. En effet, il est indispensable de chercher des modalités de sélection les plus adaptées, pouvant être mises en place avec les universités sans trop de difficultés pratiques. C’est de la pertinence du programme de cette année préalable et de sa mise en oeuvre homogène sur l’ensemble du territoire que dépend la cohérence du parcours de formation ultérieur.

Plus de 20 ans DE conventionnement avec l’université pour le concours
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L’IFMK du CHU de Bordeaux a été, en 1991, parmi les premiers en France à signer une convention avec l’Université pour l’organisation de l’année préparatoire et le concours d’entrée. Le programme était celui de PCEM1 avec un module spécifique et le concours individualisé. Trois autres instituts paramédicaux (ergothérapie, psychomotricité, manipulateurs en électro-radiologie médicale) avaient également une convention avec l’université pour leur concours selon des modalités similaires.

Ce mode de sélection avait eu des retombées favorables sur le niveau des étudiants et sur l’organisation pédagogique des études. En 1ère année de kinésithérapie, l’anatomie descriptive et certains chapitres de la physiologie, déjà acquis, avaient été remplacés par un travail d’anatomie fonctionnelle mis en application précoce. Les volumes horaires gagnés avaient permis de proposer des stages plus nombreux et d’aborder le module de traumatologie du 2ème cycle dès le second semestre de 1ère année.

Le contexte de mise en place du nouveau programme du concours et le choix des unités d’enseignement.
Lorsque l’Université Bordeaux 2 a réalisé la réorganisation des enseignements selon le format prévu par la première année commune aux études de santé (PACES), nous avons été conviés à travailler sur le nouveau programme de notre concours dans ce cadre. Le Doyen et le vice- Doyen de la faculté de médecine nous proposaient de garder le même volume global de 60 ECTS que pour le concours de médecine tout en respectant des filières différenciées. Toutes les unités d’enseignement (UE) du tronc commun étaient retenues à l’exception de l’UE « initiation à la connaissance du médicament ». Il restait à déterminer quelles UE spécifiques nous retiendrions parmi celles proposées aux différentes spécialités de la PACES.

Dans la perspective d’une universitarisation de la formation en masso-kinésithérapie, il nous semblait important de ne pas nous dissocier des études de santé et nous avons donc choisi d’inclure dans le programme toutes les UE communes de la PACES. En effet, tous ces enseignements, y compris « l’initiation à la connaissance du médicament », nous paraissaient des bases intéressantes pour les futurs étudiants masseurskinésithérapeutes.

Nous voulions cependant disposer d’unités d’enseignement spécifiques pour garantir certaines connaissances indispensables à la formation ultérieure. Les responsables universitaires étaient réticents à la création de multiples unités d’enseignement spécifiques car les contraintes temporelles et matérielles étaient fortes. En effet, il fallait respecter le principe de cette première année commune, à savoir, permettre à chaque étudiant qui le souhaiterait, de pouvoir suivre tous les enseignements en vue de pouvoir présenter tous les concours.

Cependant, jugeant que l’anatomie qui disparaissait quasiment du programme était un prérequis incontournable pour l’entrée en kinésithérapie, nous avons insisté pour la création d’une UE spécifique d’anatomie descriptive et fonctionnelle de l’appareil locomoteur. Les trois autres instituts paramédicaux ayant la même demande, cette UE spécifique de 16 heures de cours magistraux a pu être créée.

Nous avons aussi choisi de retenir les UE spécifiques d’anatomie de la PACES potentiellement utiles pour la formation : petit bassin chez la femme, tête et cou.

Enfin, nous avons souhaité disposer d’une UE spécifique de « Kinésithérapie » de 15 heures qui présente la profession et ses concepts fondamentaux et complète les enseignements d’anatomie descriptive par une approche fonctionnelle et biomécanique. Cette UE comporte des cours communs sur les concepts de handicap avec l’UE spécifique « Ergothérapie », limitant ainsi le volume des enseignements spécifiques paramédicaux.

La spécificité du concours « kinesithérapie »
Les coefficients attribués aux différentes UE ont été choisis en fonction de l’importance relative que nous leur accordions. Les UE nous paraissant moins primordiales ont été dotées de coefficients faibles tandis que celles que nous voulions valoriser ont été assorties de forts coefficients, indépendamment du nombre d’ECTS qu’elles représentaient.

Ainsi pour notre concours, l’anatomie représente un coefficient total de 4,2/12 et la kinésithérapie a un coefficient total de 1,7/12 alors que, par exemple, la connaissance du médicament a un coefficient total de 0,2/12.

Le total des coefficients des unités d’enseignements spécifiques est de 5/12, ce qui leur attribue une valeur relative importante pour la réussite au concours : 41 % de la note du concours pour 18 % des ECTS.

LES AVANTAGES DE CE CONCOURS
La réelle nouveauté des modalités de ce concours réside en la maitrise complète de la conception de l’unité d’enseignement spécifique « kinésithérapie », que nous coordonnons et dont nous assurons les enseignements. Elle permet de présenter ce qui nous parait indispensable avant l’entrée en formation : les valeurs de la rééducation, les bases qui fondent la kinésithérapie. Cette contextualisation des études, intégrée dans la perspective du parcours professionnalisant, est très positive pour générer une démarche active de la part des étudiants dès leur entrée en institut.

Cependant, le faible nombre d’heures dont nous disposons ne nous permet pas d’approfondir réellement les concepts.

Les contraintes d’organisation des enseignements
Le nombre d’étudiants inscrits, plus de 2500 toutes filières confondues, implique une répartition en plusieurs amphithéâtres et limite l’accès aux cours magistraux en direct avec l’enseignant auxquels les étudiants ne peuvent assister que durant quelques semaines. Le reste du temps, les cours sont retransmis en vidéo en direct ou en différé. Ces conditions d’enseignements empêchent les questions et les interactions avec les professeurs.

Le nombre des enseignements spécifiques à intégrer dans le planning a conditionné l’aménagement des UE spécifiques d’anatomie de l’appareil locomoteur le samedi, ce qui est une contrainte supplémentaire pour les candidats aux concours paramédicaux.

L’année universitaire est organisée sur deux semestres avec la majorité des UE du tronc commun au 1er semestre et les UE spécifiques au second semestre. L’anatomie et la kinésithérapie sont présentées en fin d’année et les connaissances sont donc à assimiler en un temps très court car le concours intervient environ un mois et demi après la fin de la dispensation des enseignements.

L’appréciation subjective des étudiants reçus au concours.
Pour appréhender plus précisément les atouts et les difficultés générés par ce changement, nous avons recueilli l’avis des étudiants sur le programme de leur année préparatoire. L’avis des redoublants sur les modifications perçues entre leur 1ère année (programme PCEM1) et leur 2ème année (programme PACES) a aussi été demandé.

Le questionnaire anonyme portait notamment sur l’intérêt et l’utilité des enseignements communs et spécifiques, et sur l’intérêt de s’inscrire dans le cadre de la 1ère année commune aux études de santé. Des suggestions étaient demandées en vue d’améliorer le dispositif.

Intérêt et utilité des différents enseignements.
Les étudiants ont classé les enseignements d’anatomie, de kinésithérapie et de physiologie comme étant les plus intéressants, tandis que les enseignements de pharmacologie et de chimiebiochimie ont été jugés les moins intéressants.

L’utilité des enseignements a été appréciée par les étudiants au regard des cinq premiers mois de formation en kinésithérapie écoulés. Les enseignements de kinésithérapie, suivis des enseignements d’anatomie et de physiologie ont été jugés les plus utiles.

Selon les étudiants, les enseignements à privilégier et à approfondir pour faire évoluer le programme vers une plus grande adaptation à la formation de kinésithérapie sont l’anatomie, l’anatomie fonctionnelle et la biomécanique, la physiologie, la kinésithérapie et les sciences humaines. En revanche, ils souhaitent que les enseignements de chimie, biochimie, biophysique jugés chronophages et peu utiles soient réduits.

Intérêt d’une année préparatoire commune aux études de santé intégrant les paramédicaux.
Cette année préparatoire commune avec la PACES est jugée unanimement positive par les étudiants, seuls 2 sur 41 auraient préféré passer un concours post-bac.

Son intérêt réside avant tout dans l’acquisition de connaissances utiles pour le futur métier, notamment en anatomie et dans les matières médicales. Elle permet l’acquisition d’une culture commune dans le domaine de la santé, au sein de l’université, ce qui est jugé valorisant. De surcroît, certains considèrent qu’elle développe la motivation, l’autonomie, la maturité et l’acquisition de méthodes de travail efficaces.

Cependant, les conditions d’enseignement et d’examens sont qualifiées d’« inhumaines » par certains qui regrettent aussi le manque d’enseignements dirigés et d’interaction directe avec les professeurs.

L’organisation des enseignements d’anatomie avec des cours le samedi matin et un délai insuffisant pour assimiler les connaissances des UE spécifiques est jugée très pénalisante. Les étudiants sont aussi très critiques vis-à-vis de la charge de travail imposée par le programme caractérisé par une imposante densité des enseignements dont certains leur semblent « inutiles ».

Appréciation comparative du nouveau programme par rapport au précédent par les redoublants.
En fonction de leur UFR initiale, certains redoublants pensent que le programme d’anatomie est moins bien adapté aux études de kinésithérapie que celui qu’ils avaient suivi avec le programme de PCEM1 : à la fois trop précis sur des zones moins importantes (tête, cou, petit bassin) et trop superficiel pour les membres. Par contre, d’autres ont trouvé les cours d’anatomie plus intéressants et plus complets que dans l’UFR où ils avaient fait leur PCEM1.

Dans l’ensemble, les redoublants considèrent les nouveaux cours du module spécifique comme plutôt intéressants et instructifs.

ÉVOLUTION
Cette évaluation et les critiques formulées par les étudiants ont été prises en considération et certains aménagements ont pu être apportés. Ainsi pour l’année 2011-2012, le programme de l’UE spécifique kinésithérapie a été conforté de deux heures pour renforcer les enseignements d’anatomie fonctionnelle. Certains coefficients des UE du tronc commun ont été revus, notamment pour réduire celui de la chimie-biochimie et pour augmenter celui des sciences humaines, en revanche, nous avons conservé le même coefficient en biophysique.

De même, nous avons dû conserver l’UE spécifique d’anatomie tête et cou que nous aurions volontiers laissée. Enfin, il n’a pas été possible d’obtenir une organisation différente pour les cours d’anatomie le samedi matin.

Ces limites sont liées aux nécessités organisationnelles aussi bien qu’aux enjeux liés à la valorisation respective des disciplines universitaires.

Cependant, nous bénéficions de la part des responsables universitaires de la PACES d’une écoute qui permet de travailler au mieux pour ajuster l’organisation. Il faut souligner que le climat de confiance dans lequel se pratiquent ces négociations avec l’université est primordial pour la réussite de cette coopération.

UN PROGRAMME RÉALISTE À ÉLABORER
Au-delà de cette expérience, nous souhaitons insister sur la nécessité de mener un travail approfondi sur le programme de l’année préparatoire, car des acquis de cette année-là dépendent les possibilités d’entrer immédiatement au coeur de la formation ensuite. Les enseignements réellement pertinents pour la kinésithérapie doivent être développés et valorisés par des coefficients adaptés. Cependant, le réalisme nous impose de proposer des unités d’enseignements spécifiques pouvant s’insérer dans une organisation universitaire contrainte par la réglementation, par des effectifs pléthoriques d’étudiants et par des moyens limités. Il nous faudra donc chercher un compromis entre tous ces éléments en tenant compte des réticences potentielles que peuvent avoir certaines universités à nous accueillir. Cependant, construire une année préparatoire au concours adaptée et réussir sa mise en place homogène au niveau national, sont les éléments fondamentaux pour une réforme des études cohérente.

Valérie LOZANO,
directrice de l’IFMK du CHU de Bordeaux
IRFMK ORLEANS,Bâtiment Michel Royer,Rue de Chartres,CS 80026,45072 ORLEANS CEDEX 2

Formation tutorat en région Centre
Une formation tutorat à l’IRFMK d’Orléans s’est mise en place depuis deux ans.

Elle est destinée à accueillir les personnes qui ont un rôle de tuteur des stagiaires masseurs-kinésithérapeutes sur les terrains (professionnels de proximité) et les référents (responsables pédagogiques) de ces mêmes terrains (cadre de santé ou pas).

Pourquoi cette formation intervient-elle maintenant ?

Les cadres de santé étaient jusqu’à présent dans la majorité des terrains de stage les référents ou responsables pédagogiques. Depuis 2009 (arrêté du 29 Avril 2009, article 13), le terrain de stage peut accueillir des stagiaires kinésithérapeutes sans qu’il y ait l’obligation pour le terrain d’avoir une personne diplômée Cadre de Santé, ceci entraîne une responsabilité accrue des tuteurs de proximité ainsi qu’une plus grande ouverture des terrains de stages en direction des cabinets libéraux. Le Cadre de Santé, lorsque le stage en est pourvu, est souvent de plus en plus appelé à prendre des responsabilités qui l’éloignent de l’encadrement de proximité des étudiants kinésithérapeutes.

Nos objectifs étaient de donner des repères pour l’encadrement et l’amélioration de la prise en charge des stagiaires. C’est également un lieu d’échanges entre les différents tuteurs libéraux ou salariés et l’IRFMK. Une meilleure connaissance du rôle, du fonctionnement, de l’organisation, mais aussi des difficultés de chaque acteur de la formation de l’étudiant est abordée lors de ces journées.

Cette formation s’organise sur deux jours non consécutifs distants de un mois ce qui permet de demander un travail intersession aux participants. Ce travail leur permet d’appréhender l’évaluation du mémoire et de produire une plaquette descriptive de leur terrain de stage ainsi que des compétences qui y sont proposées.

Différents thèmes ont été abordés : actualité sur les études en masso-kinésithérapie et organisation spécifique ou projet pédagogique de l’IRFMK d’Orléans, le diplôme d’État (mémoire, soutenance…), la notion de tutorat et d’alternance, le stage et son organisation, l’évaluation et la réingénierie des études.

Le questionnaire de satisfaction est présenté en annexe I.

Une synthèse des résultats du questionnaire de satisfaction relative à la formation tutorat est disponible en annexe II de cet article.

Florence Sartier,Cadre Supérieur de Santé, Enseignante à l’IRFMK d’Orléans ;Franck Courtais, Cadre de Santé Centre de Rééducation Fonctionnelle Beaugency, Enseignant à l’IRFMK d’Orléans.

Conclusion
A l’heure de la réingénierie de la formation de masseur-kinésithérapeutes, et d’une future formation déclinée en termes de compétences, proposer un moment d’échange et de réflexion pour faire progresser la formation de masseurs-kinésithérapeute permet à chaque acteur de cette formation d’être partie prenante dans la construction de la réflexion relative à cette optimisation de la formation initiale. C’est également un facteur de motivation dans un système de santé en constante évolution qui peut quelque fois paraître avec le développement des systèmes qualités, procédures, accréditation, et l’augmentation de la charge administrative de plus en plus lourd. Ce moment d’échanges sur le travail en partenariat des terrains de stage et IRFMK s’est avéré motivant et enrichissant.

            Article paru dans la revue “Syndicat National de Formation en Masso-Kinésithérapie” / SNIFMK n°2

Publié le 1653641869000