Actualités : Le grand appareillage pour les personnes amputées : permettre et faciliter la pratique d'activité physique de tout niveau

Publié le 23 sept. 2024 à 09:58
Article paru dans la revue « AJMER / AJMERAMA » / AJMERAMA N°7

L'innovation dans le domaine des prothèses a transformé la vie des personnes amputées, en leur permettant de participer avec moins de restrictions à des activités physiques et sportives. En effet, une amputation altère considérablement la qualité de vie et il convient de discuter avec le patient de son projet de vie et de ses restrictions de participation en fonction de ses loisirs/ activités antérieures et de son mode de vie. 
Un des enjeux de santé publique serait de faciliter la pratique d'activités physiques, dont les bénéfices sur les aspects articulaires, musculaires, cardiorespiratoires et métaboliques ne sont plus à démontrer. De plus, selon une étude de Fisher et son équipe, il semblerait que le coût énergétique métabolique lors de la course à pied des athlètes amputés appareillés avec des prothèses spécifiques à la course se situe dans les mêmes valeurs des données des athlètes non amputés. 
Les prothèses spécifiques, comme les lames de course et les prothèses de sport, ne sont pas seulement des substituts fonctionnels, mais des outils pouvant permettre aux utilisateurs de performer et d'atteindre des niveaux élevés dans divers sports. 
Cependant, il existe des freins à la mise en place d'activités physiques et sportives chez les personnes amputées, quel que soit le niveau de pratique, que nous développerons également dans cet article.

Le projet de vie

Il convient en premier lieu de faire le point avec le patient sur ses attentes, ses activités quotidiennes, professionnelles et de loisirs, les éventuels sports pratiqués par le passé et ceux qu'il souhaiterait pratiquer dans le futur. En effet, une amputation altère considérablement la qualité de vie et il est mis en évidence que la condition physique de la population amputée de membre est inférieure à celle des personnes valides du même âge1. Il est admis dans la littérature que les personnes en situation de handicap sont moins actives physiquement. Au Pays-Bas, 32 % des personnes en situation de handicap participent à l'activité sportive hebdomadaire contre 59 % de la population valide2.

Les recommandations de pratiques d'activité physique de l'OMS sont pourtant les mêmes que pour la population valide, à savoir 150 min au minimum d'activité modérée par semaine, et les bénéfices de l'activité physique sur la santé ne sont plus à prouver3.

Ainsi, la promotion de l'activité physique chez les personnes en situation de handicap est importante pour lutter contre cette discrimination liée au handicap face à la pratique sportive. C'est un enjeu pour les médecins de MPR.

Le terme «  parasport  » renvoie à la pratique sportive des personnes en situation de handicap, regroupant les activités de loisirs, qu'elles soient en famille, entre amis, en club, en intérieur ou en extérieur et les activités en compétition ou à visée de performance. Dans leur ensemble, elles participent à l'intégration sociale et à l'inclusion des personnes amputées, en favorisant l'estime de soi, l'acceptation du handicap et en optimisant l'autonomie.

Composition d'une prothèse de sport

Comme les prothèses de vie quotidienne, les prothèses de sport sont composées d'un manchon et d'une emboîture avec un système de fixation (gaine, dépressurisation, accroche terminale). Les principales différences sont les effecteurs terminaux (pied, lame, palme…) souvent spécifiques au sport pratiqué, et les effecteurs intermédiaires (genou par exemple). Il est également crucial que la prothèse de sport ait une bonne adhérence au membre résiduel et que le pratiquant ne la perde pas durant l'activité, il existe pour cela des options de fixation, que ce soit pour les prothèses de membre supérieur ou de membre inférieur (cuissard ou corset par exemple). 

En cas de pratique régulière, il est conseillé que la prothèse de sport soit différente de la prothèse de vie quotidienne afin d'éviter le risque de blessure et de sur-handicap (emboiture adaptée aux contraintes du sport pratiqué) et aussi d'éviter, en cas de casse lors de la pratique de l'activité physique, que l'utilisateur ne se retrouve pénalisé dans sa vie quotidienne. Il est à noter qu'il existe des adaptateurs et systèmes de déconnexion rapide, permettant au sujet de changer lui-même l'effecteur terminal en gardant la même emboiture, ces systèmes ne sont en revanche pas remboursés par la sécurité sociale. 

Prothèses de sport de membre inférieur

Les prothèses de sport pour les membres inférieurs sont disponibles pour diverses activités, y compris la course à pied, le vélo, le football et même les sports d'hiver ou aquatiques. Ces prothèses sont adaptées en fonction du sport pratiqué, en voici quelques exemples : Course et athlétisme : En plus des lames de course, il existe également des lames de saut, plus stables et qui absorbent plus l'énergie. Il est important que la lame soit adaptée à l'activité pratiquée et aux contraintes qu'elle engendre pour limiter le risque de blessure. 

Cyclisme : Pour une pratique de loisir occasionnelle, les patients peuvent en général utiliser leur prothèse de vie quotidienne, pour les personnes amputées en transfémoral la majorité des genoux prothétiques actuels permettent une pratique du vélo. Pour une pratique régulière ou en compétition, les pieds prothétiques sont spécialement conçus pour s'adapter aux pédales, permettant une transmission efficace de la force. 

Sports d'équipe : Des prothèses renforcées et plus robustes sont utilisées pour les sports de contact comme le football, offrant une protection et une performance accrues. Il est à noter qu'en compétition, les sports de contact se font sans prothèse (basket fauteuil, rugby fauteuil par exemple). 

Sports d'hiver  : La demande est importante de la part des patients, il existe plusieurs modalités de pratique (ski, snow, monoski, debout, assis…). Il conviendra de s'intéresser à la longueur du moignon d'amputation et la laxité du genou, une bonne coaptation de l'emboîture est primordiale, un cuissard est souvent nécessaire. 

Pour la pratique d'activités avec faibles contraintes (randonnée ou tennis par exemple) ou pour une pratique du jogging très occasionnelle, des pieds prothétiques spécifiques de classe 3 (type multisports) peuvent être utilisés et certains peuvent bénéficier d'une prise en charge par la sécurité sociale. 

Les lames de course

Les lames de course sont des dispositifs médicaux conçus spécifiquement pour la course à pied régulière ou intensive. Elles ont une forme de virgule. Leur conception unique et incurvée leur permet de fonctionner comme un ressort, emmagasinant et restituant l'énergie à chaque foulée. Voici quelques points clés :

Matériau : Les lames de course sont généralement fabriquées en fibre de carbone, ce qui leur confère légèreté et robustesse.

Design : La forme en J ou en C de la lame permet une grande flexibilité et un retour d'énergie efficace.

Adaptabilité : Elles sont adaptées aux besoins de l'activité  (lame de course sprint ≠ lame de course endurance) et au niveau de pratique du patient.

Longueur de la lame  : Elle est ajustée selon les recommandations du fabricant, le ressenti du patient et le niveau de performance. Elle peut être jusqu'à 8 cm plus haute que la prothèse de marche. 

Sports d'équipe : Des prothèses renforcées et plus robustes sont utilisées pour les sports de contact comme le football, offrant une protection et une performance accrues. Il est à noter qu'en compétition, les sports de contact se font sans prothèse (basket fauteuil, rugby fauteuil par exemple). 

Sports d'hiver  : La demande est importante de la part des patients, il existe plusieurs modalités de pratique (ski, snow, monoski, debout, assis…). Il conviendra de s'intéresser à la longueur du moignon d'amputation et la laxité du genou, une bonne coaptation de l'emboîture est primordiale, un cuissard est souvent nécessaire. 

Pour la pratique d'activités avec faibles contraintes (randonnée ou tennis par exemple) ou pour une pratique du jogging très occasionnelle, des pieds prothétiques spécifiques de classe 3 (type multisports) peuvent être utilisés et certains peuvent bénéficier d'une prise en charge par la sécurité sociale.


Prothèses de sport de membre supérieur

Elles permettent aux utilisateurs de pratiquer des sports variés, y compris des sports nécessitant une prise ferme comme l'aviron et le tennis, ou une préhension bimanuelle comme le golf et le vélo. L'effecteur terminal sera, comme pour les prothèses de membre inférieur, adapté au sport pratiqué. 

Elles ne sont pas indispensables car de nombreuses activités sportives peuvent se pratiquer sans prothèses (course à pied, natation, football par exemple). 

La demande est importante de la part des patients pour la pratique du cyclisme, les prothèses sont réalisées sur moulage et sont adaptées à la pratique, il existe des emboîtures fixées directement au guidon5. Il faut penser à l'amorti (notamment pour le VTT) et le système doit pouvoir se déconnecter rapidement en cas de chute. 

Une bonne rééducation pour éviter le sur-handicap 

Comme pour toute pratique sportive, il est nécessaire de s'assurer de l'absence de contre-indication, que ce soit sur le plan général (cardio-respiratoire) ou local (état vasculaire et cutané du moignon d'amputation) et de la cohérence de l'état de santé du patient avec le sport qu'il souhaite pratiquer.

Il est primordial d'apprendre à utiliser dans de bonnes conditions la prothèse de sport, en particulier pour les lames de course, via des programmes de rééducation comme par exemple la RCAPA (Rééducation à la Course à Pied Appareillée) développée à l'Hôpital d'Instruction des Armées de Percy. Ce programme inclut une évaluation initiale multidisciplinaire, une phase préparatoire avec des auto-exercices à domicile et une phase de rééducation sur plateau technique et au stade. L'accent est mis sur le gainage dynamique, l'apprentissage de la course appareillée et l'éducation du patient. 

Hopper, fabricant de lames de course, propose également un programme de réathlétisation adapté concomitant à la mise en place de l'appareillage7. 

L'objectif du médecin de MPR est que la pratique se fasse en sécurité, en prévenant le sur-handicap, via une prescription et un suivi de l'appareillage optimal. Lorsque la pratique est intensive et à visée de performance, il est intéressant de travailler en collaboration avec le médecin traitant (suivi courant et général) et un médecin du sport (physiologie, Suivi Médical Réglementaire). 

Le membre controlatéral peut être impacté par des pathologies de sur-utilisation (fracture de fatigue, aponévrosite plantaire, syndrome fémoro-patellaire…) et une pratique ou un appareillage non adaptés peuvent induire des rachialgies6. 

Les freins

Le financement constitue l'un des freins principaux  : en effet, hormis certains pieds classe 3 multisports qui peuvent être utilisés pour une pratique non intensive, la grande majorité du grand appareillage de sport n'est pas inscrite sur le Liste des Produits et Prestations Remboursables (LPPR) et n'est donc pas pris en charge par la sécurité sociale. 

Les options de financement sont donc  : avec des fonds personnels, via la PCH au titre de la solidarité, par des associations ou des structures caritatives, des sponsors ou bien par les compagnies d'assurances lorsqu'il s'agit d'un accident avec un tiers responsable. 

Des évolutions récentes vont dans le sens de la diminution du reste à charge, notamment  la circulaire CIR 21-2022 de l'Assurance Maladie, offrant la possibilité d'une prise en charge partielle de la prothèse en excluant les composants non remboursables, qui pourront être pris en charge par les mutuelles d'assurances complémentaires. Différents modèles peuvent être proposés pour réduire le reste à charge, comme par exemple créer un budget de compensation pour l'exercice sportif, ou entrer dans la LPPR les dispositifs médicaux les plus utilisés comme 2ème mise8.

D'autres freins sont présents tels que l'accessibilité, les infrastructures, l'offre de pratique (surtout en pédiatrie), le transport pour s'y rendre6… ou également les barrières mentales et le déficit de confiance en soi. Des leviers pour ces derniers éléments peuvent être trouvés en collaboration avec une équipe pluridisciplinaire incluant des psychologues et des EAPA. 

Promouvoir l'activité physique et le sport au sein des centres de rééducation 

Certains patients pris en charge dans les centres de rééducation n'ont pas connaissance du «  monde du parasport  » et n'imaginent pas toutes les activités qu'ils pourraient pratiquer. Le terme «  sport  » peut être effrayant avec une connotation de performance parfois associée. Il faut aborder le sujet auprès de nos patients de manière systématique et évoquer les objectifs de sport-santé.

De nombreuses ressources sont accessibles facilement en ligne, notamment « Trouve ton parasport » proposé par le gouvernement (Grande Cause Nationale 2024), le comité paralympique, le site de la Fédération Française de Handisport, ou via les associations de patients telles que l'ASSEDEA et l'ADEPA.

Le «  Handiguide des sports  » recense les structures référencées, il faut encourager les patients à aller découvrir et essayer les sports qui pourraient leur plaire lorsque leur état de santé le permet. En effet, les journées pratiques sont un levier très intéressant pour susciter des envies et lever certaines barrières mentales. 

Lorsque l'objectif est la compétition, il faut tenir compte également de la classification, en fonction du handicap et du sport pratiqué5. Nous dédierons quelques pages de ce magazine à la classification ci-après. Comme en population valide, la pratique sportive intensive ne présente pas que des bénéfices, mais également des risques pour la santé physique et mentale, et il faudra veiller à l'absence de risque de sur-handicap selon chaque cas précis pour conseiller au mieux les patients.

Conclusion

Les prothèses de sport représentent une avancée significative dans le domaine de l'orthopédie et de la réadaptation. Elles permettent aux personnes amputées de mener une vie active, de participer à des sports et de se dépasser physiquement. L'innovation continue dans ce domaine promet de rendre ces technologies encore plus accessibles et performantes, ouvrant de nouvelles possibilités pour tous ceux qui en ont besoin. L'important est de maintenir un équilibre entre la prévention, le plaisir et la participation et d'accompagner la pratique, que ce soit de loisir ou à visée de performance et en compétition. 

Julia GUIRLINGER,
Interne à Nancy et Dr Julie COTTEL

Nous adressons nos remerciements au Dr Isabelle Loiret (UGECAM IRR Nancy) pour la relecture attentive et l'aide apportée.

Bibliographie

1. Chin T, Sawamura S, Fujita H, et al. Physical fitness of lower limb amputees. Am J Phys Med Rehabil. 2002;81(5):321- 325. doi:10.1097/00002060-200205000-00001.

2. Chin T, Kuroda R, Akisue T, Iguchi T, Kurosaka M. Energy consumption during prosthetic walking and physical fitness in older hip disarticulation amputees. J Rehabil Res Dev. 2012;49(8):1255-1260. doi:10.1682/jrrd.2011.04.0067.

3. Bull FC, Al-Ansari SS, Biddle S, et al. World Health Organization 2020 guidelines on physical activity and sedentary behaviour. Br J Sports Med. 2020;54(24):1451-1462. doi:10.1136/bjsports-2020-102955.

4. Metabolic Cost and Performance of Athletes With Lower Limb Amputation and Nonamputee Matched Controls During Running, A Systematic Review. Fischer, Gabriela PhD; Antunes, Diego MSc; Volpato, Ana BS; Delevatti, Rodrigo Sudatti PhD. American Journal of Physical Medicine & Rehabilitation.

5. Parasport pour tous  : quel accompagnement  ? O. Lopez et I. Loiret. 

6. Prothèses et parasport : La réadaptation médico-sportive des patients amputés  : un enjeu d'avenir pour les services de médecine physique et de réadaptation. Pr Facione, Dr Pivot, Dr Thomas-Pohl. Revue Pratiques en MPR.

7. Hopper-accessibility.com 

8. Responsabilités et règles de prescription des dispositifs médicaux liés à l'activité physique et parasport. Pr Paysant, Dr Martinet, Dr Loiret, Dr Herbé. Revue Pratiques en MPR.

Publié le 1727078303000