Actualités : Le diabète de l’enfant en afrique

Publié le 10 mai 2022 à 17:59

FOCUS SUR LA GUINÉE CONAKRY

Près de 100 ans après la découverte  de l’insuline, le drame du diabète de l’enfant en Afrique est encore méconnu. L’ampleur du problème est de fait mal identifiée, faute de données épidémiologiques : en Afrique et dans les pays en développement, en l’absence d’accès pour tous à des soins adaptés et à l’insuline, la mortalité inaugurale liée au diabète est inconnue, confondue dans une mortalité globale élevée. Les programmes charitables mis en place par les sociétés savantes et/ou les firmes pharmaceutiques depuis le début des années 2000 révèlent peu à peu cette réalité.

Le Programme « Changing Diabetes in Children » est un partenariat initié en 2009 par la firme Novonordisk, en lien avec la firme Roche, l’ISPAD (International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes) et la Fondation Mondiale du Diabète. Initialement mis en place dans 9 pays, dont 7 en Afrique, il comporte un programme de formation des soignants, l’ouverture progressive de centres de diabétologie pédiatriques dans les hôpitaux régionaux des pays, l’organisation de camps de diabétiques et l’accès gratuit pour les enfants à l’insuline et aux lecteurs glycémiques. En Guinée Conakry, le Programme a débuté en 2010, sous l’égide d’un endocrinologue pour adultes, le Pr Naby Baldé ; en l’espace de 5 ans, plus de 600 soignants ont bénéficié d’une courte formation et le nombre d’enfants diabétiques suivis est passé de 44 à 451 ; cependant à l’issue des 5 ans, le bilan est mitigé : le programme de pérennisation ne comporte plus que la fourniture gratuite de l’insuline, de vastes zones du pays ne sont pas couvertes par le Programme, et les soignants insuffisamment soutenus sont parfois difficiles à fidéliser.

En pratique, la prise en charge actuelle du diabète de l’enfant en Guinée est une prise en charge dégradée par rapport aux recommandations de l’ISPAD, notamment en ce qui concerne l’acido-cétose et la surveillance glycémique quotidienne. Le schéma thérapeutique comporte 2 ou 3 injections quotidiennes à la seringue d’insuline intermédiaire NPH (Insulatard) et d’insuline humaine rapide (Actrapid). Le suivi infirmier est mensuel, rythmé par la remise du flacon d’insuline, basé sur des données d’interrogatoire, en l’absence de surveillance glycémique et de suivi de l’HbA1c. Les enfants des familles les plus pauvres sont confrontés à de nombreuses difficultés : conservation de l’insuline, coût du transport jusqu’au centre de soins et même accès régulier à la nourriture (la plupart ne prennent qu’un repas par jour). Tous sont confrontés à des difficultés de scolarisation, à la méconnaissance du diabète dans la population, avec son lot de peurs et stigmatisations. L’avenir de ces jeunes est préoccupant : comment prendre en charge le coût du traitement lorsque leur âge les contraindra à sortir du Programme ? quel est leur devenir médical ? le prix à payer risque d’être lourd en termes de complications…

Les perspectives d’amélioration de la prise en charge du diabète de l’enfant nécessitent des voies complémentaires : prise en compte du problème par l’OMS et par les politiques de santé des Etats ; diminution des coûts de l’insuline ; formation des soignants ; sensibilisation de la population.

  • Au niveau de l'OMS, le diabète de l’enfant fait partie des priorités inscrites dans le Plan d’Action Mondial pour la lutte des Maladies Non Transmissibles 2013-2020 ; l’insuline, puis le glucagon, ont été inscrits à la liste OMS des médicaments essentiels pédiatriques ; déclarations, alertes, recommandations se multiplient, notamment lors de la Journée mondiale du diabète. L’OMS, par la voix de son nouveau Directeur, réaffirme le « droit essentiel » à une couverture santé universelle. Cependant les répercussions positives concrètes restent trop rares en Afrique, faute de budgets consacrés.
  • Les génériques de l’insuline émergent difficilement dans le Monde et restent actuellement indisponibles en Afrique. Le coût des bandelettes pour lecteur glycémique est également prohibitif pour la plupart des patients.
  • Les formations en Afrique se mettent en place : le PETCA (Paediatric Endocrinology Training Center for Africa) propose depuis 2008 une formation en endocrinopédiatrie durant 18 mois, ouverte à tous les pédiatres africains, à Nairobi (Kenya) et depuis 2013 à Lagos (Nigéria), en langue anglaise. Plus de 60 pédiatres ont été formés à ce jour, mais très peu en Afrique francophone. A Conakry, nous avons ouvert en 2016 une Licence en Soins Infirmiers en Diabétologie, ouverte aux pays africains francophones.

En conclusion, l’ampleur de la tâche est énorme, à la mesure du fossé entre le Nord et au Sud ; mais les progrès en moins de 10 ans sont particulièrement encourageants.

Pour aller plus loin

  • Piloya-Were T, Sunni M, Ogle GD, Moran A. Childhood diabetes in Africa. Curr Opin Endocrinol Diabetes Obes. 2016 Aug; 23(4): 306-11.
  • Brink SJ, Warren Lee WR, Pillay K, Kleinebreil L. Le diabète de l’enfant et de l’adolescent, Manuel de formation de base à l’usage des professionnels de santé des pays en développement. 2011 Novonordisk, en collaboration avec l’International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes (ISPAD).
  • Odundo GO, Ngwiri T, Otuoma O, Chanzu NM. Developing equity in capacity of paediatric endocrinology subspecialists worldwide. Lancet Diabetes Endocrinol 2016;4:204-5.

Patricia Bretones
Endocrinologie et Diabétologie pédiatriques
Hôpital Femme Mère Enfant Bron-Lyon

Article paru dans la revue “Association des Juniors en Pédiatrie” / AJP n°16

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