Le boycott de la certification

Publié le 02 Aug 2022 à 17:28

En préambule, il apparaît important de préciser que nous soutenons la question de la démarche qualité au sein des établissements de santé et le processus de certification de ceux-ci, certains d’entre nous en ont même la charge du fait des fonctions qu’ils exercent.

Aujourd’hui nos hôpitaux sont dans un état catastrophique, les soins dans de nombreux domaines ne sont plus possibles, des urgences ne sont plus assurées, des lits, des unités ferment, les professionnels de santé désertent les hôpitaux publics, dans le meilleur des cas pour se réfugier dans le libéral, et dans le pire abandonnent les métiers de la santé, les conditions de travail à l’hôpital sont déplorables et retentissent de plus en plus sur les conditions de vie des professionnels et bien entendu sur le soin prodigué aux patients…

Et nous sommes engagés dans la démarche qualité alors que nous n’avons même plus le temps nécessaire à la prise en charge de nos patients.

Devant la situation des hôpitaux français en période COVID, la HAS a décidé de décaler les visites de certification des hôpitaux de quelques mois. Reculer pour mieux sauter  ?

Dans ce contexte, devonsnous accepter que cette réalité soit rejetée, refoulée ? Devons-nous avaliser le refus de voir notre quotidien pris en compte ? N’y-a-t-il pas aujourd’hui une certaine indécence voire une indécence certaine à continuer le processus comme si de rien n’était  ? Un processus qui devient hors sol, centré sur une autosatisfaction et sur une autoréalisation déconnectées du réel… Pour le dire autrement, notre HAS met en place un boycott des hôpitaux publics…

Aujourd’hui le pire de cette démarche ne consisterait pas dans le fait que certains établissements pourraient ne pas être certifiés, mais que de nombreux vont l’être sans réserves…

Comment accepter qu’une institution nous accrédite, certifie que la qualité des soins est assurée dans nos établissements quant au quotidien nous constatons le contraire  ? Devons-nous cautionner que s’appuyant sur ces visites, sur le fait d’être certifié, le politique et les pouvoirs publics puissent continuer à «  communiquer  » sur l’efficacité de leurs actions  ?

Il y a quelques années, la communauté médicale d’un établissement près de Lyon, constatant l’état de son établissement et les décisions inadaptées au soin que prenait sa direction, avait boycotté sa visite de certification. Celleci avait dû s’interrompre, avait été décalée quelques mois plus tard dans des conditions qui avaient permis son déroulement sans entraves… Comme le disent nos collègues de Limoges, «  À l’heure où la maison brûle, on nous demande si la vaisselle est faite.  ».

Nous proposons un  nouvel Indicateur de la Qualité et de la Sécurité des Soins : le Taux d’Occupation des Postes dans un établissement de santé, le TOP… Que sa pertinence ne soit pas une évidence démontre le déni dans lequel certains évoluent.

Devons-nous arrêter de faire semblant et boycotter la certification afin que la certification cesse de nous boycotter  ?

Jean-Pierre Salvarelli

Article paru dans la revue “Le Syndical des Psychiatres des Hôpitaux” / SPH n°21

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