Label Ihab faire progresser les maternités pour améliorer le ressenti des mamans et de leur famille

Publié le 14 May 2022 à 12:27

La maternité du pôle Santé Léonard de Vinci à Chambray-lès-Tours vient d’obtenir sa labellisation IHAB. Retour d’expérience sur les étapes qui ont conduit à un changement des pratiques pour le plus grand bonheur des mamans et des équipes soignantes !

Interview du Dr Christine MICHEL-ADDE

Elaboré par l’OMS et soutenu par l’Unicef, le label international IHAB porte sur la qualité des soins apportés aux nouveau-nés et aux familles dans le sens d’une prise en charge individualisée, conduite dans un esprit de bienveillance et de partenariat entre l’équipe médicale, l’équipe paramédicale et les familles.

S : Quelle est la vocation de ce label IHAB ?
Ch.M : Initialement ce label avait été créé pour promouvoir l’allaitement maternel dans le monde, mais il a été élargi depuis quelques années à l’accueil général du nouveau-né, y compris l’alimentation artificielle. Le label repose sur 12 recommandations (cf. page 36) parmi lesquelles une partie porte sur la promotion de l’allaitement maternel et l’accompagnement à l’allaitement, et une autre partie porte sur l’accompagnement de la mise en place de l’alimentation au biberon.

S : Votre établissement vient d’être labellisé IHAB. Quelles démarches avez-vous dû accomplir pour obtenir la labellisation ?
Ch.M : Nous avons pris la décision d’entamer les démarches pour la labellisation en 2013, avec l’objectif de nous améliorer dans notre prise en charge des familles. De 2013 à 2018, l’ensemble du personnel médical et paramédical a reçu des formations théoriques avec des organismes extérieurs, complétées par des formations pratiques au lit des mamans. Ensuite, nous avons mis en place des groupes de travail pour essayer de changer nos pratiques en suivant les 12 recommandations. Nous avons également veillé à informer le personnel non soignant pour leur transmettre l’état d’esprit. Cela a abouti en septembre 2018 à une première visite des experts de l’association IHAB en vue d’une labellisation. Hélas cette visite fut extrêmement douloureuse pour nous car les experts nous on dit qu’en fait nous n’avions pas compris ce qu’était l’état d’esprit IHAB… Nous avions essayé d’appliquer les recommandations telles qu’elles étaient écrites mais nous n’étions pas allés jusqu’à faire vraiment de la philosophie IHAB notre propre philosophie.

Le comité d’attribution des labels qui se réunit en décembre nous a quand même accordé 6 recommandations sur les 12 et nous a laissé un an pour compléter les 6 recommandations qui nous manquaient et qui reflétaient l’état d’esprit très bienveillant et à l’écoute des familles. Nous avons décidé de relever le défi et je dois dire qu’il y a eu à ce moment-là un élan de l’ensemble du personnel. Ce qui avait manqué dans les 6 premières années c’est que nous n’avions pas réussi à emmener tout le monde avec nous. Nous avions un comité de pilotage avec une dizaine de personnes qui étaient actives mais nous n’avions pas réussi à convaincre l’ensemble du personnel. La visite des experts a permis une prise de conscience de l’ensemble du personnel ; tout le monde a été convaincu du bienfait et de l’intérêt de changer nos pratiques et s’est lancé dans ce défi.

S : Quelles ont été les nouvelles étapes ?
Ch.M : Nous avons visité d’autres maternités labellisées pour nous imprégner de cet état d’esprit IHAB. Nous avons fait des petits groupes de 5-6 personnes avec un représentant de toutes les professions : sages-femmes, auxiliaires, infirmières, gynécologues, pédiatres. Ensuite nous avons fait une analyse de ce que nous avions observé et avons mis en place des groupes de travail sur les 6 recommandations qui posaient problème, et là encore des groupes de travail panachés avec des représentants de toutes les professions. Tout le personnel a repris des formations théoriques complétées par des formations pratiques. Nous nous sommes appuyés sur une sage-femme consultante en lactation, qui est arrivée dans notre équipe en 2016, pour qu’elle nous forme en interne. Nous avons revu tous nos protocoles médicaux et tous nos outils papiers (feuilles de surveillance notamment). En parallèle nous avons été soutenus par la Direction qui a engagé des travaux. Notre maternité était en effet répartie sur deux étages et des travaux ont été réalisés afin de mettre la maternité sur un seul étage pour davantage de fluidité et pour créer une unité Kangourou (le bébé n’est pas séparé de ses parents), ce qui a également nécessité des investissements matériels. Auparavant l’unité de néonatologie était séparée de la maternité ; à présent les 6 lits de néonatologie sont transformés en 6 lits d’unité Kangourou, ce qui permet d’apporter des soins même aux nouveau-nés qui ont besoin de soins particuliers, tout en étant près des parents et en partenariat avec eux.

S : Quand on connaît les difficultés actuelles des hôpitaux et en particulier des maternités, toute cette réorganisation n’a-t-elle pas été trop complexe à mettre en place ?
Ch.M : Je dois dire qu’il y a eu une vraie décision de la Direction d’aller au bout du projet et de mettre tous les moyens financiers pour y parvenir, que ce soit en termes de travaux ou en termes de personnel. Nous avons fait appel à du personnel remplaçant pour assurer les plannings quand tout le monde était en formation. La décision a été prise en janvier 2019 et la visite de labellisation a eu lieu en novembre 2019 : tout a été fait en 10 mois. Nous avons obtenu la labellisation avec les félicitations des experts qui ont été impressionnés par ce que nous avions réussi à mettre en place en un court délai. Je pense que c’est venu d’une motivation de tout le monde : la Direction, l’ensemble des équipes, ce qui a permis un véritable élan.

S : Combien de maternités sont labellisées IHAB en France ? La labellisation est-elle régulièrement réévaluée ?
Ch.M : On compte 44 maternités labellisées IHAB en France, ce qui représente entre 6 et 7% des naissances, parmi lesquelles des grands centres comme le CHU de Lille. Il est de plus en plus question du label IHAB dans tous les congrès, qui commence à se présenter comme la référence des soins portés aux nouveau-nés et à la famille.

Il y a une réévaluation tous les 4 ans et un suivi annuel avec transmission de documents pour être à niveau avec les recommandations.

S : Avez-vous observé une évolution des demandes pour être admises dans votre maternité depuis la labellisation ?
Ch.M : Pour l’instant, il est encore un peu tôt pour observer une augmentation des naissances dans notre maternité. Par contre nous avons un retour très positif des mamans, soit oralement soit dans le questionnaire de satisfaction qui est remis en fin d’hospitalisation, notamment des parents qui ont un 2ème ou 3ème enfant et qui notent la différence de prise en charge par rapport aux années précédentes. C’est très gratifiant pour les équipes !

S : Cela suscite-t-il des vocations au personnel soignant pour rejoindre votre maternité ?
Ch.M : Il est également trop tôt pour l’observer mais nous avons par exemple un nouveau pédiatre qui vient d’arriver et le fait que nous soyons dans cette démarche IHAB lui convient tout à fait. Cela a surtout apporté une satisfaction au travail pour les équipes médicales et paramédicales. Elles disent qu’elles ne pourraient pas revenir à un ancien fonctionnement.

L’évaluation IHAB
Lorsque les services estiment respecter toutes les recommandations demandées, l’établissement demande une évaluation des pratiques auprès de l’IHAB France.
Des évaluateurs désignés par l’IHAB France visitent alors l’établissement et rédigent un rapport qui sera présenté au comité d’attribution.

Les évaluateurs
IHAB France recrute et compose des équipes de 4 évaluateurs dont un évaluateur en cours de formation. Parmi eux, le responsable d’évaluation est chargé de la coordination : planification de la visite en lien avec IHAB France, recueil des documents écrits, organisation sur place et rédaction du rapport.

L’évaluateur est un expert reconnu dans le domaine de la périnatalité et de l’allaitement du fait de sa formation et de son expérience. Il a suivi une formation spécifique sur l’IHAB et la conduite de l’évaluation.

L’évaluateur est tenu au respect de la confidentialité des informations dont il a connaissance à l’occasion de sa mission. Il s’engage à déclarer les liens éventuels d’intérêts pouvant interférer avec sa mission.

Préparation de l’évaluation des pratiques Confidentialité :  L’IHAB France ne communique pas le nom de l’établissement avant l’évaluation et la réunion du comité d’attribution.

Des documents écrits sont étudiés au préalable : la politique et la charte, le programme de formation du personnel en rapport avec la démarche IHAB et l’organisation de la Pratique Clinique Supervisée, les informations transmises à toutes les femmes enceintes, que ce soit par oral ou par écrit.

Le recueil des statistiques est indispensable et doit comprendre les données portant sur les années antérieures.
D’autres documents sont nécessaires pour l’évaluation : la liste du personnel, les formations reçues par chaque catégorie de professionnels, etc.

Des outils sont proposés par l’IHAB France pour faciliter la démarche et la collecte des données comme par exemple :
Liste des Formations en rapport direct avec la démarche IHAB
Récapitulatif formation par catégorie professionnelle
Relevé des heures de formation du personnel.

Déroulement de l’évaluation
Les évaluateurs rencontreront en début d’évaluation :
Le directeur de l’établissement (brièvement).
Le directeur des Soins et le directeur Qualité.

Le processus d’évaluation comporte 4 volets :
Des entretiens avec des femmes enceintes et des mères.
Des entretiens avec le personnel soignant de toutes catégories, et le personnel non soignant.
Des périodes d’observation dans les services, de jour et de nuit.
L’examen des documents écrits.

Les entretiens avec les mères et les membres du personnel, ainsi que l’observation, respectent la dignité et l’intégrité des personnes. Le consentement et le caractère confidentiel des déclarations sont préservés.

En fin d’évaluation, les évaluateurs transmettront leurs observations aux équipes évaluées lors d’une réunion de synthèse (comité de pilotage, cadres et personnel).

Eventuellement, des actions correctrices peuvent être mises en œuvre rapidement, et leur résultat sera communiqué au responsable de l’évaluation avant la réunion du Comité d’attribution.

IHAB France pratique une logique participative afin de couvrir le frais des évaluations (déplacement, hébergement et indemnisation des évaluateurs, remises des labels, etc).

Source : https://amis-des-bebes.fr/tout-sur-ihab.php

Article paru dans la revue “Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France” / SYNGOF n°120

Publié le 1652524047000