La vie du syndicat : DR JEAN NOEUVEGLISE, président d’honneur

Publié le 27 May 2022 à 13:50


Chers amis syndicalistes

Mon pére Jean Noeuvéglise est décédé le 8 avril à 95 ans. Comme tant d’autres jeunes médecins de sa génération, il s’orienta en 46 vers la médecine du travail, fut embauché à l’APAS BTP de la région parisienne. En 1951, sous la direction d’André Sivadon, il fut nommé médecin coordinateur, participa à la création du SGMT et devint délégué syndical CGC, fut nommé president du SGMT. Participation de 50 à 73 au Groupement des médecins du BTP avec Robert Delmas, Jacques Ravault. Il put profiter des techniques des groupes Balint, des contacts avec le mouvement de l’Elan Retrouvé et des débuts de la psychopathologie du travail de Paul Sivadon, Claude Veil, Jean De Verbizier, Catelan. Accusé d’avoir des durées de consultation médicale excessives, une tentative de le licencier fut mise en échec en 1965 par les administrateurs de l’APAS. En 72 73, il négocia l’accord médecins du travail en face de monsieur Niedinger du CNPF. Il participa avec son confrère André Causse à la creation de la CCN des services de médecine du travail du 20 juillet 76 en face de Philippe Givelet du Cisme. Médecin conseil de l’OPPBTP régional d’IDF, il tenta de 79 a 87 de rassembler sous le manteau les analyses d’atmosphère amiante, dont la publication était bloquée par le CSTB et le CPA, et découragée par les services, même paritaires. Avant dernier médecin coordinateur syndicaliste de l’APAS BTP, il dut avec dépit prendre sa retraite en 1987 du fait de pressions de son service, contemporaines de la publication non démocratique du livre Blanc du groupement des médecins du BTP et de la désyndicalisation causée explicitement par la montée en influence des directions de services. Quittant la présidence du SGMT en 90, il continua ensuite de participer au sein de la CFE-CGC à la conception de la formation des membres des commissions de contrôle, aux travaux du bureau du syndicat, à la conception du rôle de la commission médico-technique et de la représentation des acteurs de terrain auprès des partenaires, à la commission juridique du SGMT/SGMPSST jusqu’en 2013, en collaboration avec le service juridique de la Fédération Santé Social.

Il a milité pour la qualité des services sociaux, de la santé au travail et a soutenu leur éthique devant les partenaires sociaux.

Il fut réconforté de voir le syndicat continuer son action avec l’éclat que nous devons aux piliers du syndicat et notamment a Bernard Salengro et a son entourage. Il aurait été heureux de pouvoir continuer de nous encourager à nos luttes syndicales au bénéfice des professionnels des services de santé au travail et de tous les salariés, de nous voir élargir l’assiette du syndicat et continuer de renforcer la valeur et l’éthique de nos accords de branche par nos toujours excellents négociateurs.

Marc Noeuveglise

Mon cher Marc

Tu sais le grand respect et la grande affection que j’avais pour ton père.
Pour toi et moi c’était le modèle, la référence.
C’était ton père, mais si tu veux bien, c’était notre père spirituel commun en Médecine du Travail.
J’ai connu Jean Noeuvéglise dès mon entrée dans le service APAS. Pendant quelques jours, il a été mon moniteurconseil. Il avait un abord respectueux et sympathique avec les consultants ; il savait les mettre en confiance, il leur parlait de leur travail mais aussi de leur vie en général. J’ai compris que c’est la bonne conduite à avoir et l’exemple à suivre, et j’ai jamais dérogé à cet enseignement.
Les médecins de notre génération ont eu la grande chance de prendre la suite des pionniers de la Médecine du Travail, il y avait du beau monde, je ne veux pas les citer car je ferais des oublis injustes mais il est certain que ton père était l’un des représentants les plus remarquables, et de mon point de vue la plus remarquable.

Ces anciens nous ont formés dans un esprit rationnel et humaniste conciliant rigueur intellectuelle et clarté rédactionnelle.

Jean Noeuvéglise nous a montré l’importance de connaître réellement le travail des salariés que l’on surveille et comme lui d’aller les voir dans leurs ateliers, leurs chantiers, leurs bureaux. Ce qui nous semblait une corvée est devenue pour nous un devoir puis un plaisir. Avec cette nécessité de connaître pour pouvoir agir comme le disait Marie Curie.

Nous demandions souvent conseil à Jean Noeuvéglise et à quelques autres anciens sur la conduite à tenir dans des cas difficiles. Sa réponse était toujours construite et pondérée, elle prenait en compte la sureté du salarié, de son employeur et du médecin du Travail, elle préconisait des adaptations réfléchies et raisonnablement possibles aussi souvent que possible.
Ton père avait aussi travaillé sur des recherches concernant les risques professionnels et leur prévention.

Après bien des décennies, je me rappelle comme si c’était hier des longues conversations que nous avons eu concernant les peintures, les solvants, les pigments. Il était notre référence en la matière.

Ton père était très estimé par tout le personnel du service, médecins et non médecins. Il était respecté par les membres et les représentants des autres syndicats de salariés, et aussi par les représentants des employeurs.

Jean Noeuvéglise a obtenu des résultats remarquables dans ses négociations syndicales au plan local et au plan national grâce à la confiance qu’il inspirait.

Il avait une attitude de bonhommie et de sympathie, mais il avait aussi une force de caractère qui lui permettait de tenir tête lorsque cela était nécessaire.

Vint un jour où il fallut trouver un délégué syndical CFE-CGC dans notre service. Les impétrants ne se bousculaient pas. Cela surtout parce que les comités d’entreprise étaient des sortes de happenings entre la direction et la CGT et où les autres étaient invités au mieux d’assister au spectacle au pire de prendre des coups comme victimes collatérales.

Jean Noeuvéglise est venu me voir, il a été simple et direct, il m’a dit : « Bernard tu es le plus apte à tenir le poste, tu dois y aller ». J’avais de multiples occupations notamment en rapport à ma famille nombreuse, et je me demandais s’il était raisonnable de s’engager. Après une réflexion intense mais brève, j’ai conclu que je ne pouvais pas dire non à Jean Noeuvéglise. Qu’il soit venu lui-même me faire une demande et qu’il me tutoie était pour moi un grand honneur et un devoir duquel on ne déroge pas sous peine de forfaiture. Je me suis donc lancé dans l’aventure avec sinon enthousiasme du moins conviction. Cela a été rapidement heureux : nous avons formé une équipe solide notamment avec Bernard Lousser. Nous étudions les ordres du jour, nous posions des questions, nous contrôlions les textes proposés et le respect de l’application des textes réglementaires en demandant des suspensions de séances si nécessaire ; bref nous avons rapidement repris largement la main et toute discussion devait avoir notre assentiment. Nos rapports avec le fougeux délégué de la CGT se sont rapidement améliorés sur un fond de respect mutuel et souvent nous étions plus à la recherche de synergie que d’opposition.

Avec toi, je rencontrais Jean Noeuvéglise lors de réunions du bureau du syndicat auxquelles il aimait assister bien qu’en retraite depuis des années, mais aussi lors de réunions épisodiques pour répondre à des questions posées par des membres du syndicat souvent de province ; la pertinence de ses propositions faisaient bien souvent consensus.

Cher Marc, ton papa a toujours gardé l’esprit généreux et l’intelligence vive. J’étais très content de le voir régulièrement ; il était l’exemple du bien vieillir et cela jusqu’à cette dernière année. Cher Marc, j’aime pouvoir te dire que ton père est l’une des rares personnes (moins de 10) qui auront le plus marqué ma vie.

J’en conserve un beau souvenir d’un « honnête homme » et d’un exemple à suivre.

Avec mes sentiments amicaux.

Bernard Wilbert

Cher Marc

Triste nouvelle que le départ de Jean.

Je me rappelle des premiers contacts que j’ai eu avec lui, j’arrivais à l’APAS alors qu’il partait en « retraite ». Il était le médecin coordinateur de Mont-Cenis/Lamarck… et il fallait bien du talent et des qualités d’animateur pour gérer les quelques « lions » de ce centre (Vinard, Alderette, Piton-Cornet, Jeannin, Party…) et ça, il s’avait le faire.

Il était respecté de nous tous pour ses qualités professionnelles… Françoise Lebranchu parlait de lui, alors même qu’il avait quitté le centre, avec un « MONSIEUR » Noeuveglise systématique.

Syndicalement, j’ai connu ton père un peu plus tard.

Non syndiqués, il nous recevait avec quelques collègues de l’APAS, le soir, dans les locaux du SGMT (qui n’étaient pas encore dans le 9ème) pour nous conseiller sur la façon de mener à bien nos revendications vis-à-vis de la direction de notre service.

Marie-Claude Ravault lui avait succédé à l’APAS et je me suis vite inscrit dans la roue du syndicalisme… je me dois d’être très honnête, ce n’était pas l’étiquette CFE-CGC qui m’a attiré mais ton père, Marie-Claude et leur charisme… j’en ai ensuite retrouvé quelques autres.

J’étais admiratif de la rapidité du raisonnement de Jean, de sa lucidité et clairvoyance. J’ai beaucoup appris de ses interventions lors de nos réunions de bureau.

J’ai eu un vrai plaisir à plancher avec lui, Toi, Bernard W. et Patrick V. sur les dossiers de notre commission juridique… c’était une encyclopédie… il connaissait toute l’histoire de notre spécialité, toutes les négociations passées. Enfin dans cette commission, ton père savait dire et trouver les mots, mêmes quand les dossiers n’étaient pas très « solides »… et cela n’était pas rare.

Voilà, tout cela pour te dire le respect que j’ai pour Jean, un médecin du travail investi, humaniste. En deux mots un « bonhomme exceptionnel ».

Je pense à toi et aux tiens.

Amitiés.

Bernard Loussert

La gouvernance du syndicat

Du nouveau dans la gouvernance du syndicat
1 an vice-président, 24 ans président du syndicat, j’ai demandé à descendre du devant de la scène et passer le relais de la présidence.

Cela a été d’autant plus facile que la suite est brillamment assurée par Anne Michèle CHARTIER médecin à l’ACMS, membre du bureau et animatrice de la délégation chargée de la négociation avec le CISME depuis de nombreuses années, elle connaît fort bien les arcanes du syndicat.

Ces années investies dans la vie syndicale ont été passionnantes et très enrichissantes, je tiens à en remercier tous les membres et en particulier ceux du bureau pour leur soutien et leur participation. Si j’ai un conseil pour les jeunes confrères c’est « n’hésitez pas à vous investir », vous ne le regretterez pas, c’est une expérience très forte mais n’oubliez pas de vous former au préalable.

Comme on le voit sur la photo, Anne Michèle Chartier manage le syndicat et Martine Keryer la représentation confédérale, toutes les deux avec passion et dévouement.

Article paru dans la revue « Syndical Général des Médecins et des Professionnels des Services de Santé au Travail » / CFE CGC n°55

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