La télémédecine est aujourd’hui en plein essor, et la téléradiologie y occupe une place essentielle. Mais quelles pratiques sont regroupées derrière ce terme ? Quels en sont les avantages et les potentiels dangers ? Quelles réglementations sont appliquées ? Et surtout, quels modes d’exercice sont possibles pour les radiologues qui s’y intéressent ?
Nous avons trouvé que le meilleur moyen d’obtenir des réponses à nos questions était d’aller à la rencontre des gens qui la pratiquent au quotidien. C’est ainsi que nous avons rencontré Vivien Thomson, radiologue à IMADIS, et Yann Hetmaniak, radiologue au CGTR. Ils ont pris le temps de partager leur histoire et leur passion avec nous, et nous les en remercions. Voici leurs réponses à nos interrogations.
Interview du Dr Vivien THOMSON
En parallèle à un clinicat à l'hopital de la Croix Rousse à Lyon, puis à quelques années en tant que praticien hospitalier, Vivien Thomson participe à la création d'IMADIS en 2008. Il partage désormais son temps entre les gardes téléradiologiques, la gestion d’IMADIS et un travail à temps partiel dans un groupe privé de l’ouest de Lyon.
Quand avez-vous entendu parler de la téléradiologie pour la première fois ?
Pendant mon internat la première fois, au sujet de ce qui commencait à se développer aux USA. Puis pendant notre clinicat, en 2007, où des organisations téléradiologiques ont été réfléchies (mais pas mises en place à cette époque) aux Hospices Civils de Lyon.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans le concept de la téléradiologie ?
Nous étions persuadés en 2007 que la téléradiologie (dans le cadre de la permanence des soins et de l’urgence qui nous intéressaient tout particulièrement) allait permettre de mutualiser les forces radiologiques et permettre ainsi d’apporter une partie de la réponse aux difficultés de certains centres hospitaliers à assurer le 24h/24 en imagerie. Nous pensions que, avec ou sans nous, cette nouvelle organisation allait prendre une place importante dans les années à venir... et nous souhaitions plus être acteurs que spectateurs de ce changement.
Qu’est-ce qui vous a motivé à créer votre entreprise ?
Le "confort de vie" ! :-) ça c’est une proposition assez drôle... je pense que tout aurait été plus confortable que le choix que nous avons fait. Nous sommes partis à 5 radiologues pour monter IMADIS, avec pour ambition de créer un grand centre téléradiologique dédié à l’urgence radiologique. Nous avons donc été de garde entre 2009 et 2011 un jour sur cinq, à tour de rôle, dans le petit centre de garde que nous avons réussi à monter au début. Quelques copains ont petit à petit rejoint l’équipe à partir de 2011. Aujourd’hui, même si plus de 70 radiologues participent aux gardes, chacun des associés fondateurs (dont moi) fait encore 4 à 6 gardes par mois... Plaisanterie mise à part, nous avons en effet souhaité créer une structure souple et réactive, qui n’aurait pas été envisageable au sein d’un CHU (nous avons beaucoup discuté avec l’administration des Hospices Civils de Lyon les premières années). Il n’y avait pas vraiment de modéle, car ce type d’activité n’existait pas en France en 2007, et car nous ne voulions pas copier le modèle américain. En effet, il y a en téleradiologie d’urgence, aux Etats-Unis, la notion de “compterendu préliminaire” : le radiologue, qui ne décide pas du protocole, voit son rôle réduit à la seule “télé-interprétation”, et il arrive qu’il ne réponde que “pas d’hémorragie” pour un scanner cérébral (si c’etait la question posée) et le dossier est réinterprété le matin. Nous n’avons pas cette vision du rôle du radiologue, qui pour nous doit participer à la mise en place de l’organisation, doit valider ou non les demandes, doit définir les protocoles d’examen, et doit faire les interprétations complètes.
En quoi le fonctionnement de votre centre diffère-t-il d’un cabinet de radiologie privé ?
Un point important de différence avec un cabinet de radiologie privé est qu'aucun de nous ne travaille qu'à IMADIS. Tous les radiologues de l’équipe ont une activité radiologique “classique”, hospitalière ou libérale à côté.
Un point commun est la notion de lieu de travail (de garde en l’occurence). Le centre que nous avons monté est une sorte de “service de téléradiologie” dans lequel se fait toute notre activité (aucune activité ne se fait à domicile). Nous nous assurons ainsi que les conditions de travail des radiologues (consoles, outils de posttraitement, environnement sonore, connectiques etc.) soient les plus optimales.
Quel est le profil des médecins qui se joignent à vous ?
La plupart des radiologues ont entre 30 et 40 ans, mais on a aussi des radiologues de plus de 40 ou de 50 ans. Une plus grande proportion d’hommes, mais de plus en plus de femmes rejoignent l’équipe. Aucun de nous ne fait que ça ! Tout le monde a une activité (privée ou publique) classique aussi.
Votre mode de vie est-il différent de celui des radiologues qui travaillent dans le privé ?
Oui, vraiment très different. Nous nous sommes spécialisés dans la permanence des soins en imagerie, en téléimagerie en l’occurence. Nous ne travaillons donc à IMADIS QUE la nuit et les week-ends. Toute l’activité est réalisée dans notre centre de garde (dans la dernière version du centre de garde : 6 postes de travail, 4 chambres, une salle de repos, des douches...), et aucun examen n’a jamais été interprété à domicile depuis le début de notre activité en 2009. Une autre différence majeure est la notion d’équipe de garde. Aujourd’hui, nous ne sommes plus seuls en garde comme au début. Chaque nuit, 3 ou 4 radiologues sont présents sur le centre de garde. Les consoles sont situées dans une grande salle de travail, conçue sur le modèle des centres de régulation du SAMU. Chaque radiologue peut ainsi, selon la situation, travailler dans le plus grand calme et bénéficier d’une concentration optimale, ou échanger avec un ou plusieurs autres radiologues de garde avec lui, au sujet des dossiers les plus complexes. Lors de périodes de garde les plus chargées (20h-minuit), un des radiologues prend le rôle de “protocole heroe”, et gère les appels entrants (de la part des manip ou des urgentistes) et les nouvelles demandes d’examens. Il permet ainsi aux 3 autres radiologues de l’équipe de travailler plus sereinement, et d’être moins interrompus. Nous avons beaucoup gagné en confort de travail (et en qualité) avec cette organisation.
Comment les relations avec les cliniciens diffèrent- elles lorsqu’on pratique dans le cadre de la téléradiologie ?
Dans le domaine de la garde, le clinicien (comme le téléradiologue) est toujours joignable en direct. Nous ne manquons jamais d’informations cliniques ou biologiques sur les patients, car nous sommes en direct. Un portail dédié de téléradiologie nous permet de gérer les interactions à l’écrit avec les médecins et manipulateurs, mais le téléphone est toujours utile et nécessaire dans les dossiers les plus graves ou compliqués. Comme nous ne connaissons pas la plupart du temps personnellement les médecins et manipulateurs des centres avec lesquels nous travaillons, la confiance ne peut pas etre basée sur une histoire personnelle comme à l’hopital. C’est la rigueur du cadre de travail qui crée les conditions de la relation de confiance. C’est sûrement moins vrai dans le cadre d’une activité téléradiologie programmée, mais nous n’avons pas d’expérience dans ce domaine.
Avez-vous la possibilité d’entrer en contact directement avec les patients en téléradiologie (pour compléter les informations d’une demande trop succincte par exemple) ?
En urgence, c’est quand même habituellement avec le clinicien que se font les échanges. En garde, il est toujours possible, quelle que soit l’heure, de joindre le médecin des urgences en charge du patient et de compléter les informations. D’autre part, le portail de téléradiologie sur lequel nous travaillons (ITIS développé par Deeplink Medical) permet de filiariser les demandes des urgences, avec des questions spécifiques pour chaque filière clinique, qui nous garantissent une structuration suffisante de la majeure partie de demandes.
Quels sont les écueils à éviter pour ne pas transformer la pratique en prestation de services, loin de l’acte médical ?
Le rôle du téléradiologue ne doit pas se limiter à un rôle de téléinterprétation. Dans un fonctionnement efficace et efficient, le téléradiologue (ou l’équipe téléradiologique) doit être impliqué dans la mise en place de l’organisation, en amont du premier examen téléradiologique. Sur site, un pilotage avec des médecins, des manipulateurs et des radiologues locaux doit être mis en place. Pendant la garde (c’est notre domaine), le téléradiologue doit intervenir pour valider les demandes (les faire compléter le cas écheant), et définir les protocoles d’examen.
Il intervient aussi (bien sûr !!) pour réaliser la téléinterprétation. Une communication systématique des résultats à l’oral, en complément du compte-rendu écrit, dans les cas graves ou complexes, permet très clairement de s’intégrer au sein de l’équipe de garde locale et de ne pas être un “simple” prestataire.
Qu’est-ce-qui empêchera que les images acquises en France ne soient lues par des radiologues dans d’autres pays ?
La qualité du travail réalisé en téléradiologie en France. C’est en effet, il me semble, le seul vrai argument opposable à moyen terme.
Avez-vous déjà été confronté à une situation difficile dans le cadre de votre pratique de téléradiologie ?
Il arrive que, malgré toute l’infrastructure technique mise en place (système de transfert redondants, 4 lignes astreintes informatiques différentes sur le centre de garde...), nous soyons confrontés à des problèmes techniques de transfert des images (lenteur...). Cette situation est source d’un stress assez spécifique à la garde téléradiologique. Heureusement, nous avons pu, au fur et à mesure des années, professionnaliser de plus en plus notre organisation, et ce type de problème est aujourd’hui relativement rare.
IMADIS aujourdhui
- 20 radiologues associés, dont 6 radiologues co-gérants (chacun passe 1 à 2 journées par semaine à “manager” la structure).
- Equipe opérationnelle de 8 personnes (non médecins), avec un directeur opérationnel à leur tête, qui assure la logistique du centre de garde et les interactions en journée avec les hôpitaux partenaires.
- Activité moyenne d’une nuit de garde : entre 100 et 120 dossiers.
- Travail en partenariat avec 29 centres hospitaliers, exclusivement dans le cadre de l’urgence téléradiologique.
- Démarches en cours pour une ouverture de poste d’interne à IMADIS... à suivre :)
Interview du Dr Yann HETMANIAK
Après un clinicat au CHU de Montpellier, le Dr Yann Hetmaniak est devenu président de la CGTR et exerce en tant que radiologue libéral dans une clinique cévenole. Il fait partie des 13 collaborateurs responsables de "mettre en musique" l’activité des 280 téléradiologues du réseau. Il est important pour lui de continuer à avoir une activité de médecin radiologue "présentiel" pour le contact avec les patients.
Quand avez-vous créé votre entreprise ?
La CGTR a été créée en 2007 après un an d’étude juridique. L’aventure n’allait pas de soi à l’époque car il faut conjuguer les valeurs d’éthiques et de déontologie qui s’imposent à tout médecin avec des règles non médicales telles le code des marchés publics par exemple. Ce n’est pas simple mais c’est très important car il ne faut pas faire prendre de risque aux patients et aux médecins qui exercent sur le réseau CGTR. Par exemple, les téléradiologues sont responsables de la cotation des actes. Il est donc impératif que le logiciel (appelé SITM) reconnaisse les codes de la CCAM et que le téléradiologue puisse les modifier si nécessaire.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans le concept de la téléradiologie ?
Mon approche a été très pragmatique car je travaille en zone rurale et nous avons des difficultés à trouver des associés. Le nombre de patients augmentant sans cesse, la difficulté à remplacer nos anciens associés et mon intérêt pour l’informatique ont fait le reste.
Qu’est-ce qui vous a motivé à créer votre entreprise ?
En 2006, en France il n’y avait pas d’offre aboutie en Télémédecine et nous n’avons pas eu d’autre choix que de nous lancer dans l’aventure entrepreneuriale.
Avez-vous été inspiré par des pratiques vues à l’étranger ?
Après avoir étudié l’approche anglophone saxonne, basée sur les coûts, nous avons pris le parti de la Qualité et avons donc privilégié une approche Qualitative basée sur la proximité. Nous avons inventé un mode d’organisation original et atypique que nous qualifions de « téléradiologie de proximité à la française » ; en cela nous nous différencions fortement de la plupart des concurrents français et européens dont l’approche est low-cost (en fait, seule une autre société créée et dirigée par 5 radiologues lyonnais, spécialisés dans la garde partage notre approche).
L’exercice en téléradiologie requiert des moyens importants, tant en ressources humaines (comme je l’ai dit 13 collaborateurs CGTR ont une activité dédiée à la télémédecine), que techniques, organisationnelles ou médicales : il faut bien tout cela quand on veut assurer la prise en charge de qualité des 200 000 patients l’année dernière, avec la plupart des comptes rendus réalisés dans l’heure !
En effet, il est facile d’envoyer une image de A vers B. Il est en revanche beaucoup plus difficile de prendre en charge un malade en TLR car la distance majore les risques. Tous les risques : techniques, organisationnels, relationnels, médicaux...
On peut dire que les exemples nous ont inspiré négativement car nous sommes partisans d’une TLM de proximité qui permet les rencontres et facilite les échanges. Nous sommes médecins et la relation avec les confrères et les malades se construit dans la durée en se basant sur la qualité. À titre d'exemple la CGTR fournit les consoles d'interprétation avec écrans et logiciels médicaux agréés pour une activité diagnostique (classe CE IIa) car nous avons une obligation de moyens envers les malades.
En quoi le fonctionnement de votre centre diffère-t-il d’un cabinet de radiologie privé ?
La grande différence est liée à la distance, qui est de deux types : la distance culturelle entre des établissements publics et des radiologues, libéraux pour la plupart à cause d’un blocage statutaire des PH, et géographique. Dans un centre libéral, les radiologues connaissent les médecins demandeurs, les manipulateurs et souvent les patients. En téléradiologie, le téléradiologue ne les connaît pas, et ils ne le connaissent pas, il faut donc gagner la confiance des intervenants et s’assurer d’une pratique rigoureuse. La gestion des relations et des risques passe donc par un renforcement des procédures et des normes qualité. Tous les échanges sont enregistrés par écrit dans notre logiciel. Des audits réguliers sont réalisés dans les hôpitaux et, en collaboration entre la Direction Médicale et la communauté des téléradiologues, nous réalisons une double lecture des comptes rendus.
La CGTR a mis en place un cycle de formations sur la prise en charge en téléradiologie et sur la gestion des risques. Ces formations sont dispensées aux téléradiologues et sont agréées par l’Agence Nationale de Formation Continue (ANDPC).
Quel est le profil des médecins qui se joignent à vous ?
Ce mode d’exercice permet de prendre en charge des malades en gardes, en vacations sur tous types de modalités. Parallèlement, il est accessible aux radiologues de diplômes français, à jour des assurances obligatoires et de leur formation de radioprotection. Nous travaillons actuellement avec près de 280 téléradiologues exerçant soit depuis leur domicile, soit depuis le cabinet de leur groupe. Ils sont de tous âges, de tous sexes et de toutes formes d’exercice (hospitaliers, libéraux, mixte). Il faut être attiré par l’innovation, et aussi prêt à se prêter au jeu d’un nouveau mode d’exercice, et d’une collaboration médicale confraternelle à distance avec la communauté des radiologues.
Votre mode de vie est-il différent de celui des radiologues qui travaillent dans le privé ?
Le mode d’exercice est différent : le téléradiologue peut travailler de son domicile pour prendre en charge les malades. Il peut largement définir ses horaires de travail. Pour satisfaire aux exigences éthiques et déontologiques, il doit exercer dans un environnement adapté avec des outils adaptés. Dans le but de simplifier le travail des téléradiologues, la CGTR fournit la console d’interprétation avec écrans qui sont agréés pour une activité diagnostique et un support H24. Le mode d’exercice est différent, mais pas tant que cela car nous participons également à des staffs RCP. Les téléradiologues se déplacent également dans les centres hospitaliers afin de rencontrer les médecins demandeurs.
Avez-vous un ou des exemples de cas où vous avez perçu les avantages de la téléradiologie pour la prise en charge des patients ?
Les avantages sont nombreux, pour les malades et pour les médecins. A titre d’exemple, la communauté des téléradiologues est organisée par référence d’organes : plusieurs de nos confrères sur le réseau CGTR, sont anciens PH, spécialisés, et sont sollicités en cas de besoin. Parmi les hôpitaux actuellement partenaires du réseau CGTR, plusieurs ont recruté de nouveaux PH car la téléradiologie a permis de mutualiser la pénibilité liée aux gardes. Enfin pour les radiologues, l’intérêt est de concilier vie professionnelle et vie privée tout en contact avec une communauté de téléradiologues avec laquelle les échanges sont quotidiens sur les cas difficiles ou atypiques. Nous constituons une base de données de cas remarquables que nous partageons pour les formations par exemple.
Comment les relations avec les cliniciens diffèrent- elles lorsqu’on pratique dans le cadre de la téléradiologie ?
La relation n’est pas si différente. Après une phase d’observation, nous apprenons à nous connaître et à nous apprécier, ou non ! comme en présentiel ! En effet, il faut savoir que pour chaque patient, c’est le téléradiologue qui décide de la réalisation de l'acte et du protocole de réalisation. En urgence, un contact préalable au téléphone est obligatoire entre l’urgentiste et le téléradiologue. A la suite de cet appel téléphonique, l'ensemble des renseignements est tracé dans notre logiciel et horodaté. Nous rencontrons les médecins demandeurs lors des déplacements sur site que nous réalisons avec les Conseillers Médico-Organisationnels de CGTR.
Qu’est-ce qu’un CMO ?
Le CMO est Conseiller Médico-Organisationnel. C’est un nouveau métier créé pour renforcer le lien et la confiance entre le demandeur et le téléradiologue. Le CMO passe régulièrement dans les hôpitaux, en plus du téléradiologue, pour faire des audits qualité et des enquêtes de satisfaction afin d’améliorer nos procédures et de détecter les dérives potentielles avec la survenue d’un incident. Le CMO est la pierre angulaire de notre démarche Qualité.
Avez-vous la possibilité d’entrer en contact directement avec les patients en téléradiologie ?
C’est très simple : la CGTR conçoit la téléradiologie comme quand on est sur site, c’est-à-dire, que les téléradiologues sont postés et disponibles pour répondre aux questions des manipulateurs, médecins demandeurs et bien sûr des patients.
Quels sont les écueils à éviter pour ne pas transformer la pratique en prestation de services, loin de l’acte médical ?
Question fondamentale que seuls des médecins peuvent résoudre : qu’est-ce qu’une prise en charge médicale ?
Elle réunit un patient et un médecin au sein d’un colloque, espace clos, de confiance dans lequel le malade se confie. La confiance est donc fondamentale dans la relation. Cette confiance ne sera garantie que si la qualité de cette relation n’est pas dégradée par cette nouvelle pratique à distance. Ainsi la téléradiologie, à cause de la distance est plus complexe et donc plus coûteuse que l’exercice présentiel, mais les gains sont ailleurs. Les moyens mis à la disposition des téléradiologues et des malades doivent être à la hauteur des enjeux et la gestion des risques implique un suivi régulier des pratiques ; c’est de la conscience professionnelle.
Vous savez, les tenants de la téléradiologie lowcost ne sont pas médecins ; il suffit de voir ce qui se passe en France.
Nous tenons au contact téléphonique fréquent avec les correspondants, à la participation des médecins à l’organisation des soins et aux relations avec les hôpitaux, et nous mettons en place les premières RCP en téléradiologie, qui permettent de construire l’expertise téléradiologique de demain.
Qu’est-ce-qui empêchera que les images acquises en France ne soient lues par des radiologues dans d’autres pays ?
Dans un premier temps, je me permets de rectifier vos propos : un radiologue ou un téléradiologue ne lit pas des images. Nous prenons en charge des malades en imagerie médicale. Les mots ont du sens : n’oublions pas que nous sommes médecins avec tout ce que cela implique et la lecture du code de l’éthique et de la déontologie peut s’avérer utile. Pour répondre à votre question, je vous interroge : peut-on être empathique à distance, c’est-à-dire peut-on ressentir les sentiments d’autrui à distance ? Autrement dit, au téléphone ressentez-vous de la tristesse quand on vous annonce une nouvelle accablante ? Et bien oui. Ce que je veux dire c’est que l’on peut être un bon médecin même à distance car on peut faire preuve d’humanisme et de compassion malgré la distance.
Le problème ce n’est pas la distance, mais l’état d’esprit avec lequel on aborde cette pratique : une approche médicale ou une approche purement business ?
Pour notre part, nous sommes médecins et les valeurs de la CGTR sont l’Humanisme, la Qualité et l’Innovation.
Par ailleurs, l’exercice médicale est régulé en France et l’Ordre des médecins veille à juste titre à ce que seuls les médecins de diplôme français ou autorisés à le faire par la validation de leurs diplômes en France puissent exercer pour les patients du territoire français.
« Le problème ce n’est pas la distance, mais l’état d’esprit avec lequel on aborde cette pratique : une approche médicale ou une approche purement business ? »
Avez-vous déjà été confronté à une situation difficile dans le cadre de votre pratique de téléradiologie ?
Oui, quand nous étions de garde pour le CHU de Fort-de-France en 2010 et que le tremblement de terre est survenu en Haïti. Un nombre très important de blessés a été évacué sur la Martinique. La solidarité de la communauté des téléradiologues du réseau CGTR a été au rendez-vous car nous nous sommes relayés sans relâche plusieurs jours d’affilé pour prendre en charge les personnes polytraumatisées.
Qu’en est-il des responsabilités et de la rémunération du téléradiologue ?
Le téléradiologue est responsable de son compterendu, de son contenu et du délai dans lequel il le réalise. Il doit souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle spécifique pour la téléradiologie. La CGTR est responsable de l’infrastructure informatique, réseau et logicielle, du support technique et de l’organisation générale. Le téléradiologue gagne la totalité des honoraires prévus par la CCAM pour le scanner et l’IRM et 30 % pour la radiologie standard. Il faut préciser que ce sont des honoraires médicaux et qu’une société de téléradiologie ne peut pas les percevoir à sa place (notamment pour des raisons de TVA).
Pour aller plus loin
www.imadis.fr
www.cgtr.fr
Article paru dans la revue “Union Nationale des Internes et Jeunes Radiologues” / UNIR N°30