
Les défects de fermeture du tube neural représentent un spectre de maladie dans lequel il existe une insuffisance de fermeture des enveloppes protégeant la moelle épinière et les racines nerveuses de la queue de cheval (peau, méninges). Il existe ce que l'on appelle des dysraphismes fermés et des dysraphismes ouverts, dans lesquels la moelle est complètement exposée au milieu intrautérin et donc plus vulnérable. Selon le niveau d'atteinte et notamment dans la forme ouverte, et les anomalies fœtales associées, ces défects peuvent amener à des handicaps neurologiques sévères, des troubles urologiques, orthopédiques voire des atteintes cognitives liées au défaut de circulation du liquide céphalorachidien par herniation du tissu cérébelleux dans la fosse postérieure (malformation d'Arnold Chiari de type 2).

Dans un premier temps, il a fallu étudier la maladie pour en comprendre les mécanismes. Le mystère est loin d'être levé mais le début des années 1990 a été marqué par la découverte d'un facteur de risque majeur : le déficit en vitamine B9 (acide folique). La supplémentation systématique des femmes en désir de grossesse et enceintes au premier trimestre a permis de diminuer drastiquement la prévalence de l'atteinte à travers le Monde (1, 2). Cependant, une fois l'atteinte diagnostiquée, les options s'offrant aux couples étaient pendant longtemps limitées : interrompre la grossesse ou tenter une réparation post-natale dont les délais et les bénéfices restaient à prouver. Pour passer le cap du traitement anténatal, il a d'abord fallu comprendre que la notion de timing est essentielle dans la réparation des défauts de fermeture du tube neural « ouverts » : en effet, la moelle épinière ainsi exposée à la fois à l'environnement chimique pas si sympathique du liquide amniotique et aux contraintes mécaniques de frottements voire de contraction du muscle utérin (3). Cela fut prouvé par diverses équipes sur des modèles animaux qui ont permis d'ouvrir la porte aux essais chez l'homme. Ce fut chose faite en 1997 avec l'équipe de Bruner et al (4) réalisant une première tentative par voie endoscopique de pose d'un patch de peau d'origine maternelle recouvert de cellulose et adhérant via une glue à base de fibrine. Pour autant, les auteurs de l'époque affirmaient avec prudence la dangerosité et le caractère inacceptable d'une intervention à utérus ouvert devant le caractère non léthal de la maladie (du moins isolée). C'est donc plus tard et avec plus d'expérience, gardant à l'esprit les limites de l'approche endoscopique avec un échec fréquent de couverture du défect (3, 7), que des équipes comme celle de Sutton et al se lancent en 1998-1999 pour une approche par hystérotomie et abord direct (8). Les résultats sur la réduction de la hernie de la fosse postérieure sont satisfaisants, avec une confirmation par imagerie post-opératoire, mais le chemin reste long pour prouver l'intérêt du geste ! Cette première série est malheureusement marquée par des décès précoces et des conséquences liées à la prématurité, particulièrement après des interventions tentées à 22-23 semaines d'aménorrhée. Il devenait essentiel de se pencher davantage sur le meilleur moment pour obtenir un rapport bénéfices-risques acceptable. Après quelques années, le bilan s'éclaircit avec la série rétrospective de Johnson en 2003 qui rapporte une disparition de la herniation de la fosse postérieure, une diminution de la nécessité de shunt intra -ventriculaire et une amélioration de la fonction motrice des membres inférieurs (9). Une avancée non négligeable mais toujours ce questionnement sur le devenir à long terme des enfants opérés. Et finalement, où en est-on aujourd'hui sur les risques et bénéfices associés à cette procédure audacieuse ? En somme, les progrès sont notables, rapportés par l'essai randomisé contrôlé MOMS qui rapporte les résultats d'une chirurgie prénatale comparée à une chirurgie postnatale (10) : on observe une diminution de la malformation de type Chiari 2 (herniation postérieure, dérivation ventriculaire), un meilleur pronostic moteur avec augmentation des chances d'obtenir la marche. Les bénéfices escomptés sont plutôt décevants sur la fonction urinaire avec une diminution des reflux vésico-urétéraux, de l'incompétence urétrale et des vessies de lutte, avec en revanche une nécessité de sondages urinaires intermittents qui augmente avec l'âge de l'enfant (11, 12). On ne note pas d'amélioration sur le plan des fonctions cognitives, de la constipation chronique qui reste très fréquente et des troubles musculo-squelettiques (13, 15). Une dernière atteinte qui reste également difficile à traiter est le syndrome de la moelle attachée qui résulte des problèmes d'adhérences avec les tissus pathologiques autour de la placode et qui résultent en des douleurs, des dysfonctions motrices, des troubles de l'équilibre et de la marche, une scoliose, une spasticité, des contractures et des dysfonctions urinaires (16). Bien sûr, la chirurgie ouverte à des termes précoces autour de 26 semaines d'aménorrhée peut être associée à une prématurité et une rupture des membranes. Et sur le plan maternel, à ne pas oublier, on prévoit une césarienne programmée systématique et un risque bien supérieur de rupture utérine (d'un rapport de 3 !) qui pousse à respecter un délai supplémentaire de 24 mois après une telle chirurgie. Sous réserve d'une amélioration technique et de progrès en chirurgie fœtoscopique, la chirurgie ouverte semble supérieure en termes de survie fœtale, de rupture des membranes, de risque d'infection intra-utérine, de prématurité induite et de herniation de la fosse postérieure (3). En conclusion, malgré ce bilan panaché et de larges perspectives d'évolution, on ne peut que s'émerveiller des progrès techniques et de l'audace des pionniers qui osèrent pour la première fois s'aventurer dans un utérus en pleine gestation pour réparer chirurgicalement une malformation ! En effectuant bien sûr une sélection des fœtus et des mères pouvant bénéficier au mieux de cette intervention et en gardant un conseil médical approprié pour les couples. On peut pour sûr se sentir inspirés pour la suite et poursuivre les efforts dans le sens de l'innovation, avec comme pistes des thérapies cellulaires qui ont déjà fait l'objet d'essais chez l'animal (3) ! Future is ours.

Morgane GOETZ-FU
Bibliographie
1. Grivell RM, Andersen C, Dodd JM. Prenatal versus postnatal repair procedures for spina bifida for improving infant and maternal outcomes. Cochrane Database Syst Rev. 2014 Oct 28;2014(10):CD008825.
2. Prevention of neural tube defects: Results of the Medical Research Council Vitamin Study. The Lancet. 1991 Jul 20;338(8760): 131–7.
3. Scott Adzick N. Fetal surgery for spina bifida: Past, present, future. Seminars in Pediatric Surgery. 2013 Feb 1;22(1):10–7.
4. Bruner JP, Tulipan NE, Richards WO. Endoscopic coverage of fetal open myelomeningocele in utero. American Journal of Obstetrics and Gynecology. 1997 Jan 1;176(1, Part 1):256–7.
5. Verbeek R, Heep A, Maurits N, Cremer R, Brouwer O, van der Hoeven J, et al. Does fetal endoscopic closure of the myelomeningocele prevent loss of neurologic function in spina bifida aperta? Cerebrospinal Fluid Research. 2010 Dec 15;7(1):S18.
6. Kabagambe SK, Jensen GW, Chen YJ, Vanover MA, Farmer DL. Fetal Surgery for Myelomeningocele: A Systematic Review and Meta-Analysis of Outcomes in Fetoscopic versus Open Repair. Fetal Diagn Ther. 2018;43(3):161–74.
7. Kohl, Thomas; Gembruch, Ulrich. Current Status and Prospects of Fetoscopic Surgery for Spina Bifida in Human Fetuses - ProQuest. Fetal Diagnosis and Therapy [Internet]. 2008 Oct [cited 2024 Jul 14]; Available from: https://www.proquest.com/openview/cd8b 70fc2b5b825ef558b8026f508a25/1?pq - origsite=gscholar&cbl=34184.
8. Sutton LN, Adzick NS, Bilaniuk LT, Johnson MP, Crombleholme TM, Flake AW. Improvement in Hindbrain Herniation Demonstrated by Serial Fetal Magnetic Resonance Imaging Following Fetal Surgery for Myelomeningocele. JAMA. 1999 Nov 17;282(19):1826–31.
9. Johnson MP, Sutton LN, Rintoul N, Crombleholme TM, Flake AW, Howell LJ, et al. Fetal myelomeningocele repair: short-term clinical outcomes. American Journal of Obstetrics and Gynecology. 2003 Aug 1;189(2):482–7.
10. AdzickNS,ThomEA,SpongCY,BrockJWI,BurrowsPK,JohnsonMP,etal.TheNewEngland Journal of Medicine. Massachusetts Medical Society; 2011 [cited 2024 Jul 14]. A Randomized Trial of Prenatal versus Postnatal Repair of Myelomeningocele. Available from: https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1014379.
11. Brock JW, Thomas JC, Baskin LS, Zderic SA, Thom EA, Burrows PK, et al. Effect of Prenatal Repair of Myelomeningocele on Urological Outcomes at School Age. J Urol. 2019 Oct;202(4):812–8.
12. Clayton DB, Thomas JC, Brock JW. Fetal repair of myelomeningocele: current status and urologic implications. Journal of Pediatric Urology. 2020 Feb 1;16(1):3–9.

