Au bout de ces années, qui devaient nous apprendre l’art et la manière d’une meilleure « efficience médicoéconomique », vous prenez un système hospitalier « en porcelaine », vous y ajoutez de l’« hyperspécialisation », vous agitez fortement le tout avec une crise sanitaire, et vous obtenez le plébiscite d’une médecine globale, graduée, en lien avec la ville et ses urgences, à l’interface avec toutes les autres spécialités : la Médecine Hospitalière Polyvalente (MHP) !
Mais cette discipline serait-elle, par l’enthousiasme qu’elle suscite aujourd’hui, immunisée des risques qui menacent beaucoup de spécialités, comme l’évolution démographique et le manque d’attractivité ? Certainement pas !
Depuis 10 ans, la Fédération Française de Médecine Polyvalente (FFMP) devenue Société Française de Médecine Polyvalente (SFMP : www.sfmp.org) se mobilise pour faire reconnaître cette pratique médicale dans l’offre de soins, ainsi qu’à la faculté. Elle fait le lien avec de nombreux interlocuteurs, institutions et tutelles (fig 1) pour mettre en œuvre une réflexion globale sur notre métier et apporter les réponses aux hiatus administratifs et ordinaux qui persistent. Bien consciente depuis la première heure de sa pertinence et du déséquilibre à prévoir entre « l’offre » et « la demande », elle persévère à promouvoir ses pratiques dès qu’elle le peut, pour porter, avec d’autres bien sûr, haut et fort ses exigences d’excellence.
Le 12 mai dernier, les représentants de la SFMP furent reçus à la séance plénière de la Conférence Nationale des PCME des CH pour présenter, et, si besoin était, de mettre en lumière la Médecine Hospitalière Polyvalente. Surtout, c’était aussi l’occasion d’aborder les questions auxquelles il faudra, sans trop attendre, apporter ensemble des réponses.
Une courte présentation de l’« odyssée » de la SFMP fût suivie d’échanges enthousiastes, passionnés, régulièrement ponctués de « pourquoi ne s’est-on pas croisés plus tôt ? ». Difficile d’être exhaustif ; alors essayons d’être synthétiques :
« … Merci d’exister… »
Le bien-fondé des sujets portés, depuis la première heure, par la SFMP en France auprès des institutions et des pouvoirs publics, et son engagement pour sa reconnaissance rendent à présent aux yeux de tous, très légitime la SFMP à représenter, avec d’autres certainement, la Médecine Hospitalière Polyvalente (MHP).
« … Nous, aux urgences, on mesure bien le service rendu par la MHP... »
La MHP, dans sa valence MCO, est, il faut le rappeler, un des principaux interlocuteurs des urgences en raison de la polyvalence de ses prises en charge et de ses réponses. Elle est aussi très souvent une alternative du recours aux SAU puisque fortement impliquée dans le lien ville/hôpital. Dans le contexte que nous connaissons (permanence de soins, lits d’aval), la SFMP peut prétendre apporter son éclairage sur cet exercice essentiel.
« … et le SSR polyvalent… ? »
À la veille de l’application de la réforme des SSR devenant prochainement SMR (décrets du 11 janvier 2022), un positionnement à présent clarifié de la MHP avec une définition des SMR Polyvalents, au même titre que les autres SMR « spécialisés ». Ici aussi, une perspective de « parcours patient » se dessine en toute logique et pertinence avec la MHP.
« ... Puisque la MHP prend en soins globalement le patient, alors il faut de la MHP partout : même en chirurgie... »
La SFMP défend donc un exercice de la MHP (Fig 2) dans les services suivants :
• En services dédiés de médecine hospitalière polyvalente.
• En SSR.
• En chirurgie en collaboration avec nos collègues chirurgiens et anesthésistes dans la gestion des comorbidités pour des patients de plus en plus « polypathologiques ». De nombreuses expériences et innovations sont en cours en France, et toutes plébiscitées.
• En Psychiatrie avec le sujet des soins somatiques pour une population très impactée par les comorbidités et les facteurs de risques.
• Et finalement même dans des services dits de « spécialités d’organes » avec des praticiens de MHP expérimentés dans la prise en charge globale et le travail en interdisciplinarité.
« … La MHP comme chef d’orchestre : le bon patient, au bon endroit, au bon moment… »
Les progrès médicaux et des techniques médicales ont nécessité une spécialisation voire une hyperspécialisation tout à fait utile à la prise en charge de nos patients. Mais ces expertises doivent être assorties d’une coordination et d’une prise en soins transversale, globale, en interdisciplinarité, à l’instar d’autres pays, notamment en Europe.
C’est le rôle de la MHP : proposer partout et pour tous une prise en soins graduée qui, seule, améliorera le parcours du patient dans son environnement géographique (importance de la proximité ; concept de responsabilité populationnelle, liens avec les CPTS) mais aussi dans ses soins et leur pertinence (efficience médico-économique).
« … La MHP, en tant que discipline, doit s’apprendre et s’enseigner… ! »
Déjà des DIU existent, d’autres vont très prochainement voir le jour ; à chaque fois tournés vers les pratiques et notre place dans l’offre de soins. L’objectif : mettre à disposition de ses praticiens un « bouquet » de formations, ceci afin d’étendre ses compétences et pouvoir mettre en place, avec les spécialistes concernés, un parcours patient sur son territoire : « savoir pour faire ».
Une Formation Spécialisée Transversale de Médecine Hospitalière Polyvalente, sera ouverte en novembre 2022. Dans chaque CHU, la SFMP est associée à son pilotage avec la médecine Générale, la Médecine Interne et la Médecine Gériatrique.
Figure 2 : les 5 modes d’exercice que la SFMP défend pour la Médecine Hospitalière Polyvalente
« … La MHP doit s’organiser… »
Se compter, en premier lieu, par un recensement et une cartographie. Puis continuer à dimensionner nos actions à l’échelle nationale, et en même temps, régionale puisque c’est à l’échelle du territoire qu’il nous faut projeter nos actions. En ce sens, des « collèges » se mettent en place, des représentants sont disponibles pour chaque université et chaque ARS.
« … Hiatus… Quel hiatus ?... »
Celui de la qualification ordinale actuellement non appropriée pour la plupart de ces praticiens qui, par leur formation initiale, sont qualifiés en Médecine Générale mais ne répondent pas à ses modalités d’exercice puisqu’exerçant exclusivement en milieu hospitalier. En perspective, des difficultés attendues pour la re-certification1, 2, périodique qu’il est nécessaire d’anticiper. De larges discussions avec le CNOM sont en cours.
« … Et maintenant ; que fait-on… ? »
La SFMP va continuer ; continuer à porter ces sujets à chaque fois que l’opportunité lui sera donnée ; continuer à mettre en lien toutes celles et ceux impliquées ; continuer à participer activement à chacune des missions qui lui seront confiées (formation, recherche clinique) ; en proposer de nouvelles (DU, congrès) ; continuer à mobiliser les praticiens pour qu’ils la rejoignent, la soutiennent en s’impliquant dans son fonctionnement et les travaux qu’elle mène, puisque sans eux, rien ne sera possible. La Médecine Hospitalière Polyvalente, doit maintenant réunir autour des sujets qu’elle soulève (cartographie / place dans l’offre de soins / professionnalisation de son exercice), chacun des interlocuteurs impliqués (Fédérations Hospitalières, Conseil de l’Ordre, CNP de médecine interne, FSM, Présidents de CME, DGOS… et les syndicats hospitaliers), puisque ce n’est que collectivement que nous pourrons poursuivre ce chemin vers une légitime reconnaissance.
Alors… rejoignez-nous dans cette marche !!!
1. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043814566
2. https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/rapport-sur-la-recertification-des-medecinsgarantir-l-amelioration-continue-de
Dr L. HÉRY
Médecin Hospitalier Polyvalent,
CH Le Mans, GHT Sarthe,
coordinateur actions de la SFMP
Dr C. LEROUX
Médecin Hospitalier Polyvalent CH de Dreux,
GHT d’Eure et Loir,
président de la SFM
Dr Y. POULINGUE
Médecin Hospitalier Polyvalent
CH d’Eu, GHT Caux Maritime
Coordinateur commission Formation
Initiale et Continue de la SFMP
Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH n°24