Actualités : La GPA : entre interdiction et débats éthiques - Où en est-on en 2025 ?

Publié le 24 sept. 2025 à 14:23
Article paru dans la revue « AGOF / Le Cordon Rouge » / AGOF N°28

Un peu d'histoire

L'idée de porter un enfant pour autrui n'est pas nouvelle. Des pratiques analogues existaient déjà dans l'Antiquité, bien que sous des formes différentes. Dans certaines sociétés anciennes, lorsqu'une femme était infertile, elle pouvait demander à une autre femme – souvent une esclave ou une servante – de concevoir et de porter un enfant pour son compte (John M. Riddle, 1994). Cette forme ancienne de « maternité de substitution » est mentionnée, y compris dans des récits bibliques, comme l'histoire d'Abraham, Sara et Agar (Genèse 16 : 1-16). Toutefois, ces pratiques se déroulaient dans un cadre social très différent et n'impliquaient aucune des techniques médicales modernes de procréation assistée.

En France, dans les années 1980, des initiatives de maternité de substitution ont été organisées par des associations qui mettaient en relation des couples infertiles et des femmes prêtes à porter un enfant après insémination artificielle. Dans ces cas, la mère porteuse était encore à la fois gestatrice et génitrice. Ces pratiques ont rapidement été interdites, bien que des arrangements clandestins aient subsisté.

Parallèlement, la GPA moderne a émergé avec les avancées médicales des années 1980, en particulier avec l'introduction de la fécondation in vitro (FIV), et a permis de dissocier la gestation de la conception génétique. Et si les progrès de la médecine reproductive ont, depuis ce temps, bouleversé les frontières de la parentalité, la gestation pour autrui (GPA) reste l'une des techniques de procréation médicalement assistée les plus controversées.

 

C'est quoi alors la GPA ?

Selon l'ESHRE (Writing Group on behalf of the ESHRE Ethics Committee et al., 2025), la GPA englobe toute situation où une femme porte un enfant pour des parents d'intention, qu'elle soit ou non liée génétiquement à l'enfant. On distingue donc la GPA gestationnelle, qui peut impliquer les gamètes des parents d'intention, des donneurs externes, ou un don complet d'embryon, et la GPA traditionnelle, ou « procréation pour autrui », dans laquelle la gestatrice fournit également l'ovule, étant ainsi la mère génétique de l'enfant.

Ainsi, qu'il existe ou non un lien génétique entre l'enfant et les parents d'intention ‒ ou entre l'enfant et la gestatrice ‒ la GPA reste avant tout définie par la dissociation entre la gestation et la parentalité légale, fondée sur un projet parental anticipé.

Une interdiction française sous tension
En France, la GPA demeure interdite par la loi depuis 1994, au nom du principe de l'indisponibilité du corps humain (article 16-7 du Code civil), qui précise que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle ». Ainsi, aucun contrat de GPA n'est reconnu juridiquement en France et c'est une loi dont la version n'a subi aucune modification depuis son inscription dans la loi de Bioéthique de 1994. Bien que la GPA soit interdite, la loi ne prévoit pas de sanctions pénales directes pour les parents d'intention ou les mères porteuses. Ce qui est sanctionné, c'est la nullité des conventions : les contrats de GPA n'ont aucun effet juridique, et les parents d'intention ne peuvent pas faire reconnaître légalement leur parentalité à l'égard de l'enfant né par GPA en France.

Dans ce contexte, il est important d'admettre que le “cross-border reproductive care” est un phénomène fréquent et n'est pas un tabou parmi les sociétés savantes comme l'ESHRE en Europe ou l'American Society for Reproductive Medicine (ASRM), qui ont même émis des recommandations pour, non pas dénigrer cette pratique, mais justement garantir la santé et la sécurité, y compris dans le cadre de GPA, des mères porteuses et des parents d'intention. Beaucoup de personnes faisant donc recours à la GPA à l'étranger, la jurisprudence française a dû évoluer sous la pression de la Cour européenne des droits de l'homme (affaire Mennesson, 2014).

En 2019, la Cour de cassation a accepté la transcription intégrale des actes de naissance des enfants nés de GPA à l'étranger, une avancée majeure pour les familles concernées.

Bien que la pratique elle-même demeure prohibée sur le sol français, le sujet a suscité des débats. Le Comité Consultatif National d'Éthique (CCNE) a plusieurs fois été réuni pour réfléchir sur le sujet, notamment dans ses avis 110 (2010), 129 (2018) et plus récemment le 149 (2025), mais les risques d'exploitation des femmes et de marchandisation du corps humain sont restés des préoccupations prioritaires. En 2021, lors de la dernière révision des lois de Bioéthique, de nouvelles discussions intenses ont eu lieu au sein du Parlement et de la société civile, mais elles n'ont pas non plus abouti à une modification de l'interdiction de la GPA en France.

Enfin, si la GPA elle-même n'est pas pénalement sanctionnée pour les particuliers, la médiation ou l'organisation de la GPA peut, quant à elle, être punie pénalement. En vertu de l'article 227-12 du Code pénal, toute personne qui fait office d'intermédiaire (comme les agences ou individus qui facilitent la GPA) encourt des sanctions, avec des peines allant jusqu'à six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende.

Les réalités internationales : un patchwork juridique
Dans le reste du monde, le paysage est très contrasté. Si la GPA est interdite dans de nombreux pays européens (France, Allemagne, Espagne), elle est légale et encadrée dans d'autres : GPA commerciale dans certains États américains (Californie, Illinois), GPA altruiste au Royaume-Uni, au Canada ou en Grèce. Enfin, le vide juridique qui peut exister dans certains pays, et aussi autour de certains cas particuliers, peut entraîner davantage de complications pour l'accès aux soins médicaux et à la protection juridique (Trimmings et al., 2024).

Le phénomène de « tourisme reproductif » est aujourd'hui bien documenté, posant la question de l'équité et de la sécurité sanitaire pour les mères porteuses et les enfants nés par GPA (Kneebone et al., 2022). La récente criminalisation par l'Italie du recours à la GPA à l'étranger illustre bien l'intensité croissante des débats européens sur le sujet. Un autre exemple de la complexité de la perception de la GPA est l'Inde, qui a longtemps été un centre mondial pour la GPA commerciale en raison de ses coûts abordables et de l'absence de régulations strictes jusqu'à récemment. Néanmoins, devant des pratiques abusives et des abandons de projet parental, les autorités indiennes ont interdit la GPA commerciale en 2015 pour les étrangers, et en 2018 pour les couples indiens non mariés, permettant uniquement la GPA altruiste et dans des conditions très strictes. Un autre cas emblématique des dérives potentielles de la GPA commerciale est celui de Pattharamon Janbua, une mère porteuse thaïlandaise qui, en 2014, a donné naissance à des jumeaux pour un couple australien. Lorsque l'un des enfants, Gammy, est né atteint de trisomie 21, le couple a décidé de ne repartir qu'avec l'enfant en bonne santé, laissant Gammy à la gestatrice. Ce cas a suscité une vague d'indignation internationale et a conduit la Thaïlande à interdire la GPA commerciale pour les étrangers en 2015, mettant en lumière les risques de marchandisation et d'abandon des enfants en cas de handicap.

Éthique et justice reproductive : la place de la GPA pour indication médicale

Parallèlement aux débats publics d'accès à la GPA, certaines situations médicales peuvent rendre toute grossesse impossible ou mettre en danger la vie de la patiente. Le syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster- Hauser, par exemple, touche environ 1 femme sur 4 500 et se traduit par une absence congénitale d'utérus, bien que les ovaires soient fonctionnels. Les hystérectomies chez les femmes jeunes, réalisées pour raisons oncologiques ou obstétricales, représentent également une part importante des indications théoriques. Enfin, des pathologies graves comme les cardiopathies à haut risque maternel, les syndromes d'Asherman majeurs ou encore les échecs répétés d'implantation embryonnaire (RIF) sont autant de situations médicales où la GPA pourrait constituer une réponse éthique et pragmatique.

Ces situations rappellent que derrière le débat sociétal, il existe une souffrance médicale bien réelle. L'ESHRE, dans son papier récent, recommande de réfléchir à des critères équitables et transparents d'accès, fondés sur des indications médicales et non sur des facteurs économiques ou sociaux. Il se pose inévitablement la question de la justice reproductive : pourquoi priver certaines femmes, pour qui la grossesse est médicalement impossible, d'une parentalité biologique qui leur est théoriquement accessible par GPA ? De plus, seuls les couples ayant les moyens financiers peuvent, à ce jour, contourner la législation française en recourant à la GPA à l'étranger.

Et ensuite ?

La GPA, au croisement de la biomédecine, de la famille et de l'éthique, soulève de nombreuses interrogations en sciences humaines et sociales. Elle est analysée à travers les principes fondamentaux de la bioéthique (Beauchamp, 2013) : bienfaisance, non-malfaisance, autonomie, justice, tout en interrogeant les effets sociaux, juridiques et psychologiques de la dissociation entre procréation, gestation et parentalité, et ceci pour chacune des personnes impliquées (l'enfant, la mère porteuse, les parents d'intention). Une littérature scientifique s'enrichit à grande vitesse, avec de plus en plus d'études menées sur l'épidémiologie mais aussi sur les impacts psycho-socio-économiques de la GPA.

Les professionnels de santé, et les gynécologues-obstétriciens en première ligne face à la souffrance des patientes, ont un rôle clé à jouer dans ce débat éthique majeur des années à venir.

Dans le cadre d'un mémoire de Master 1 en éthique et sciences humaines appliquées à la santé, un questionnaire a été élaboré à destination des internes et praticiens en gynécologie-obstétrique. L'objectif est d'explorer la perception des professionnels de santé sur la gestation pour autrui (GPA) dans des situations d'infertilité médicale irréversible (hystérectomie, syndrome de MRKH, contre-indications obstétricales majeures, etc.). À partir de cas cliniques concrets, l'étude vise à analyser les critères d'acceptabilité éthique et médicale ainsi que les limites posées par les soignants. Le projet, qui peut s'inscrire dans le cadre d'un projet de recherche en M2, est actuellement en attente d'une personne intéressée pour assurer la phase de diffusion (avec l'aide de l'AGOF bien sûr), de recueil et d'analyse des réponses. Contactez-nous pour plus d'informations !

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Références

1.  Riddle J.M., Contraception and Abortion from the Ancient World to the Renaissance, Harvard University Press, 1994.

2.  Writing group on behalf of the ESHRE Ethics Committee et al., “ESHRE good practice recommendations on cross-border reproductive care for services of assisted reproductive technology and intrauterine insemination”, Human Reproduction Open, 2025.

3.  Morcel K., Camborieux L., Prades D., Guerrier D., “Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser (MRKH) syndrome”, Orphanet Journal of Rare Diseases, 2007.

4.  Cour européenne des droits de l'homme, Affaire Mennesson c. France, 2014.

5.  Comité consultatif national d'éthique (CCNE), Avis n°110. La gestation pour autrui, 2010.

6.  Comité consultatif national d'éthique (CCNE), Avis n°129. Révision des lois de bioéthique : quelles options pour la France ?, 2018.

7.  Comité consultatif national d'éthique (CCNE), Avis n°149. Procréation et société : perspectives éthiques sur les pratiques et les législations, 2025.

8.  Trimmings K., Beaumont P., International Surrogacy Arrangements: Legal Regulation at the International Level, Hart Publishing, 2024.

9.  Kneebone S., Davison C., Millbank J., The International Handbook on Surrogacy and the Law, Edward Elgar Publishing, 2022.

10.  Beauchamp T.L., Childress J.F., Principles of Biomedical Ethics, 7e édition, Oxford University Press, 2013.

Radostina VASILEVA 
Pour l'AGOF

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