L’exerice en établissement privé

Publié le 12 May 2022 à 01:44

L’importance du contrat d’exercice

L’article 83 du code de déontologie, et l’article L 41.13- 9 du code de santé publique, rendent obligatoire la signature d’un contrat écrit entre le médecin et l’établissement de soins dans lequel il travaille.

1 - Introduction
• En 2017, on compte en France 1030 établissements de soins privés à but lucratif. Ils emploient 4000 salariés. 40 000 médecins libéraux y travaillent [1].
• Les médecins libéraux y exercent de manière exclusive ou pas ; leur cabinet est au sein de l’établissement ou non ; leur activité y est épisodique ou permanente.
• Pendant la période 1980 à 2000, les cliniques se sont regroupées parfois, mais de très nombreuses ont été rachetées par des groupes financiers régionaux et surtout nationaux, voire étrangers.
• Les contrats des praticiens, propriétaires de leurs cliniques, se sont imposés aux groupes financiers acheteurs. Ils étaient globalement très protecteurs pour les médecins. Les médecins intégrés depuis dans les cliniques des groupes doivent signer des contrats “imposés” par les cliniques, dont les équilibres sont très différents.
• Le CLAHP (Comité de Liaison et d’Action de l’Hospitalisation Privée) réunit la FHP (Fédération de l’Hospitalisation Privée) et syndicats des médecins libéraux. Il a publié des recommandations le 24.02.1974. Depuis de très nombreuses réunions de réactualisation ont été organisées sans aboutir. Entre 1974 et 2017, la stratégie des dirigeants de la FHP a beaucoup évolué.
• L’article 83 du code de déontologie, et l’article L 41.13-9 du code de santé publique, rendent obligatoire la signature d’un contrat écrit entre le médecin et l’établissement de soins dans lequel il travaille.

En cas de litige, les juges se référeront au contrat type du Conseil de l’Ordre.

2 - Principes du contrat
1- Il doit être écrit [2]
• Le code de déontologie et le code de la santé publique déjà énoncés le précisent.
• Si la clinique le refuse, le praticien doit adresser une lettre RAR à la clinique, lettre qui en attestera en cas de litige.
• Seront ainsi précisés sa durée déterminée ou indéterminée, son caractère “privilégié” ou non, le montant des redevances, les conditions de sa rupture, sa cessibilité.
• Il s’impose si le médecin exige un “exercice privilégié”. Il devra alors être modifié à chaque évolution de la pratique ou éventuelle association.
• Le reste des clauses est plus classique, se référant au contrat type du Conseil de l’Ordre des Médecins [3]. Mais chacune doit être étudiée, et éventuellement discutée.
• Le Conseil départemental de L’Ordre des Médecins doit en avoir communication [4].
• Mais il est plus souvent maintenant verbal. Il est alors à durée indéterminée. En cas de litige, les juges se référeront au contrat type du Conseil de l’Ordre. La contestation sur la durée de préavis, et les préjudices éventuels de la rupture pour les deux parties se feront sur cette même référence.

2- Clauses liées à la déontologie
• L’absence de subordination est à l’origine de ces clauses.
• Le secret médical, l’indépendance de prescription et de pratique professionnelle, le libre choix du patient sont les principaux articles.
• Il ne peut y avoir de clause de rentabilité.
• La permanence des soins est inscrite ; le principe des urgences et des gardes est organisé, d’autant plus si l’établissement participe à l’exécution du service public hospitalier.
• Le remplacement en cas d’absence ou de maladie.

3- Clauses liées à la sécurité de l’exercice professionnel, et aux contraintes imposées à la clinique
• Obligation d’une assurance en RCP couvrant précisément l’activité médicale.
• Dossiers médicaux dont les conditions sont définies dans le décret du 30.03.1992.
• Le contrat doit préciser les conditions de participation du praticien aux obligations de la clinique concernant la certification et l’évaluation médicale selon l’article L.6113-3 du code de santé publique. Il en est de même pour la mise en œuvre des vigilances et de la lutte contre les infections nosocomiales.

4- Clauses financières
• Les frais de gestion des dossiers et des honoraires doivent être précisés. Le coût réel doit être la base des calculs.
• Honoraires : la facturation incombe à la clinique par l’intermédiaire du bordereau informatique de transmission dit “S3404”, transmis aux caisses d’assurance maladie. Les praticiens doivent s’organiser pour le recouvrement de leurs honoraires ; ou individuellement, ou dans le cadre d’un compte mandataire les regroupant au sein de l’établissement, voire par l’intermédiaire d’un GIE (Groupement d’Intérêt Economique). Les nouvelles conventions médicales interdisent que le compte mandataire soit au nom de la clinique ou de l’un de ses employés.
• La clinique reçoit des “forfaits couvrant les frais occasionnés par l’utilisation d’un secteur opératoire ou interventionnel avec mise à disposition des moyens techniques et humains à la réalisation des actes” selon le décret H 2001-356 du 23/04/2001. La prise en charge de l’aide opératoire incombe au praticien.
• Le principe de la transparence financière s’impose, et pourra être opposable.

3 - L’importance du contrat
• Elle découle de tout ce qui vient d’être exposé, dans toute sa complexité, mais :
Il organise l’exercice professionnel du médecin, il ne pourra pas être mis en défaut par la clinique en cas de contestation sur les dossiers, la permanence des soins, les gardes…
• Il protège le médecin pour les clauses financières, les concurrences, les préavis, la rupture du contrat…
• Il sera la base retenue par les tribunaux face à la clinique.
• Le médecin devra rencontrer la CME en cas de difficulté lors de sa négociation avec la clinique.
• La complexité du contrat nécessite l’aide d’une aide juridique spécialisée lors de sa négociation. L’investissement ne sera jamais regretté [4

4 - Les problématiques en suspend
• Les cliniques ne proposent souvent plus de contrat. Le contrat du Conseil de l’Ordre des Médecins sera alors la base dans un éventuel conflit, avec ses imprécisions quant à l’exercice spécifique du médecin mis en cause.
• Voire, les cliniques proposent un contrat dont certaines clauses sont très en retrait évident par rapport au contrat du Conseil de l’Ordre.
• Le compte mandataire, encore effectif dans de nombreuses cliniques, doit disparaître au profit d’un GIE lourd à mettre en place.
• Les juges sont tentés de protéger l’exploitation de la clinique par rapport à un montant d’indemnisation qui paraîtrait important.
• L’accès des sages-femmes libérales aux plateaux techniques remet en cause nos pratiques et nos contrats. Certains contrats proposés ne font aucune mention des relations médicales avec les équipes en places et avec les médecins responsables de la garde. D’autres contrats ont été rédigés essentiellement dans l’esprit du système de soins des hôpitaux. Ce dernier point doit être abordé dans sa globalité par notre spécialité.

5 - Conclusion
La négociation, puis la signature d’un contrat écrit médecin-clinique sont indispensables et s’imposent légalement, et ce avant le début de l’activité. Seront ainsi favorisées la sécurité, la sérénité et l’efficience du travail tout au long de l’exercice professionnel. Il existe maintenant un déséquilibre en défaveur des médecins, les groupes de cliniques proposant volontiers des contrats en retrait par rapport au contrat type du Conseil National de l’Ordre des Médecins. C’est le rôle des syndicats de médecins de faire avancer les négociations bloquées depuis trop longtemps.

6 - Bibliographie
1- Clément - Médecin libéral ou salarié, les deux modes d’exercice dans le secteur privé lucratif – Profil Médecin 17.08.2016
2- Le contrat d’exercice entre le médecin et la clinique – Commission plateaux techniques – Les feuillets de L’URMLA 10.2005
3- Ordre National des Médecins, Conseil national de l’Ordre : Contrat entre praticiens et cliniques privées
4- La lettre d’Asspro scientifique – Contrat médecins cliniques : ce qu’il faut savoir - P. Cohen 06/2014

E. PEIGNÉ
Article paru dans la revue “Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France” / SYNGOF n°111

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