L’Epcoritamab - Un nouvel anticorps dans le lymphome B diffus à grandes cellules

Publié le 04 Apr 2024 à 14:59
Article paru dans la revue « AIH-Revue Sang » / AIH Sang N°1


Epcoritamab, a Novel, Subcutaneous CD3xCD20 Bispecific T-Cell–Engaging Antibody, in Relapsed or Refractory Large B-Cell Lymphoma: Dose Expansion in a Phase I/II Trial

L’Epcoritamab, un nouvel anticorps bispécifique CD3xCD20 administré par voie sous-cutanée dans le lymphome B diffus à grandes cellules : une cohorte d’expansion dans un essai de phase I/II

Justificatifs et objectifs de l’étude

Le lymphome B diffus à grandes cellules (LBDGC) réfractaire ou en rechute représente toujours un défi thérapeutique à l’heure actuelle du fait d’un faible taux de réponse aux traitements et d’une survie médiane courte malgré le traitement par CAR-T cells. À l’heure actuelle l’inéligibilité aux CAR-T, leur temps de conception et d’acheminement peuvent constituer des obstacles au traitement de ces patients et le développement de nouvelles approches est nécessaire en cas d’échec ou en alternative à ce traitement.

Nous rapportons ici une étude de phase I/II portant sur l’efficacité de l’Epcoritamab un anticorps bispécicifique anti-CD3 et anti-CD20 dans la prise en charge de patients présentant un lymphome B de haut grade en rechute ou réfractaire. Cet essai multi-centrique comprend 157 patients présentant un lymphome B de haut grade en rechute ou réfractaire de type LBDGC (139 patients), lymphome B non spécifié (9 patients), lymphome primitif du médiastin (4 patients), lymphome folliculaire de grade 3B (5 patients) ayant reçu un minimum de 2 lignes de traitement dont une immuno-chimiothérapie contenant un anti CD20 et un échec ou une inéligibilité à l’autogreffe. Des patients traités préalablement par CAR-T cells ont été inclus dans cette étude. Les patients ont été traités par Epcoritamab administré par voie SC à dose croissante (0.16mg à J1, 0.8mg à J8, puis une pleine dose de 48mg à J15). Le rythme d’injection était d’une fois par semaine les 3 premiers cycles, puis tous les 15 jours pour les cycles 4 à 9, puis une fois par mois à partir du cycle 10.

Le critère de jugement principal de l’étude était le taux de réponse globale (selon les critères d’imagerie de Lugano). Les critères de jugement secondaires étaient : la durée de réponse, le taux de rémission complète (RC), la durée de la RC, la survie sans progression (PFS), le temps d’obtention d’une réponse, la survie globale (OS).

Caractéristiques de la cohorte et résultats

La moyenne d’âge des patients inclus dans l’essai était de 64 ans, 97 % des patients présentaient un PS ≤1, la durée médiane de suivi était de 10,7 mois pendant lesquels les patients avaient reçu en médiane 5 cycles de traitements soit 15 injections d’Epcoritamab.

Le taux de réponse globale était de 63,1 %, dont 38,9 % de réponse complète. Pour le sous-groupe des patients atteints de LBDGC, la durée médiane de réponse est de 12 mois et elle est non atteinte chez les patients en réponse complète.

Les bénéfices de l’Epcoritamab en réponse globale sont retrouvés dans les différents sous-groupes d’intérêt notamment les patients réfractaires primaires (55,2 % de réponse globale dont 30,2 % de RC) et également les patients ayant été exposés aux CAR T-cells (54,1 % de réponse globale, dont 34,4 % de RC).

Des analyses de MRD ont été réalisées à partir de l’ADN tumoral circulant qui a été mesuré chez 107 patients, 49 d’entre eux ont présenté une MRD indétectable et 78,7 % d’entre eux étaient encore en MRD indétectable à 6 mois.

En ce qui concerne la tolérance de l’Epcoritamab, la plupart des évènements indésirables sont survenus dans les 12 premières semaines de traitement. Près de la moitié des patients ont présenté un SRC (78 patients, 49,7 %), avec une majorité de grade 1 ils ont été résolutifs dans 98,7 % dans un temps médian 48h, du Tocilizumab a été administré pour 22 patients (28,2 % des cas) et des corticoïdes chez 16 patients (20,5 %). Le SRC est le plus fréquemment survenu après la 1ère dose pleine d’Epcoritamab.

Un syndrome de neurotoxicité lié aux immunothérapies est survenu chez 10 patients (6,4 %) dont 70 % de grade 1, 20% cas de grade 2 et un cas mortel. Les effets secondaires suivants ont conduit à l’arrêt de l’Epcoritamab chez 3 patients : aggravation d’un syndrome de Clippers (encéphalomyélite), un SRC, une neurotoxicité liée aux immunothérapies. Au total un arrêt du traitement a été rapporté pour 108 patients (67,5 % de la cohorte) en raison de progression chez 83 patients (52,9 %), d’effets indésirables pour 11 d’entre eux (7,0 %), 7 patients (4.5 %) pour une décision d’allogreffe. En prévention d’un SRC, les patients recevaient systématiquement une prémédication par prednisolone 100 mg, Diphenhydramine (un antihistaminique) et du Paracétamol. En cas de SRC de grade 2 ou plus, les patients étaient traités par corticothérapie pour une durée de 4 jours.

Réponse au traitement par Epcoritamab Nombre et pourcentage de patients Réponse globale 99 (63,1 %) Réponse complète 61 (38,9 %) Réponse partielle 38 (24,2 %) Stabilité de la maladie* 5 (3,2 %) Progression de la maladie 37 (23,6 %) Réponse non évaluable 16 (10,2 %) Durée de réponse médiane 12,0 mois 12,0 mois Survie médiane sans progression 4,4 mois Survie globale médiane Non atteinte Temps médian à l’obtention d’une réponse 1,4 mois

 

Effets indésirables principaux du traitement par Epcoritamab Nombre et pourcentage de
patients tout grade Nombre et pourcentage de
patient de grade ≥3 Tout effet indésirable 156 (99,4 %) 96 (61.1 %) Effets indésirable grave liés au traitement 55 (35,0 %)   Effets indésirables conduisant à la suspension du traitement 12 (7,6 %) 11 (7,0 %) Toxicité spécifi que aux immunothérapies     Syndrome de relargage cytokinique 78 (49,7 %) 4 (2,5 %) Syndrome de neurotoxicité lié au traitement 10 (6,4 %) 1 (0,6 %) Syndrome de lyse tumorale 2 (1,3 %) 2 (1,3 %) Toxicité hématologique     Neutropénie 34 (21,7) 23 (14,6 %) Anémie 28 (17,8 %) 16(10,2 %) Thrombopénie 21 (13,4 %) 9 (5,7 %)


Conclusion et perspectives

En conclusion le traitement par Epcoritamab dans le lymphome B diffus à grandes cellules en rechute au réfractaire permet l’obtention d’une réponse pour la majorité des patients (quel que soit l’âge, les différentes lignes de traitements, réfractaire primaire, exposition préalable aux CAR T-cells).

Les CAR T-cells ont montré de meilleurs résultats dans les études de phases précoces, mais l’Epcoritamab se positionne comme une option intéressante chez des patients non éligibles aux CAR T-cells ou qui ne peuvent pas en bénéficier en raison du délai de manufacture ou encore pour ceux qui ont déjà reçu un traitement par CAR-T cells. Cette étude a conduit à l’obtention d’une AMM dans l’indication du lymphome B diffus réfractaire ou en rechute, après au moins deux lignes de traitement pour les patients inéligibles ou en échec aux CAR-T cells.


Juliette WENCEL
Interne en Hématologie
AP-HP

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Publié le 1712235578000