La Journée Annuelle des Jeunes Gériatres s’est déroulée le 9 juin dernier à Nantes.
Au programme : onco-gériatrie et cardio-gériatrie le matin, assemblée générale de l’AJG au déjeuner et mise au point sur la confusion avant la table ronde expliquant le projet de la bande dessinée « Elémentaire, mon cher gériatre ! ».
Plus de 160 participants étaient au rendez-vous et nous remercions chaleureusement les participants, les orateurs, les modérateurs, les partenaires et le comité local d’organisation pour la réussite de cette journée.
Voici un petit résumé des sessions phares !
Session Onco-gériatrie :
Les soins adaptés auprès du sujet âgé atteint de cancer…
La première session onco-gériatrique fut modérée par le Dr Marie VALERO, gériatre aux Hospices Civils de Lyon et au Centre Hospitalier (CH) des Monts d’Or et le Dr Amélie BOINET, Docteur Junior au CH de Dunkerque.
La première intervention du Pr Laure DE DECKER a porté sur l’importance de l’évaluation du sujet âgé atteint d’un cancer dans les différentes périodes de son parcours. L’objectif principal est de déterminer le choix du traitement anti-tumoral et adapter son intensité à la situation du patient. Pour cela, 4 éléments sont à déterminer :
- Qualifier et quantifier les problèmes de santé mais aussi les fragilités du patient ;
- Hiérarchiser en fonction de la tumeur et des traitements proposés et prouvés par l’Evidence Based Medecine ;
- Aider à la décision oncologique la plus adaptée ;
- Proposer des mesures correctives pré, per et post-thérapeutiques.
Elle nous a rappelé que des scores peuvent compléter la pratique clinique et l’expérience du clinicien pour évaluer le risque des chimiothérapies CRASH TEST et CARG (Hurrica, JCO 2011) ou celui d’une chirurgie (riskcalculators.facs.org). Les gériatres peuvent ainsi mettre en avant des altérations non trouvées par les oncologues. Ainsi « Si le patient veut y aller, le gériatre va l’aider, sinon ça ne passera pas ». Ainsi, d’après une métanalyse de Hamaker (J Geriatr Oncol 2022), l’équipe de gériatrie a un impact sur la qualité de vie, la mobilité, la diminution des complications. Mais les gériatres qui se prononcent sur des projets de traitements doivent être bien formés à l’oncologie ou admettre leurs limites si la situation les dépasse !
La seconde intervention par le Dr Evelyne LIUU a abordé la dénutrition chez le sujet âgé atteint de cancer. Elle nous a expliqué pourquoi préférer le terme de cachexie qui prend aussi en compte la perte fonctionnelle et la sarcopénie induites par la dénutrition.
L’action précoce est indispensable pour éviter que s’installe le cercle vicieux de la cachexie qui s’amplifie en l’absence de soins adaptés. La mortalité est doublée en cas de cachexie avérée ! Les critères de la dénutrition, publiés par la Haute Autorité de Santé fin 2021, permettent de faire rapidement le diagnostic. Toute diminution des ingestats associée à une alerte sur le poids doivent inciter à des actions correctrices. Les soins doivent être rapides sans hésiter à utiliser l’alimentation artificielle (entérale si possible, parentérale en cas de tube digestif non fonctionnel) en cas de diminution importante des ingestats (Liuu Nutrients 2023). La prise en compte de l’appétit et de l’alimentation associée à une préparation optimale du patient (en préhabilitation, à l’aide d’immunothérapie si nécessaire) permet de diminuer la décompensation des comorbidités et la toxicité des traitements et améliorer directement sa qualité de vie (Soo et al Lancet Healthy Longev 2022). Pour tous, la gestion de la cachexie en cancérologie est indissociée des soins du cancer et doit être adaptée aux choix du patient, à son mode de vie et ses habitudes alimentaires. Ce n’est que par des interventions globales et multimodales que la situation pourra s’améliorer.
Session cardio-gériatrie :
Le cœur vieillit certes mais beaucoup est à faire !
La session cardio-gériatrie a suscité beaucoup d’échanges ! Modérée par le Dr Justine TRISTRAM, gériatre au CH de Douai et le Dr Frédéric ROCA, gériatre au CHU de Rouen, la session a abordé l’intérêt de la réadaptation cardiaque chez le sujet âgé et les traitements médicaments de l’insuffisance cardiaque. Totalement complémentaires, les présentations ont abordé l’aspect très pratique de l’accompagnement de la personne âgée atteinte de cardiopathie chronique et comment manager ses médicaments.
Le Dr Anne-Sophie BOUREAU, gériatre au CHU de Nantes a rappelé les points communs entre la fragilité et l’insuffisance cardiaque et leurs liens physiopathologiques prouvés dans de nombreuses études. La réadaptation cardiaque a montré son efficacité avec une amélioration des capacités fonctionnelles et de la qualité de vie. La réadaptation doit comprendre des exercices physiques au moins 3 fois par semaine, au moins 40 minutes par séance avec des exercices d’endurance (marche ou vélo) associés à de l’éducation thérapeutique et une adaptation des traitements médicamenteux.
Les recommandations de la société européenne de cardiologie précisent que les soins et la prévention doivent être adaptés dans chaque domaine et en fonction de la fragilité du patient. Des modèles innovants sont à construire pour améliorer cette personnalisation (place des pharmaciens, des infirmières en pratique avancée, de l’éducation thérapeutique…).
Du point de vue du cardiologue, l’accompagnement des patients avec insuffisance cardiaque passe par une personnalisation du projet de soin. La bonne maîtrise de la prescription des traitements dédiés à l’insuffisance cardiaque en est un exemple car ils doivent être prescrits « à la carte ». En trente minutes, le challenge était grand de présenter les classes, les modalités de prescription et les particularités en population gériatrique mais le défi a été relevé par le Dr Eléonore HEBBAR, cardiologue au CHRU de Lille. Elle a rappelé l’importance du bilan cardiologique initial afin de connaître la cardiopathie sous-jacente et adapter le traitement étiologique. Un focus sur l’amylose cardiaque à transthyrétine sauvage a permis de ne pas oublier cette pathologie fréquente chez les sujets âgés et sous-diagnostiquée (pour plus de détails, consulter la Gazette du Jeune gériatre N°33 – bibliographie sur l’amylose).
Parmi les médicaments, les 4 fantastiques et le « cinquième mousquetaire » ont été passés au peigne fin :
- Les Inhibiteurs de l’enzyme de conversion
À introduire en euvolémie, sur une fonction rénale stabilisée, en l’absence de contre-indication.
Une augmentation de moins de 25 % de la valeur de la créatinine et une kaliémie entre 5.0 et 5.5 est tolérée ! - Les bêta-bloquants
Souvent sous-prescrits, les bêta-bloquants ont un rôle dans la prévention des nouveaux épisodes de décompensation cardiaque. Le Nebivolol est le plus sélectif. Leur introduction est recommandée après avis cardiologique pour éviter les dysfonctions sinusales et les lipothymies. - Les anti-aldostérone
Recommandés en cas de FEVG altérée ou en post-infarctus. La surveillance de la kaliémie est nécessaire. Attention à la co-prescription avec des antifongiques ou certains antibiotiques (interactions sur le cytochrome CYP3A4). - L’association ARA 2 – inhibiteur de la néprisilyne = Sacubitril/valsartan (ENTRESTO®) Contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale sévère. Ne doit pas être associé aux IEC et attendre au moins 36 heures après l’arrêt des IEC pour les introduire. Nécessité de surveiller la diurèse et de baisser les diurétiques de l’anse si celle-ci augmente.
- Le petit nouveau : Inhibiteur de SGLT2 (Dapaglifozine = FOXIGA®)
En cas de FEVG préservée, la contre-indication principale est l’AOMI sévère. Un allègement des diurétiques est indispensable. Une surveillance tensionnelle aussi.
Session confusion : du repérage au traitement mais le mieux, c’est la prévention !
La troisième session scientifique a été animée par le Dr Antoine BRANGIER, gériatre au CHU d’Angers et le Dr Nathalie JOMARD, gériatre au CH des Monts du Lyonnais autour de la thématique du syndrome confusionnel.
Le Dr Antoine GARNIER-CRUSSARD, gériatre aux Hospices Civils de Lyon a commencé par reprendre le diagnostic du syndrome confusionnel et les outils qui peuvent aider à son repérage précoce.
Il a repris les bases physiopathologiques et notamment l’atteinte cholinergique en le résumant par un « bug » du cerveau ! Il nous a aussi rappelé l’importance de rechercher une maladie à corps de Lewy dont la présentation clinique peut évoquer un syndrome confusionnel « chronique » ! Les troubles attentionnels avec fluctuations de la vigilance sont dans les critères diagnostiques des 2 maladies ! L’échelle 4AT.
Le Dr Guillaume CHAPELET, pilote du comité d’organisation et gériatre au CHU de Nantes a présenté les dernières études en matière de traitement du syndrome confusionnel. Dès le début il nous a annoncé que les résultats seraient décevants car aucun médicament n’a réellement prouvé son efficacité. Et pour cause, le syndrome confusionnel impose surtout une recherche de la cause pour y apporter le traitement étiologique. Citons tout de même cette molécule dure à prononcer : « le dexmédétomidine » dont les études sont encore en cours dans certaines indications de syndrome confusionnel.
La journée annuelle des jeunes gériatres s’est clôturée avec beaucoup d’émotions en présentant la bande dessinée « Elémentaire, mon cher gériatre ! » distribuée aux participants.
Le replay de la JAJG est accessible sur notre site internet avec le mot de passe suivant : JAJGNantes2023
Vous pouvez vous organiser des petites sessions collectives avec vos collègues pour revoir une thématique. L’occasion de rattraper cette journée et de vous donner envie de venir à la prochaine qui aura lieu à Strasbourg le 11 et 12 avril 2024 !
Nathalie JOMARD
[email protected]
Pour l’Association des Jeunes Gériatres
Article paru dans la revue « La Gazette du Jeune Gériatre » / AJG N°34