

L'Association européenne des jeunes médecins (EJD) a organisé son AG de printemps à Montpellier début mai, accueillie par l'ISNI. Les jeunes médecins de 24 pays européens se sont réunis pour aborder les problèmes urgents en matière de soins de santé et plaider en faveur de changements politiques. Le temps de travail et le bien-être des internes et jeunes médecins ont aussi été abordés pendant cette rencontre. Voici les réponses de quelques délégations.

ISNI.- Quel est le temps de travail des internes dans votre pays ?
Luxembourg.- On est justement en train de mener une enquête sur ce sujet et il est encore un peu tôt pour dire les résultats [NDLR : au 4 mai 2024]. Le temps de travail n'est pas le même selon la spécialité mais en moyenne il est de 70 h par semaine pour 50 à 70 % des médecins en voie de spécialisation. 15 % d'entre eux font plus de 70 h hebdomadaire.
Ireland.- 83 % des docteurs juniors travaillent plus que le temps légal de 48 heures par semaine. Dans le passé, nous avons signé des conventions avec les hôpitaux pour s'assurer que le temps de travail pour lequel les médecins sont payés soit respecté. Mais malheureusement nous avons beaucoup de retours de non application…

Finlande.- Le temps de travail standard est de 38,5 h par semaine et certains médecins travaillent un peu plus, cela dépend de la spécialité. Pour ma part (en médecine d'urgence), la moyenne est de 40/45 heures par semaine.
Espagne.- Les docteurs Juniors travaillent beaucoup. Plus de 80 % d'entre eux travaillent plus de 60 heures par semaine.
Italie.- Le contrat stipule un temps de travail pour les internes similaire à celui d'un senior, soit entre 36 et 38 heures par semaine. Cela dépend surtout de l'école de médecine à laquelle ils sont rattachés, certaines écoles veillent à respecter ce temps de travail. Mais, malheureusement, ce n'est pas la norme. La plupart des internes travaillent plus. La différence avec un senior, c'est que leur temps de travail supplémentaire n'est pas payé.
France.- La dernière enquête sur le temps de travail montre qu'un interne travaille en moyenne 59 heures par semaine et les chirurgiens ont une moyenne de 75h par semaine.
ISNI.- Qu'en est-il du bien-être au travail pour les internes en médecine ?
Ireland.- 100 % des docteurs Juniors se sentent dévalorisés et pas assez soutenus par leur employeur. C'est pourquoi, 75 % pensent à immigrer dans un autre pays à cause de leurs mauvaises conditions de travail.

Qui représente qui ?
• Luxembourg : Association des Médecins en voie de spécialisation luxembourgeoise, représenté par Maxime Fassotte, MG.
• Ireland : Irish Medical Organisation, representée par Syeda Anna Azim, chirurgie.
• Finlande : Suomen Lääkäriliitto, représentée par Laurie Heiskanen, medecine d'urgence.
• Espagne : Consejo General de Colegios Ofi ciales de Médicos de Espanã, représentée par Domingo Sanchez, oncologie.
• Lettonie : Latvian Junior Doctors association, représentée par Aleksandrs Dorogas, urologie.
• Italie : ANAAO Assomed, representée par Livio Tarchi, psychiatrie.
• France
Finlande.- Tous les ans, les doctors juniors répondent à un questionnaire dont le bien-être au travail. Sur cette question, on voit une amélioration d'année en année. 80 % sont satisfaits de leurs conditions de travail et 20 % témoignent d'un temps de travail trop important.
France.- Le bien-être est un facteur clé pour soigner. Il y a une phrase que l'on connait bien qui dit qu'un soignant qui va bien et un soignant qui soigne bien. Aujourd'hui, malheureusement, beaucoup d'entre nous – et de manière trop importante – expriment des problématiques d'anxiété et de dépression. C'est pourquoi l'ISNI a fait de la santé mentale notre priorité pour que chaque interne, quel qu'il soit, soit en mesure de bien faire son travail.
ISNI.- Pouvez-vous nous parler d'une victoire syndicale obtenue dernièrement ?
Luxembourg.- Nous venons de rencontrer la nouvelle ministre de la Santé avec l'un des syndicats de médecins luxembourgeois pour avoir de meilleures conditions de travail. Cette entrevue portait sur la mise en place d'un contrat collectif pour les internes en termes à la fois d'heures de travail et de rémunération qui est très hétérogène. Selon que l'on soit indépendant, salarié ou indépendant avec un salaire fixe payé par le ministère de la Santé comme c'est mon cas, le salaire diffère beaucoup.
Espagne.- Le gouvernement vient enfin d'entendre certaines de nos revendications comme le repos obligatoire après une garde de 24 heures. On ne peut pas exercer convenablement la médecine et recevoir des patients en consultations après 24h de gardes !
France .- On a une victoire récente qui est la revalorisation de nos gardes à hauteur de 50 %. Il était question au départ de ne pas inclure les internes. En les incluant à cette revalorisation, leur statut de professionnels de santé est reconnu, notamment pendant la permanence des soins. C'est une belle reconnaissance.
3 questions au président de l'EJD, álvaro cerame (Espagne- psychiatrie)
Qu'elle est votre vision des internes en médecine / Juniors Doctors à l'échelle européenne ?
A.C.- Chaque pays à une formation spécifique, définissant le docteur junior de différentes façons. Mais l'on s'est rendu compte que malgré tout, les jeunes médecins partageaient les mêmes problèmes, notamment ils souffraient de leurs conditions de travail, de beaucoup d'heures de travail, de manque de supervision, d'un manque de reconnaissance et de satisfaction aussi…
Qu'observez-vous en termes de mobilité des jeunes médecins ?
A.C.- On observe une différence dans la mobilité entre pays européens et des pays hors UE vers l'Europe. Traditionnellement, l'Europe accueille beaucoup de travailleurs hors Union. L'EJD est favorable à l'accueil de tous ces travailleurs mais nous devons faire attention à ce que ces personnes bénéficient de conditions de travail correctes. Par ailleurs, cette immigration ne doit pas se faire au détriment du pays dont sont originaires les médecins qui immigrent. Leur pays a aussi besoin de médecins. Si trop de soignants immigrent, cela crée une inégalité.
Quels sont vos défis en tant que président de l'EJD ?
A.C.- L'un de nos principaux défi s est de continuer à améliorer les conditions de travail des jeunes médecins en tant que travailleurs. Nous soutenons particulièrement nos collègues en Grèce et en Slovénie.
De quoi discutent les jeunes médecins ?
Lors de l'Assemblée Générale de printemps de l'EJD à Montpellier, les jeunes médecins européens ont abordé les thèmes suivants :
• La qualité des soins et la sécurité des patients, présentée par Valter Fonseca, MD PhD, responsable technique au bureau de l'OMS à Athènes.
• La formation postuniversitaire (PGT). Projet de cartographier les systèmes PGT à travers l'UE en collaboration avec l'Union européenne des médecins spécialistes (UEMS).
• Le forum sur la main-d'œuvre médicale : phénomènes d'allocation forcée, lois du travail affectant les jeunes médecins et tendances en matière de mobilité et rétention de la main-d'œuvre.
• La privatisation des soins de santé inquiète. Certaines améliorations de la réglementation des soins de santé ont été toutefois constatées comme en Croatie.
• La crise des soins de santé en Slovénie. L'EJD soutient les jeunes médecins slovènes qui ont fait grève pour de meilleures conditions de travail.
• La réduction du changement climatique qui a de graves répercussions sur la santé publique et augmente la charge de morbidité et la mortalité de la population.

