Interview - Les jeux, c’est un moment magique

Publié le 07 Feb 2024 à 11:16
Article paru dans la revue « ISNI / ISNI » / ISNI N°31


Philippe Le Van est médecin à l'Institut National du Sport de l'Expertise et de la Performance (INSEP) et chief medical officer de Paris 2024. Il répond aux questions du mag’ de l’ISNI sur le rôle des internes pendant les Jeux, l’organisation médicale de la polyclinique du village olympique et paralympique (VOP) et son parcours.

L’ISNI.- L’équipe médicale des Jeux Olympiques de Paris est-elle déjà recrutée ? Quel sera le rôle des internes ?

Philippe Le Van- Le recrutement fut ouvert en avril et mai 2023. L’équipe de volontaires est déjà complète. Nous avons beaucoup d’internes qui ont répondu présent. Les internes seront équipiers médicaux, chargés d’amener les athlètes, les membres des délégations ou toute autre personne accréditée à la polyclinique au sein du village olympique et paralympique ou à l’hôpital en fonction de la gravité de la blessure et du type de pathologie. Les internes connaissent très bien l’environnement médical et parlent anglais. Ils rassureront les patients, ce qui est très important car le stress est amplifié pendant les Jeux.

Quelle sera l’organisation médicale au niveau des hôpitaux parisiens ?

P.L-V.- La polyclinique est un centre de santé, géré administrativement par l’AP-HP car Paris 2024 n’est pas une institution de santé et ne peut créer un centre de santé. La Loi Olympique a modifié le cadre législatif afin que l’on puisse avoir une pharmacie à usage interne (PUI) au sein de la polyclinique, ce qui n’est pas possible habituellement. Elle sera gérée par la pharmacienne de l’hôpital Bichat. L’accord de coopération avec l’AP-HP nous a permis de définir nos hôpitaux référents par population : pour les délégations et les athlètes, ce sera Bichat ; pour la famille olympique ce sera l’hôpital européen Georges Pompidou et pour les medias, Avicenne.

L’ISNI.- Quelle sera l’organisation en termes d’astreintes, de gardes et de congés pendant les Jeux Olympiques de Paris ?

P.L-V.- Les plannings sont en cours. Certains ont déjà reçu leur lettre de mission. Nous avons beaucoup travaillé, et nous continuons de travailler avec le ministère de la Santé et avec la direction interministérielle Jeux olympiques et paralympiques (DIJOP). Nous avons aussi travaillé avec les responsables du SAMU de Paris, Pierre Carli, puis avec son successeur, Frédéric Adnet. Mais il faut savoir que les passages aux urgences, pendant les JO, ne sont pas si nombreux. Lors des trois dernières éditions des JOP d’été, excepté Tokyo pendant la Covid, on a recensé moins de 400 passages aux urgences pendant toute la durée des Jeux, tous publics confondus, athlètes, collaborateurs, volontaires et spectateurs.

L’ISNI.- Quels seront les équipements au sein de la polyclinique ?

P.L-V.- Il y aura deux IRM mobiles loués pour l’occasion essentiellement pour l’appareil locomoteurs, gérés par des radiologues spécialisés. On aura, évidemment, de la radio, de la cardio, de la gynéco, de la psychologie aussi car on connait aussi la pression qui existe sur les sportifs. On a eu dernièrement des athlètes comme Simone Biles qui a déclaré forfait lors des derniers JO.

L’ISNI.- Cet accompagnement psychologique est-il nouveau ?

P.L-V.- Oui, c’est vraiment une demande forte du CIO. Les membres du CIO viendront eux-mêmes avec des équipes qu’ils appellent wellfare officer pour être à l’écoute des athlètes ou des encadrants, notamment lors de situations psychologiquement éprouvantes.

L’ISNI.- En termes de soins et d’urgence médicale, l’ancien médecin-chef des JO 2010 de Vancouver, le Dr Jack Taunton, a déclaré : « Vous devez être prêt à traiter tout et n’importe quoi ». Est-ce vraiment le cas ?

P.L-V.- C’est le cas, il y a de tout : j’ai annoncé à des athlètes qu’elles étaient enceintes  avant qu’elles ne gagnent une médaille ! Je me rappelle aussi aux JOP de Rio, lors d’un saut de cheval en gymnastique d’une fracture ouverte avec une jambe à 90° par rapport à son axe normal… À Pékin, j’ai été témoin d’un décollement de rétine d’un encadrant qui ne pouvait plus prendre son avion de retour.

L’ISNI.- Quelles sont les disciplines qui exposent le plus à des risques de blessure ?

P.L-V.- Une étude parue dans le British Journal of Sports Medicine1 a classé les disciplines sportives les plus dangereuses  lors des Jeux Olympiques 2016 de Rio. En tête, on retrouve le BMX, la boxe et le VTT. Mais il existe d’autres disciplines où les accidents sont rares mais potentiellement très dangereux comme en voile. C’est pourquoi nous avons organisé, l’été dernier à Marseille, un test event avec les meilleurs athlètes en voile olympique. Ça s’est très bien passé et cela nous permet d’être organisés le jour de la compétition car l’extraction en mer d’un athlète blessé est très délicate.

L’ISNI.- Les JOP sont aussi l’occasion pour certaines délégations de bénéficier de soins de qualité. Est-ce que cela fait partie des soins médicaux à anticiper ?

P.L-V.- Oui, car on sait qu’il y a beaucoup de pays qui n’ont pas accès aux mêmes soins que chez nous et les Jeux sont l’occasion pour les athlètes ou pour la délégation de bénéficier de ces soins. Il y aura une priorisation des soins pour les athlètes, classée en «  AA  », mais on gardera des créneaux pour les membres des délégations, peut-être lors des premiers jours avant que les Jeux ne commencent.

L’ISNI.- Comment êtes-vous arrivé dans l’équipe médicale des JO ?

P.L-V.- J’étais un fan de sport. J’ai fait médecine du sport puis j’ai pu rentrer à l’INSEP comme médecin vacataire. J’ai fait mes premiers Jeux à Barcelone en 1992. Depuis les Jeux de Vancouver en 2010 je suis directeur de la commission médicale du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Je suis toujours à l’INSEP mais 2024 sont mes derniers Jeux. Je passe la main.

Quel regard portez-vous sur les Jeux Olympiques et Paralympiques ?

P.L-V.- Les Jeux, c’est un moment magique. Il y a un côté extraordinaire, au vrai sens du terme. Après, il ne faut pas être naïf.

Que conseilleriez-vous à un interne qui souhaiterait faire les Jeux en tant que médecin ?

P.L-V.- Il y a une FST, géré par le Pr Patricia Thoreux et tous les ans, il y a des postes qui sont ouverts à la médecine du sport : à l’INSEP, à Claire fontaine dans le centre du football, à Jean Verdier et un peu partout en France. C’est un bon début avant d’intégrer la famille olympique.

Propos recueillis par
Vanessa Pageot

Les disciplines où le risque de blessure est le plus élevé

38 %   EN BMX
30 %   EN BOXE
24 %   EN VTT
24 %   EN TAEKWONDO

En bas du tableau, les disciplines les moins risquées sont : le slalom en canoë, le tir et l'aviron.

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Publié le 1707300966000