
Chirurgien cardiaque
Le métier n'est plus le même. Pour moi, cela est lié à l'évolution de la société et au rapport au travail. Globalement, le chirurgien a moins de disponibilité pour l'hôpital, est moins prêt à faire de sacrifice et privilégie sa vie personnelle. Je le vois comme une conséquence du manque de reconnaissance des instances et de la population aux efforts fournis. Par ailleurs, le chirurgien moderne doit avoir plusieurs casquettes et l'on exige beaucoup de lui avec la participation à la recherche, aux tâches réglementaires et universitaires. Techniquement, il ne suffit plus de savoir opérer à cœur ouvert, il faut aussi savoir se garantir une carrière solide, en maîtrisant les thérapies structurelles. Enfin, l'implication dans la recherche médicale est incontournable. En résumé, la vie d'un chirurgien est plus difficile aujourd'hui qu'hier.
Quelle place accordez-vous aujourd'hui à la recherche dans l'activité d'un service de chirurgie cardiaque ?
La recherche a pour but de répondre à des difficultés que l'on rencontre. Elle a pour vocation à évaluer le problème et à identifier des façons de le régler. Dans un service universitaire on se doit d'avoir une politique de recherche ne serait-ce que pour évaluer nos pratiques. En plus de contribuer à la compréhension et à l'amélioration des pratiques, c'est aussi un outil de communication, voire de publicité. Il est possible de communiquer avec les réseaux sociaux, mais je pense qu'il faut privilégier la recherche pour garder une cohérence avec notre mission. La recherche peut également être une source de profits pour un service mais ce n'est pas son premier objectif.
Quelles évolutions attendez-vous encore dans la discipline, tant sur le plan technique qu'organisationnel ?
La chirurgie cardiaque a toujours été une spécialité en mouvement. Elle devient de moins en moins invasive et doit désormais pleine ment intégrer la prise en charge percutanée des valvulopathies.
Comment envisagez-vous l'avenir de la répartition entre activité privée et publique en chirurgie cardiaque ?
Le secteur privé a une réelle utilité de santé publique et a toute sa place dans notre système de soin. Mais je crois que le système public a encore beaucoup d'avenir, car il offre des perspectives plus larges : accès aux innovations, à la participation à la recherche et à la possibilité de faire évoluer la discipline. C'est un cadre qui permet de penser la chirurgie de demain.
Enfin, quels conseils donneriez-vous à un interne de première année qui envisage de s'orienter vers la chirurgie cardiaque adulte ?
Si tu as la vocation, n'hésite pas. La chirurgie cardiaque reste une spécialité exigeante mais magnifique, avec un avenir passionnant. Oui, elle traverse des périodes compliquées, elle mange parfois son pain noir — mais c'est justement dans ces moments-là qu'il faut des passionnés et des bâtisseurs. Ne sois pas fataliste, sois acteur. Ceux qui s'engagent aujourd'hui auront un rôle clé dans la chirurgie de demain.
Interviewé par
Johann CATTAN
Docteur junior CTCV, Service de
chirurgie cardiaque, CHU Bordeaux

