Interview du Pr Stéphane SUPIOT

Publié le 01 Mar 2024 à 13:23
Article paru dans la revue « SFJRO / le mag » / SFJRO N°5

PU-PH Université de Nantes
Coordonnateur Universitaire pôle Oncologie - Radiothérapie
Institut Cancérologique de l’Ouest Saint-Herblain

Pouvez-vous nous résumer votre parcours professionnel et ses moments clés ?

Je suis originaire de la région nantaise et j’ai fait toute ma formation à Nantes. Pour compléter ma formation de médecin avec une approche plus orientée recherche, je me suis rapidement intéressé à la biologie dont la génétique pour un M1. C’est logiquement que j’ai choisi le DES d’oncologie après le concours de l’internat. J’ai longtemps hésité entre oncologie médicale, médecine nucléaire et oncologie radiothérapie. C’est finalement l’oncologie radiothérapie qui l’a emporté car cette combinaison de médecine très humaine et très technologique à la fois cochait toutes les cases de ce que je souhaitais développer. Mon idéal de jeune interne était de participer activement aux progrès en cancérologie en facilitant le passage vers la clinique des avancées des laboratoires de recherche. J’ai rapidement eu la possibilité de faire mon M2 (appelé DEA au siècle passé !) de biologie des rayonnements ionisants à Paris dans la même promotion qu’Eric (Deutsch) et Laurence (Moureau) entre ma 2ème et 3ème année d’internat. J’ai ensuite eu la chance d’alterner des périodes de 2 ans tous les 2 ans consacrées aux activités cliniques puis activités de recherche en laboratoire, pendant la fin de mon internat, puis la thèse de science, l’assistanat et enfin un post-doc à Toronto au sein du Princess Margaret Hospital.

J’ai énormément bénéficié du soutien des belles rencontres que j’ai pu faire pendant ma formation tant en clinique qu’en biologie. Pour ne citer qu’une personne, Rob Bristow qui m’a encadré pendant mon post-doc a été un mentor fantastique, toujours dynamique, impliqué, soutenant et encourageant. J’ai été profondément influencé par sa façon de transmettre et former.

Au retour du Canada en 2007, le choc est rude ! Entre un énorme centre de radiothérapie de niveau international aux financements illimités et un petit centre de province en France, la marche est immense ! Il faut donc beaucoup d’obstination pour trouver des financements et monter des projets avec les  «  particularités  » administratives françaises… Le principal obstacle est l’absence de statut de clinicien-chercheur qui offre du temps officiellement protégé consacré à la recherche. En France, seul un poste universitaire protège le temps recherche et évite de devoir dépendre des décisions d’un directeur qui peut révoquer du jour au lendemain ce temps protégé. À force de persévérance, j’ai monté des projets qui me motivaient et obtenu un poste universitaire en 2016 (MCU puis PU). Si l’amour de l’enseignement et de la recherche ne m’avait pas porté, il y aurait longtemps que j’aurais renoncé !

Pouvez-vous nous présenter le Pô le de Radiothérapie de l’ICO de Nantes et quelles sont ses spécificité s ?

Le département de radiothérapie de l’ICO à Nantes est dirigé par Augustin Mervoyer et je porte la responsabilité de l’enseignement et de la recherche. Nous sommes 12 ETP médecins pour 6 machines (1 Novalis, 2 Tomo/Radixact, 2 Halcyon, 1 Clinac). Avec 3500 nouveaux plans chaque année, cela représente une activité conséquente, supérieure aux recommandations internationales pour un centre académique. Nous avons été parmi les premiers centres à développer la radiothérapie stéréotaxique et l’irradiation hélicoïdale, pour mettre en place des projets concernant principalement la maladie oligométastatique, notamment dans le cancer de prostate.

Notre centre a fusionné en 2012 avec celui d’Angers pour former l’Institut de Cancérologie de l’Ouest dont le directeur actuel est le Pr Mario Campone. Nous formons régulièrement des jeunes médecins étrangers et nous collaborons avec de nombreux centres de radiothérapie à travers le monde, notamment au Canada, Australie, Pays-Bas et Royaume-Uni.

Quels sont les thèmes de recherche au sein du Pô le de Radiothérapie ?

Historiquement, la recherche était principalement orientée vers les cancers du sein (Dr Cuillère), l’ORL (Dr Bardet) et l’hématologie (Pr Mahé). Pendant mon clinicat, j’ai développé des projets de recherche en pédagogie à l’aide de consultations simulées pour l’annonce du diagnostic de cancer. Plus récemment, nous avons cherché à développer la recherche en oncologie urologique en nous impliquant tout particulièrement au sein du GETUG et Unitrad. Progressivement, avec la montée en puissance de jeunes collègues ultra-motivés nous renforçons la recherche clinique en ORL, thorax, hémato, digestif, sarcomes, pédiatrie et plus récemment IA, SHS et économie de la santé. Nous avons la chance d’interagir avec des collègues physiciens et biologistes extrêmement dynamiques qui nous permettent de développer des projets innovants d’hadronthérapie Flash en collaboration avec le cyclotron Arronax. L’environnement de l’ICO est particulièrement favorable pour la recherche avec des laboratoires de recherche intégrés à l’hôpital, une structure de recherche clinique aux petits soins pour mener à bien des projets et une équipe de statisticiens motivés, tout en maintenant des liens forts avec le CHU voisin, l’Université et les écoles d’ingénieur de Nantes.

Quels conseils donneriez-vous aux internes qui souhaitent se lancer dans une pratique universitaire et aux né o-internes ?

Pour être enseignant, il faut aimer enseigner  ! Le grand principe qui doit guider toute carrière, c’est d’être heureux dans les choix qui sont faits au quotidien. Enseigner demande de l’écoute, de l’encouragement et beaucoup de communication. La pratique universitaire n’est pas un but en soi (à moins d’être particulièrement masochiste  !), mais un moyen pour avoir du temps protégé, une autonomie de choix de projets et surtout de faire de belles rencontres en participant à la formation des étudiants, qu’ils soient médecins, biologistes, ou de tout autre origine.

Pour faire de la recherche, il faut aimer se poser sans arrêt des questions. Quand je cherche à pousser les jeunes collègues vers la recherche, j’insiste sur le fait qu’une fois passé 40 ans, ils seront au sommet de leurs compétences et qu’à partir de ce moment-là, les journées peuvent sembler bien répétitives. La cancérologie peut devenir épuisante lors qu’on est confronté en permanence aux limites de nos soins. Si on fait de la recherche, la perspective d’une amélioration du quotidien de nos patients semble plus proche, nos journées ne se ressemblent pas et l’intérêt professionnel se maintient plus facilement. On peut faire de plus en plus de la très bonne recherche en centre non académique. La facilité apportée par les centres académiques tient dans l’environnement porteur qui stimule la recherche en permanence. Nous avons un immense besoin de jeunes médecins motivés désireux de changer la vie de nos patients !

Propos recueillis par


Marion TONNEAU


Adrien BOUÉ-RAFLÉ

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Publié le 1709295828000