Interview de Jean-Michel BARTOLI

Publié le 16 May 2022 à 14:35

Retour sur la présidence au CERF

 

Bonjour Professeur, quelles ont été vos problématiques principales durant ces 3 années de mandat en tant que président du CERF ?
Lorsque notre bureau a été mis en place, nous avions la réforme du 3ème cycle des études médicales à continuer. Elle venait d’être mise en place pour la phase socle et la feuille de route avait été décrite par le bureau précédent géré par L. Boyer et A. Luciani. Il a fallu au cours de ces 3 années la structurer pour la phase d’approfondissement avec notamment les e-learnings nationaux des 10 modules radiocliniques en collaboration avec la SFR, qui permettent à tous les internes de bénéficier de la même formation quelles que soient leurs subdivisions d’origine. C’était un beau projet, très structurant, pour lequel beaucoup d’enseignants et de radiologues hospitaliers privés et publics ont participé.

Nous avons beaucoup insisté sur l’exercice professionnel dans le DES, que ce soit en termes de connaissances mais aussi d’enseignement et d’évaluation des compétences. Un effort particulier a été fait sur l’exercice professionnel. Un thème fort de notre mandat a été le travail sur la relation entre le radiologue et son patient : beaucoup d’items ont été développés pour que les futurs radiologues aient tous les mêmes acquis.

Il a fallu préparer l’entrée dans la phase de consolidation et en particulier la phase de docteur junior : Nous avons bâti le programme de la phase de consolidation et le statut de docteur Junior en Radiologie qui va démarrer en novembre 2021 et mené toutes les évaluations (merci à L. De Bazelaire et I. Bricault). Sous la responsabilité de P. Chabrot nous avons préparé le programme de la seule option de notre DES, la Radiologie Interventionnelle Avancée (RIA).

Il y a eu de nombreuses réunions et négociations avec le MESRI (ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation) et avec le comité de suivi de la réforme R3C. Le Bureau a travaillé très étroitement avec les représentants de l’UNIR et ce fut un vrai plaisir.

Sur le plan de l’enseignement du DES, et après 3 ans de travail et de parution de multiples textes législatifs, Isabelle Thomassin-Naggara, notre Secrétaire Générale, a rassemblé tous ces éléments dans, le livre blanc du coordonnateur. Il est distribué à tous les coordonnateurs, enseignants, responsables de terrains de stage et à l’UNIR. C’est un document exhaustif qui permet de répondre aux questions des internes, des coordonnateurs mais aussi à celles des ARS, des facultés et du ministère sur l’application de la réforme R3C à notre spécialité : acquisition des connaissances mais aussi des compétences, droits et devoirs des responsables des terrains de stages, en CHU ou non, organisation de la permanence des soins pour les DES, responsabilités des internes… Tous ces éléments mis à jour avec les textes officiels servent de référence dans ce document qui a été transmis au nouveau Bureau. Ceux qui nous succèdent (pour certains déjà dans le bureau du CERF, pour d’autres nouvellement arrivés), ainsi que les internes, pourront en bénéficier.

Nous avons en parallèle travaillé sur la démographie, en sollicitant les ministères et l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) et avec une action collective entre le CERF, l’UNIR et le Conseil National Professionnel de la radiologie française (CNP-G4) présidé par le professeur Louis Boyer. Nous avons défendu ensemble l’augmentation du nombre d’entrants dans la spécialité, parce que nous avons des besoins évidents de radiologues formés et compétents sur tout le territoire.

Nous avons les moyens de former plus de radiologues et nous devons combler le déficit démographique en cours et qui va s’accentuer de façon importante avec les départs à la retraite des 5 prochaines années. Au cours des 10 dernières années, l’augmentation de la cadence des examens sur les différents appareils et équipements de radiologie dans nos unités de soins radiologiques (merci d’éliminer de notre vocabulaire radiologique le terme de « plateau technique »), le développement de la Radiologie Interventionnelle et ses activités associées de consultation de suivi et de RCP et la permanence des soins, où la radiologie est positionnée au 1er plan, nécessitent une augmentation adaptée du nombre d’entrants dans la spécialité. Notre objectif est d’arriver de façon progressive à 320 postes en radiologie ouverts à l’ECN pour soutenir cette charge en soins radiologiques majeure.

Sur le plan de l’enseignement, nous avons oeuvré pour la reconnaissance de la Radiologie dans le 2ème cycle (DFASM) et pour le DFGSM.

Pour le DFGSM, nous avons produit une nouvelle édition de notre ouvrage du référentiel du collège des enseignants en radiologie de France, en collaboration avec les anatomistes et les médecins nucléaires. De la même façon, nous avons travaillé avec eux pour le nouveau référentiel du DFASM. Toutes les spécialités d’organes s’y sont investies.

Je ne peux pas passer sous silence le travail de Claire Boutet, qui a été avec Catherine Cyteval un rouage essentiel au sein du bureau pour la réforme de l’ECN. Celle-ci a nécessité un énorme travail avec des réunions avec le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, avec le comité national des collèges d’enseignants médicaux (CNCEM). Il a fallu défendre la place logique de la radiologie dans tous les parcours des patients, dans tous les items avec la révision de ces derniers. Il a fallu appliquer les nouveaux concepts que sont les fiches LISA, les ECOS et les apprentissages de situations. Certains de nos collègues oublient que le spécialiste en radiologie est le radiologue et que ce n’est pas à eux d’écrire nos questions ou de définir les acquis nécessaires en radiologie pour les étudiants préparant l’ECN. Remettre la Radiologie à sa place dans l’enseignement du 1er et du 2ème cycle des études médicales a été un beau succès. Un élément important : dans la révision du programme de l’ECN (JO du 2 septembre 2020), on peut y voir en nom propre la radiologie dans le 1er chapitre d’Introduction : « Enfin, pour ce qui concerne le vaste champ de l’imagerie, l’étudiant, pendant sa formation approfondie en sciences médicales, doit acquérir des connaissances de radio-anatomie, doit connaître les principales stratégies de prescription en imagerie et enfin doit connaître la séméiologie en imagerie des principes urgences et pathologies qu’un médecin de premier recours pourra rencontrer. ». Nous sommes la seule spécialité citée nommément avec des attendus d’apprentissage en imagerie qui sont obligatoires pour tous les items de l’ECN.

Cela a été une volonté du CERF et de tout le bureau de défendre, bec et ongles, la place de la radiologie dans la préparation à l’ECN.

Sur le plan de la recherche, et en particulier sur le domaine d’intérêt actuel, la hype d’aujourd’hui qu’est l’intelligence artificielle, le CERF a répondu à plusieurs appels d’offres nationaux et internationaux. C’est J.-P. Beregi qui a créé pour le CERF cet environnement de recherche qui regroupe tous les radiologues universitaires et qui doit nous permettre d’avoir une force de frappe dans la recherche internationale. On s’en est déjà servi pour la COVID et on a beaucoup d’autres projets pour lesquels on pourra avoir les moyens de fédérer toutes les compétences radiologiques en recherche.

Nous avons créé un site internet « recherche CERF » sous la responsabilité de L. Boussel qui permet à tous les chercheurs de l’écosystème de la recherche en radiologie de travailler maintenant ensemble et de partager les informations.

Nous avons réalisé aussi un gros travail pour la formation des plus jeunes à la recherche, avec notamment des sessions recherche dans le programme du DES. Nous avons permis l’éclosion des webinar du CERF sur l’IA, rendez-vous mensuel que gère L. Fournier.

On a continué et développé les actions entreprises en collaboration avec la SFR sur les prix recherche, pour donner des moyens à nos jeunes et en particulier avec les bourses de recherche CERF/SFR Alain Rahmouni.

L’avenir de la profession passe en grande partie par la qualité des enseignants en radiologie et nous nous devons de favoriser leur parcours universitaire en étant capable de pallier les insuffisances de nos tutelles (nos ministères, institutions hospitalières et nos facultés), et en offrant un soutien à la mobilité, que ce soit pour les M2 ou pour les thèses d’université.

Pour que les plus jeunes s’intéressent aux carrières universitaires en radiologie, plusieurs documents ont été produits et sont accessibles à tous les internes pour qu’ils puissent mieux comprendre les prérequis nécessaires et sur quoi s’appuyer pour les passer.

Les séminaires de formation à la recherche, qui accueillent chaque année entre 40 et 60 jeunes internes de radiologie ont été poursuivis et ont toujours beaucoup de succès. Une journée sur l’aide à la publication des travaux scientifiques a été intégrée au programme du DES.

Enfin, sur une idée de J.-P. Beregi, le CERF a fondé un comité d’éthique, le CERIM, présidé par Maxime Ronot, et qui permet en particulier pour les internes et leurs études rétrospectives de bénéficier de l’avis autorisé en moins de 15 jours. C’est un atout majeur pour les publications des travaux scientifiques de nos jeunes radiologues en formation. Un des points majeurs a été de bien positionner le CERF comme un des 4 acteurs essentiels du conseil national professionnel de la radiologie, nommé récemment par décret et présidé par Louis Boyer. Nous avions déjà une réunion, le G4, qui regroupe la société savante (SFR), le collège des enseignants (CERF) le syndicat libéral (SFMR) et le syndicat hospitalier (SRH). Ce CNP est l’organe de défense et de propositions de la spécialité et l’interlocuteur de la radiologie auprès des tutelles ministérielles. Une action importante pendant ce mandat a été de participer à la cohésion de la radiologie au sein du CNP.

Pour les manipulateurs dans le domaine de la recherche et sous la responsabilité de Nicolas Menjot de Champfleur et Laure Fournier, le premier diplôme universitaire de manipulateur expert en recherche clinique (DU MERC) a été créé. Les manipulateurs peuvent s’y former et cela leur donne l’opportunité de faire une activité différente et passionnante. Ces manipulateurs experts ont les mêmes atouts que les ARC, tout en connaissant parfaitement nos équipements et le fonctionnement de nos services. La qualité de nos UF de recherche clinique va grandement en bénéficier.

Même s'il faut mieux être une spécialité jalousée, il nous a fallu aussi nous impliquer contre les volontés d’ingérence diverses et variées. Je fais toute confiance au nouveau bureau du CERF pour maintenir cette ligne. Notre meilleure défense c’est la qualité des radiologues sortant de leur formation.

Ce bureau s’est impliqué à la fois sur l’enseignement et la recherche, mais s’est aussi toujours intéressé aux radiologues en exercice, aux autres spécialités et surtout à nos patients, c’est cela qui a été le fil conducteur de notre mandat.

Y a -t-il eu des accomplissements dont vous avez été fier ? Avez-vous quelques regrets quant à votre mandat ?
Mon principal accomplissement a été, avec Isabelle et Jean-Paul, de fédérer un bureau extrêmement cohésif, nous avons pris du plaisir à beaucoup travailler ensemble sur la base du volontariat. Chez les membres du bureau qui étaient tous plus jeunes que moi, il y avait un grand enthousiasme et tous ont été extrêmement actifs. La relation avec les coordonateurs de DES a été soutenue. On peut travailler sans obligatoirement souffrir et je ne vous cacherai pas que nous avons eu plusieurs moments de grande convivialité. Nos réunions régulières à la Maison de la Radiologie (merci à la SFR) ou décentralisées à Marseille étaient actives. Les présidents de l’UNIR étaient systématiquement invités à toutes nos réunions, au départ en présentiel puis en distanciel et avec eux cela a été un vrai plaisir de porter la spécialité sur le plan hospitalo-universitaire.

Mon regret principal est de ne pas avoir pu finaliser définitivement avec l’ONDPS l’augmentation du nombre d’entrants dans la filière radiologique et dans l’option RIA. On s’est beaucoup démenés auprès des décideurs qui sont à mon goût trop partisans, et malgré tous nos arguments, ils ont du mal à adhérer à notre discours qui est pourtant celui de la simple réalité : les citoyens français ont besoin pour leur santé de plus de radiologues !

Qu’avez-vous tiré de cette expérience personnellement ?
Que du bonheur, beaucoup d’échanges passionnants et un retour que ce soit des étudiants, des DES, des enseignants… toujours extrêmement positif.

C’était une belle expérience collective avec beaucoup d’envie et d’énergie, mais j’étais aussi content que ça finisse : il est important d’avoir d’autres équipes avec d’autres idées et qui apportent de nouveaux projets. La moitié du nouveau bureau vient de l’ancien bureau et donc connaît bien ce qui a été mis en place et c’est important car un texte de loi sortait quasiment tous les jours au moment de la réforme.

Qu’espérez-vous quant au futur du CERF ?
Je connais l’énergie et la volonté de Jean-Paul Beregi ainsi que celles de son vice-président Christophe Aubé et de sa secrétaire générale Catherine Adamsbaum ; il y a plein de jeunes collègues brillants qui sont rentrés dans le bureau du CERF, qui vont pouvoir alimenter de nouvelles propositions. J’aime beaucoup l’idée de la Haute Ecole de Radiologie Française, qui va permettre aux internes en phase de consolidation d’avoir une valorisation méritée de leur parcours universitaire et un titre supplémentaire pour leur parcours professionnel.

Vous pouvez faire confiance au nouveau bureau sur la professionnalisation des activités de recherche du CERF et devienne l’interlocuteur reconnu du ministère mais aussi des industriels.

 

Je suis sûr que Jean-Paul, Christophe et Catherine vont y arriver. Ils sont pleins d’énergie, de tonus et de travail, je n’ai aucun doute sur leur capacité de fédérer et d’avancer.

Un dernier petit mot pour nos internes ?
Ils sont chanceux, les internes de radiologie ! Parce qu’ils sont jeunes et qu’ils font la plus belle des spécialités ! Si vous l’avez choisie, c’est que vous êtes agiles et intéressés, que vous avez l’esprit vif et curieux et l’oeil bien ouvert, que vous aimez la nouveauté, que vous êtes adroits de vos mains, que vous avez envie de travailler en équipe et que votre attention aux patients font de vous des gens bien.

Vous avez choisi une spécialité fantastique qui se renouvelle quasi complètement tous les 6 à 7 ans. Vous ne travaillerez pas comme vos ainés et c’est à vous d’inventer votre exercice. La radiologie restera toujours une spécialité de référence dans le parcours de soins des patients, les radiologues resteront toujours en première ligne. Soyez très confiants dans l’avenir, vous avez beaucoup de chance.

Une spécialité est reconnue par ses radiologues, ses seniors et ses enseignants, mais aussi par ses internes : quand le niveau des internes en radiologie est très bon, cela éteint les velléités de toutes les autres spécialités. Il est important que les internes soient performants et unis pour porter leur spécialité et leur exercice futur.

Article paru dans la revue “Union Nationale des Internes et Jeunes Radiologues” / UNIR N°42

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