Interview CMT : La Téléradiologie Pendant La Covid

Publié le 16 May 2022 à 13:11


Après une brève présentation de votre structure, pouvez-vous nous dire quel est l’impact de
l’épidémie de la COVID-19 sur votre activité globale (avec statistiques brèves ) ?
CTM propose des solutions médico-organisationnelles et techniques pour la coordination et l'accès aux soins d’une façon générale.  Sa branche radiologie, la CGTR, fondée en 2008 par le Docteur Hetmaniak, radiologue, avec Jean-Marc Chevilley, ingénieur, permet ainsi d'apporter le service et les solutions techniques nécessaires à la prise en charge de 500 000 patients par an en imagerie, dans leur centre de proximité, par des médecins radiologues organisés à distance.

Ainsi, plus de 250 médecins radiologues français exercent une partie de leur activité médicale à distance grâce aux solutions de CTM Groupe.

La communauté médicale en téléradiologie permet notamment de conserver la culture du travail en équipe, la complémentarité qui permet de se reposer les uns sur les autres dans nos domaines de compétences respectifs, et la richesse de contenu médical du métier de radiologue en raison de la grande diversité des pathologies explorées dans des centres demandeurs de toute taille.

Depuis le mois de février 2020, les radiologues de la communauté ont vu apparaître les premières suspicion de pneumopathie à SARS-CoV-2. Un premier impact sur l'activité a été constaté dans les hôpitaux du grand Est dès le début du mois de mars avec une requalification de l’activité aux urgences.

L'activité a été modifiée avec une augmentation du volume d’activité en urgence et une diminution des actes programmés, ainsi qu'une augmentation relative et absolue du nombre de scanners thoraciques.

La proportion de l'imagerie thoracique qui a culminé à près de 60 % de l'activité globale à la fin mars pour se stabiliser dans la première quinzaine de mai autour de 25 % de l'activité globale. En marche normale, elle représente en général une dizaine de pourcents.

Au national à la mi mars, en raison de la mise en oeuvre du plan blanc généralisé, beaucoup de vacations programmées ont été fermées, et le ratio actes urgents/actes programmés s’est inversé.

L’activité d'imagerie en urgence a présenté également une restructuration importante à partir du 18 mars avec une augmentation de l’activité globale, plus marquée dans certaines régions impactées par la Covid.

Nous avons eu un net pic de demande de scanners pour suspicion de Covid à la fin du mois de mars, soit une quinzaine de jours après le début du confinement, puis une diminution lente entre avril et mai.

Nous approchons à ce jour les 10 000 dossiers Covid.

La demande en imagerie pendant cette période était-elle différente ? Si oui Comment votre structure s’est-elle adaptée pour l’activité dédiée COVID19 et non COVID19 en termes de formation et d’organisation du temps de travail ?

Oui, la demande était tout à fait différente : le recours à l’imagerie thoracique a été plus facile chez les médecins demandeurs, avec un taux de positivité des scanners qui diminue au fur et à mesure de la crise, à mesure que les indications s’élargissent. La pénurie de tests diagnostics a aussi joué de façon importante en mars, le triage des patients aux urgences se faisant essentiellement par le scanner.

Par ailleurs, le nombre de demandes pour des urgences vues habituellement (pyélonéphrites compliquées, occlusions, etc.) a significativement diminué. Aujourd’hui nous commençons à voir des patients présentant des toux traînantes, ou des états cliniques non complètement résolus à plus de deux mois d’une infection à SARSCoV- 2 avérée.

Ceci pose la question du suivi et du devenir de ces patients.

Concernant l’adaptation de la structure, elle a porté sur plusieurs points :

En interne, concernant les salariés de la société :
Nous avons organisé et animé le télétravail depuis le 13 mars pour l’ensemble des collaborateurs à Montpellier, où se situe le siège du groupe. En tout c’est une petite cinquantaine de personnes qui sont restées mobilisées comme d’habitude au service des établissements et des radiologues utilisateurs de la solution.

Dès le début mars, la CGTR a implémenté de nouveaux services pour les radiologues :

  • Une newsletter de formation continue et information de crise pour la communauté des téléradiologues.
  • Un tag Circuit Covid activé au moment de la protocolisation des dossiers pour signaler les cas à isoler.
  • Une case isolement gouttelettes Covid sur les bons de demande.
  • Un compte rendu type formulé par les référents thorax, puis remplacé le 19 mars par le Compte rendu type de la SFR et de la SIT afin de disposer d’une grille commune d’interprétation, et mis à jour en fonction des recommandations.
  • Les protocoles dédiés scanner Covid et angioscanner Covid.
  • Des plannings réajustés chaque semaine à une charge de travail changeante.

Covid ou pas, les médecins sont soumis à une obligation de moyens, et les circuits de prise en charge à distance sont spécifiques et répondent à un cadre réglementaire strict. Pour cette raison, CTM a proposé gratuitement aux hôpitaux partenaires des accès à la plateforme pour les praticiens radiologues confinés à leur domicile, afin qu’ils puissent utiliser nos outils sécurisés de téléradiologie pour prendre en charge leurs patients sans interruption. 

Sur le plan épidémiologique :
La vision transversale que permet les outils de la téléradiologie est un élément important de la vigilance épidémiologique. CTM collabore au projet COVID SFR sous l’égide du G4, qui permet de remonter de l’information épidémiologique sur les examens réalisés sur le territoire français. Nous collaborons également aux dispositifs de remontée d’information épidémiologique de la région occitanie, et de nos hôpitaux partenaires.

Les radiologues, enfin, très mobilisés auprès de nos collègues manipulateurs, urgentistes sur sites ont travaillé en équipe et avec une remarquable efficacité :

  • Circuit de partage de dossiers pour avis entre les radiologues de la communauté et auprès des référents thorax.
  • Mise au point et optimisation d’un protocole de visualisation permettant d’automatiser le seuillage du verre dépoli et la quantification de l’atteinte, avec notre fournisseur Intrasense, afin d'homogénéiser les pratiques, et de simplifier et fiabiliser la quantification.
  • Travail de recherche en cours avec plusieurs hôpitaux partenaires.

On a jamais parlé autant de télémédecine et la téléradiologie est pionnière dans ce domaine.
Selon vous, quelles perspectives futures pour la pratique post-crise de la téléradiologie en général et pour votre structure en particulier ? Quels sont vos projets ?

La crise que nous vivons met en lumière l’existant : la télémédecine est un moyen essentiel de la médecine d’aujourd’hui. Elle n’est pas moins que de la médecine et ne doit accepter aucune dégradation dans la qualité. Au contraire, les outils du numérique, au service de l’exigence d’un projet médical partagé, nous ont permis une réactivité et une mise à niveau en termes de formation et de pratique médicale tout à fait sans précédent, à l’échelle de la France entière. Cela ne se fait pas sans un travail médical en équipe.

Les outils du numérique sont puissants et doivent être au service des médecins pour optimiser des organisations. C’est exactement ce qu’a montré l’adaptation de CTM à la crise Covid. La télémédecine de demain, en qualité, est celle de projets médicaux partagés, coordonnés et pilotés médicalement. La télémédecine est une corde à notre arc, en tant que médecin, et jamais une fin en soi.

Nous avons vu, pour des raisons d’urgence sanitaire, une dérégulation massive dans les usages. Une fois la crise passée, il faudra bien sûr faire le tri dans les pratiques télémédicales et les outils, et revenir à ce à quoi nous croyons depuis la création de la CGTR en 2008 :

  • Une pratique médicale régulée et raisonnable ;
  • Une qualification préalable des situations qui relèvent de la télémédecine ;
  • Une cartographie des risques ;
  • Une garantie de sécurité pour les données de santé ;
  • Une évaluation permanente des pratiques par des médecins.

Article paru dans la revue “Union Nationale des Internes et Jeunes Radiologues” / UNIR N°40

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