Interview : Cécile COURRÈGES, Directrice Générale de la DGOS

Publié le 31 May 2022 à 14:19


Quelles sont les mesures que la DGOS portera pour l’amélioration des conditions de travail des PHs,  notamment la place des médecins dans les instances décisionnaires va-t-elle être repensée ? (Nous faisons référence aux éléments du rapport COUTY : pression financière très forte non garant d’attractivité, conditions de travail trop assujeties aux paramètres financiers).
La DGOS promeut une gouvernance équilibrée où la communauté médicale peut trouver toute sa place.
Nous avons des exemples de cette gouvernance équilibrée : ce sont les endroits où justement il y a une proximité entre la direction de l’établissement et la CME, ce qui permet d’avoir une responsabilité plus partagée, plus collective où un projet est porté ensemble dans le cadre du projet médical de l’établissement. L’idée que la DGOS a de l’hôpital ce n’est pas celle d’un hôpital qui fonctionnerait sans la communauté médicale et soignante et d’ailleurs la gouvernance telle qu’elle est prévue aujourd’hui n’exclut pas la communauté médicale.
Ce qui n’empêche pas qu’il y ait parfois des situations locales un peu différentes… Notre préoccupation c’est aussi d’accompagner les médecins qui veulent prendre des responsabilités dans l’établissement à pouvoir aussi entrer dans ces fonctions et dans ces compétences ; et ce sera encore plus le cas dans le cadre des GHTs qui va nous obliger à revoir la façon dont tout cela peut s’exercer dans le cadre du projet médical partagé.

Comment est-ce que l’on mobilise les médecins de l’hôpital pour qu’ils participent au projet médical d’établissement ?
Je rappelle que dans le cadre des GHTs il y a une obligation de coopération entre tous les acteurs de l’hôpital et après ce sont les différents établissements et communautés qui avec leurs spécificités locales trouvent leurs façons de coopérer. Certains endroits ont d’ailleurs déjà une tradition ancienne de coopération forte alors que d’autres font presque cette découverte… il est clair qu’il y a des projets médicaux qui sont inégaux à la fois dans le cadre de leur contenu et aussi dans la façon dont ils ont été conçus. Mais il s’agit d’une première étape dans le cadre d’une réforme majeure qui a été menée dans des délais extrêmement courts, moins d’un an...

Rappelons qu’il n’y avait aucune visibilité ni réalité de terrain derrière cette chronologie…
Encore une fois on s’adapte et nous sommes tous conscients que cette temporalité n’était pas fixe… et cela a été redit dans le cadre du comité de pilotage des GHTs, il s’agit d’une première étape et un certain nombre de projets médicaux partagés vont devoir être en partie repris, probablement de manière plus rapide ; et c’est pour cela que les différents projets au sein des GHTs avancent à une vitesse différente… Mais un mouvement de coopération est en marche et c’est cela qui est important dans le cadre de la réforme des GHTs

Vous nous permettrez de ne pas totalement partager votre vision : sur le terrain il y a très peu de médecins qui se sentent impliqués dans le projet médical partagé… et de plus, quand c’est le cas, les médecins n’ont qu’une voix consultative…
Il y a des situations extrêmement différentes en fonction des établissements et des traditions locales et c’est là que la réforme des GHTs par l’obligation de coopération permet de dépasser ses difficultés. Nous poussons beaucoup à ce que les médecins et les soignants soient impliqués dans les projets médicaux... Le but est que cela entraine un service de meilleure qualité aux citoyens et cela ne passera pas seulement par une mutualisation des fonctions supports… L’accès aux soins et la place du citoyen dans son territoire et son système de santé sont des points sur lesquels les GHTs doivent apporter une nette amélioration.

La finalité c’est un accès aux soins plus facile et de qualité égale sur tout le territoire, d’accord. Mais ce projet d’engager les soignants dans une dynamique de participation ne se heurte-t-il pas à une mauvaise (voir une absence) de prise en compte du capital expérience de ces mêmes soignants qui simultanément ne sentent pas considérés dans leurs fonctions, se démotivent et quittent l’hôpital ?
Je n’ai pas une vision aussi noire que vous ; tous les soignants au sein des établissements de santé gardent à l’esprit la finalité que les établissements remplissent leurs fonctions de soins. Les GHTs peuvent justement permettre de moins se concentrer sur la question de la logique financière et par là même, permettre aux différents acteurs de donner plus de sens à leur travail dans le cadre de nouveaux projets médicaux et soignants partagés, mais aussi dans le cadre du territoire et dans le cadre des carrières hospitalières.

L’accès aux soins et la place du citoyen dans son territoire et son système de santé sont des points sur lesquels les GHTs doivent apporter une nette amélioration.

Vous parliez de l’évaluation des résultats du GHTs ? Sur quels paramètres se basera cette évaluation ?
Il y aura obligatoirement une évaluation des GHTs. Sur les conditions de mise en place, et surtout sur l’efficacité de l’amélioration de l’accès aux soins, la circulation et l’orientation vers la meilleure prise en charge possible pour le patient.

Un mouvement de coopération est en marche et c’est cela qui est important dans le cadre de la réforme des GHTs.

Concernant cette évaluation des GHTs, est-ce que les praticiens hospitaliers seront sollicités ?
Cette évaluation n’est pas encore organisée mais concernant le ministère de la Santé, nous trouverions normal et naturel que l’ensemble de la communauté hospitalière dont les praticiens hospitaliers, et aussi les usagers, soient sollicités.
Ces mesures vont-elles impacter le statut des PHs dans le cadre des activités non hospitalières (dont la recherche et l’enseignement).
Ces questions sont toujours d’actualité dans le cadre de l’évolution et l’attractivité des carrières hospitalières ; les praticiens hospitaliers ne font pas que de la clinique et leurs différentes activités doivent être valorisées et reconnues.

Quelles évolutions voyez-vous pour le statut de PH dans le cadre des GHTs, notamment le statut va-t-il rester national ?
Les groupes de travail concernant cette question n’ont pas encore démarré mais le cadre des GHTs va immanquablement entraîner des évolutions et des changements mais il n’est actuellement pas question de changer le statut national des PHs.

La restructuration (destruction ?) du service public hospitalier actuel est en cours ; est-il possible qu’un jour la fonction publique hospitalière disparaisse ?
Ce n’est pas notre orientation. Mais il est clair que le cadre de la fonction publique hospitalière à vocation à évoluer. Nous travaillons avec la mission d’Aurélien Rousseau, qu’il s’est vu confier dans le cadre de la stratégie de transformation du système de santé. Et un certain nombre de réflexions sont en cours, notamment sur la rémunération, le statut du contractuel ou les statuts d’emploi hospitalier, le dialogue social…

Merci madame la Directrice générale Une phrase de conclusion ?
N’ayons pas une vision noire de l’exercice hospitalier. L’hôpital a déjà évolué et sera encore amené à le faire à l’avenir ; il a démontré qu’il savait s’adapter. Sous réserve aussi de savoir accompagner ces évolutions et d’associer la communauté hospitalière à celles-ci et qu’elles restent ancrées sur ce qui fait le ferment/le socle de l’engagement hospitalier : l’engagement au service des autres et au profit d’un système de santé universel et accessible à tous.

Soins aux mineurs non accompagnés : les propositions des PASS

R. LAPORTE, E. BOUVROT, E. PIEGAY, B. BERTINI, M. SCHWARTZ
Pour le Groupe des Coordinateurs Régionaux des PASS

L’accueil de mineurs non accompagnés (MNA ou mineurs isolés étrangers) a triplé en trois ans en France
• Ces jeunes ont grandi dans des conditions de vulnérabilité socio-économique particulières. Ils ont emprunté une route de migration traversant des pays parmi les plus insécures et ont pu être confrontés à des réseaux criminels (d’exploitation, de prostitution, de passeurs…) et/ou être exposés aux dangers de la vie en situation de rue.
• Arrivant en France, ils formulent plusieurs demandes : être mis à l’abri, en sureté, être éduqués mais aussi bénéficier de soins. Les premières demandes relèvent de l’action des Conseils Départementaux dans leur action de protection de l’enfance, et du système éducatif.
• Les structures de soins doivent répondre au mieux à ces demandes explicites de soins (avec aux premiers rangs : des infections, une souffrance psychique, des douleurs – diffuses, traumatique, dentaires…).
• Mais, au-delà, l’intégration dans un parcours de santé français est essentielle et doit inclure un bilan de santé - pour lequel des référentiels sont en cours de construction. Cette démarche a été consacrée comme un « Rendez-vous Santé » pour les publics migrants primo-arrivants2.
• Les établissements hospitaliers reçoivent donc fréquemment ces jeunes en demande de soins, avec toute la complexité afférente à ces situations (l'allophonie, la représentation du corps et de la santé, l'identité, l’autorisation de soins, le cadre socio-éducatif en sortie…). Une enquête a été adressée aux Permanences d’Accès aux Soins de Santé (PASS) et aux soignants notoirement impliqués pour les soins aux MNA dans leur hôpital.

Une synthèse des propositions d’amélioration pour l’accueil et la prise en charge médicale de ces jeunes mineurs a été validée par les Coordinateurs Régionaux des PASS sur la base de problématiques dégagées.

PROPOSITIONS

Proposition 1 Etablir un protocole de prise en charge des soins pour les Mineurs Non Accompagnés (MNA), validé par les autorités compétentes incluant l'indication de la temporalité pour la réalisation d’un bilan de santé, la nature de ce bilan (soins à proposer systématiquement ou non) et précisant le rôle des différents opérateurs et intervenants devant être mobilisés (sanitaire, accompagnant social et éducatif).
Proposition 2 Clarifier la règlementation et le statut légal du MNA pendant la période d’évaluation en prenant en compte les situations cliniques (urgences, consultation, chirurgie, psychiatrie…) et les problématiques afférentes (consentement aux soins, autorisation de sortie, délivrance de traitements externes…).
Proposition 3 Organiser sur chaque territoire un espace de soin permettant de programmer des consultations régulières (vaccination, dépistage) accessibles aux MNA.
Proposition 4 Maintenir un cadre légal permettant l’obtention et le maintien de droits à une couverture universelle d’assurance complète (PUMA + CMUC) pour les MNA à toutes les étapes de leur parcours depuis leur arrivée sur le territoire national (d'avant le premier accueil jusqu'à l'OPP ou la décision de recours). Le maintien des droits PUMA+CMUC pendant 12 mois à compter de la date de rejet de son statut de MNA devrait être appliqué comme pour les déboutés de la demande d’asile.
Proposition 5 Inclure explicitement l’ouverture d’une couverture sociale au cahier des charges des structures d'hébergement et ceci dès le premier accueil, compte tenu des procédures simplifiées possible entre les CPAM et les services en charge de l’accueil des MNA (programme PLANIR).
Proposition 6 Dimensionner des ressources appropriées pour le bilan de santé prévu incluant une ligne budgétaire spécifique pour le financement d’actes sur un plateau technique dans des situations où la couverture sociale n’est pas encore effective.
Proposition 7 Organiser un dépistage systématique de la souffrance et des troubles psychologiques et psychiatriques et un accès simplifié aux soins psychologiques et psychiatriques.
Proposition 8
Mettre à disposition des soins dentaires et ophtalmologiques.
Proposition 9 Créer des conventions entre structures (structures sanitaires, ASE, associations, familles, structures d’hébergement d’urgence) pour la coordination du parcours de soins. Remarque : Option partagée entre les PASS d’identifier des référents MNA dans chaque structure sanitaire ainsi que des coordinateurs régionaux dédiés. Concernant l’hypothèse de coordinateurs régionaux, le nombre de MNA parmi l’ensemble des publics ciblés par le PRAPS ne permet pas, dans la majorité des cas, d’identifier une mission spécifique.
Proposition 10 Inclure l’organisation du parcours de soins au cahier des charges des structures d'hébergement. Remarque : Option partagée entre les PASS de présence quotidienne d’infirmiers et médiateurs sanitaires en structures d’hébergement.
Proposition 11 Former les éducateurs au repérage des besoins sanitaires.
Proposition 12 Organiser des plateformes interdépartementales de suivi médical pour la transmission des données sanitaires et en particulier des logiciels de partage d’informations aux autorisations d’accès adaptées (suivant les métiers et avec traçage des accès) pour éviter les doublons d’identités et d’examens.
Proposition 13 Prolonger l’accompagnement et l’hébergement jusqu’à l’épuisement des recours. Remarques : Ceci inclue le besoin de clarifier les démarches et recours possibles et de les expliquer aux MNA déboutés. Malgré les conséquences potentielles sur la santé et le parcours de soins, ce besoin d’information est hors du champ sanitaire. La mobilisation de partenaires indépendants (associations de défense des droits les migrants), dans le cadre de conventions, pourrait documenter la préservation de l’impartialité des informations communiquées par rapport à l’évaluation du statut.
Proposition 14 Permettre une ouverture rapide d’AME en attente de la PUMA+CMUC si celles-ci ne peuvent être obtenues immédiatement et après l’épuisement de tous les recours des jeunes n’ayant pas obtenu la reconnaissance de son statut de MNA (après l’épuisement de la période de maintien de droits de 1 an de la PUMA+CMUC comme pour les demandeurs d’asile déboutés). Remarque : Option partagée entre les PASS de protocoles avec les CPAM pour créer des dossiers sans date de naissance pour les MNA déboutés tant que leur situation administrative et leur date de naissance n’est pas statuées au niveau juridique.
Proposition 15 Renforcer les moyens des PASS pour la prise en charge du parcours de soins des MNA déboutés.

Les établissements hospitaliers reçoivent donc fréquemment ces jeunes en demande de soins, avec toute la complexité afférente à ces situations.

Article paru dans la revue « Intersyndicat National Des Praticiens D’exercice Hospitalier Et Hospitalo-Universitaire.» / INPH n°13

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