Interne et… Écrivain

Publié le 25 May 2022 à 13:14

Nouvelle rubrique pour le Psy Déchaîné, « Interne et… » vient à la rencontre d’internes qui partagent leur temps entre leur activité de psychiatre, et une autre passion, quelle qu’elle soit.

Nous avons rencontré Aymeric, interne de Caen, et également auteur à ses heures perdues. Il a écrit et édité son dernier roman, L’Amour de l’Homme », et nous sommes allés lui poser quelques questions.

1) Peux-tu te présenter rapidement ?
 Je termine ma première année d’internat en psychiatrie au CHU de Caen. Après un premier semestre aux urgences, je travaille actuellement dans le service Jean-Baptiste Pussin au Bon-Sauveur de Saint-Lô, une unité constituée de 12 lits qui reçoit essentiellement des patients en soins sans consentement. Après l’ECN, le choix de la BasseNormandie s’est imposé naturellement, étant donné qu’il s’agit de ma région d’origine et que j’y ai toutes mes attaches familiales. J’envisage à terme de m’installer en tant que psychiatre libéral dans la Manche, même si je reste ouvert aux opportunités.

2) Pourquoi t’es-tu mis à écrire ?
J’ai achevé mes premières histoires complètes au lycée. À l’époque, c’était surtout des récits fantastiques ou de science-fiction, l’objectif principal était le rêve, l’évasion. En mûrissant, j’ai compris qu’exploiter correctement le potentiel de l’écriture implique davantage, qu’un livre abouti doit être porteur de messages, stimuler la pensée, et j’ai évolué dans ce sens ; c’est de cette démarche qu’est né L’Amour de l’Homme, que j’essaie de diffuser en auto-édition numérique via Amazon et Kobo, et qui raconte, dans une perspective psychologique et humaniste, le parcours d’un étudiant catholique pratiquant qui se découvre homosexuel. L’idée de base était, au vu des polémiques de ces dernières années, de jeter un pavé dans la mare et de montrer, à travers les réflexions de mon personnage, que chacun des deux « camps » a ses raisons, qu’un dialogue constructif est possible.

3) Quels liens retrouves-tu entre ton métier d’interne et ton métier d’écrivain ?
Il me semble que ces deux activités s’enrichissent mutuellement. En psychiatrie plus que dans toute autre spécialité médicale, chaque entretien implique une rencontre avec le parcours de vie d’un individu, ses richesses personnelles, ses combats intérieurs, ce qui constitue une formidable source d’inspiration. Inversement, écrire implique de rendre crédible ses personnages, parfois très différents de soi, ça apprend à dépasser ses propres mécanismes et affects. De plus, le travail de documentation enrichit la culture personnelle ; j’ai par exemple reçu en entretien plusieurs patients homosexuels, après avoir écrit L’Amour de l’Homme, et je pense que ça m’a permis d’aborder le sujet de manière plus sereine, avec davantage d’empathie.

4) Comment fais-tu pour mélanger ces deux métiers ?
J’écris sur mon temps libre, donc essentiellement le week-end, parfois le soir. Il n’est pas toujours évident de maintenir la cadence, c’est vrai. Un autre problème, aussi, est que, une fois le roman achevé, j’ai peu l’occasion de me consacrer à sa promotion. L’Amour de l’Homme est en vente, mais je me rends bien compte que je n’en fais pas assez la publicité. J’ai néanmoins réussi, par le biais d’un site consacré aux auteurs indépendants, à être lu par un certain nombre de personnes et à obtenir des retours très encourageants.

5) Est-ce que tu souhaites à l’avenir continuer à mixer ces deux activités ?
Oui, clairement ! Psychiatrie et écriture sont deux activités qui me passionnent toutes deux et je n’envisage pas d’arrêter totalement l’une au détriment de l’autre. Mais, concernant le marché du livre, il faut être lucide, il suit avec quinze ans de retard la même tendance que celui du disque, la crise n’aidant en rien ; à l’heure actuelle, la place accordée par les maisons d’édition aux nouveaux auteurs est quasi inexistante, et même si vivre de sa plume est un rêve pour beaucoup, cela ne me semble pas très réaliste en 2015. Disons que, si un jour mon activité d’auteur décolle suffisamment pour devenir significative en termes de revenus, je réfléchirai peut-être à exercer la médecine à 80 % ou à mi-temps pour laisser plus d’espace à l’écriture, mais ce n’est que pure spéculation !

Propos recueillis par
Benjamin LAVIGN

Article paru dans la revue “Association Française Fédérative des Etudiants en Psychiatrie ” / AFFEP n°15

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