Intérêts et inconvénients de l’exercice en secteur 1

Publié le 12 May 2022 à 01:03

La DREES recueille tous les trois ans les données relatives aux revenus complets des médecins exerçant en libéral, à travers les déclarations d’imposition sur le revenu appariées aux données de l’Assurance maladie.

A la lecture des revenus des gynécologues publiés depuis des années par la DREES et par la CARMF, tous les gynécologues ont un intérêt financier à s’installer en secteur 2.

Mots-clés
- Bénéfice supérieur en secteur 2
- Le gynécologue, formé par le CES, prisonnier du secteur 1
- Revalorisation récente des tarifs opposables
- Pouvoir pratiquer des soins de qualité

1 - Les revenus d’activité des médecins libéraux
La DREES recueille tous les trois ans les données relatives aux revenus complets des médecins exerçant en libéral, à travers les déclarations d’imposition sur le revenu appariées aux données de l’Assurance maladie.
En 2011 selon la DREES (1), les médecins ont des écarts de revenus différents selon leur secteur d’exercice et les gynécologues en secteur 2 déclarent un écart de 40% avec leurs confrères de secteur 2.
En 2017, la DREES (2) fait un bilan des revenus des médecins libéraux* entre 2011 et 2014. En 2014, les praticiens libéraux ou mixtes ont perçu un revenu d’activité globale de 112 000 euro. Les praticiens libéraux ou mixtes les mieux rémunérés (radiologues, anesthésistes et chirurgiens) dépassent les 180 000 euro soit plus du double de celui des généralistes et des gynécologues du secteur 1 (72 100 euro). La DREES dans son bilan publié en 2017, analyse une période plus longue (2005/2014) et note une progression annuelle des revenus de + 0,9% pour l'ensemble des médecins avec, là encore, avec des écarts très significatifs : 0,7% pour les gynécologues secteur 1 et - 0,1% pour les gynécologues secteur 2.

2 - L’historique du secteur 2
L’assurance maladie créée en 1945 sur les revenus du travail a pour socle la solidarité en matière de santé.
La première convention médicale en 1971 est fixée pour une durée de 5 ans.
En 1980 du fait du chômage croissant, les difficultés financières de la sécurité sociale ne permettent pas de revaloriser le CS pour le spécialiste ni le C du médecin généraliste lors de la troisième convention.
En dehors des médecins qui ont droit à un dépassement permanent, DP, réservé à une minorité de notoriété reconnue, les autres médecins voient leurs tarifs bloqués au niveau fixé par la sécurité sociale.
La sécurité sociale rembourse sur la base du tarif d’autorité dont le niveau est très faible, voire symbolique s’ils se déconventionnent.
Ce blocage provoquant des tensions dans les négociations conventionnelles, amène la création par le ministre en charge de la sécurité sociale, du secteur 2 ou secteur optionnel. Le secteur 2 des années 80, ouvert à tous les médecins, autorisait les praticiens à fixer librement leurs honoraires mais avec "tact et mesure".
Le médecin en secteur 2 bénéficie d’une liberté de prix tandis que le médecin en secteur 1 bénéficie d’exonérations de charges qui sont variables selon les années et les choix politiques.
L’attrait est tel que 20% des médecins ont rejoint le secteur 2 entre 1985 et 1990.
Le patient est remboursé sur la base du tarif opposable, le reste à charge est pris en charge, ou non, par sa mutuelle. L’attractivité du secteur 2 est tellement importante qu’en 1990, lors de la cinquième convention, le secteur 2 est gelé. Il devient réservé aux médecins titulaires de titres hospitaliers (article 38-1-1 de la convention nationale des médecins généralistes et spécialistes). Les conditions d’installation en secteur 2 sont listées sur le site du Conseil de l’Ordre (3). Les gynécologues anciens CES qui n’ont pas choisi le secteur 2 en première installation seront définitivement prisonniers du secteur 1.
Seule possibilité, remplacer une gynécologue secteur 2 car le remplaçant exerce son remplacement sous le régime conventionnel de celui qu’il remplace.
Le CAS (Contrat d'Accès aux Soins) a été instauré en 2013, pour enrayer l'augmentation des dépassements d'honoraires chez les médecins du secteur 2.
Mais les médecins enfermés en secteur 1 ayant les titres pour s’installer en secteur 2 ont pu aussi signer le contrat d’accès aux soins qui prévoit une limitation des dépassements.
La France voulant continuer dans la socialisation du risque de santé a débuté dans la dernière convention (4) une revalorisation des tarifs opposables. Ces revalorisations devraient faciliter l’installation en secteur 1 ou permettre aux médecins éligibles au secteur 2 de signer le nouveau contrat de soins OPTAM ou OPTAM CO.

En secteur 1 le médecin qui pratique des IVG médicamenteuses est mieux rémunéré car le tarif des IVG est bloqué.

3 - Quels sont les intérêts à s’Installer Gynécologue en secteur 1
Le tiers payant et les patientes défavorisées
Si le gynécologue s’installe dans des zones géographiques défavorisées il peut prendre en charge toutes les patientes et être financé par les organismes. En effet, les patientes disposant de faibles ressources ou en situation de précarité ont des dispositifs spécifiques d’accès aux soins qui empêchent les dépassements d’honoraires mais qui paient le professionnel de santé.
L'aide médicale de l'Etat (AME) ouvre droit à la prise en charge à 100% des soins avec dispense d'avance de frais, même hors parcours de soins coordonnés.
La CMU puis la CMU C créée pour faciliter l’accès aux soins ne permettent pas les dépassements sauf exigence particulière. Au 31 décembre 2016, environ 4,91 millions de personnes affiliées au Régime général bénéficient de la CMU C mais avec des disparités car il y a 32,3% de bénéficiaires de la CMU C dans les DOM contre 4,5% en Bretagne.
Comme les cotisations (URSSAF, CAF, ASV) en secteur 1 sont inférieures à celles du secteur 2, ces médecins qui prennent en charge les patientes en CMU (ou les IVG médicamenteuses) gagnent dans ce contexte un peu plus que le secteur médicamenteux est mieux rémunéré car le tarif des IVG est bloqué.
Le tiers payant doit devenir un droit pour tous les Français à partir du 1er décembre prochain. Toutefois, la loi ne prévoit pas de sanctions pour les médecins refusant d'appliquer la réforme, que le Conseil constitutionnel a limitée à la seule part remboursée par la Sécurité sociale.
Le gynécologue en secteur 1 peut faire le tiers payant très facilement sur de nombreux actes de la CCAM et sur des consultations.
Le suivi des grossesses et le post-partum, l’infertilité avec l’article 322-3-12 du code de la Sécurité sociale, les pathologies gynécologiques en ALD et l’IVG sont à 100%. Quand le tiers payant ne concerne pas la part mutuelle, le médecin peut tirer un avantage à ne pas faire régler la patiente. C’est souvent un gain de temps.

La revalorisation des tarifs opposables
La France voulant favoriser l’accès aux soins en secteur 1 a débuté une revalorisation des tarifs opposables. Pourtant, dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale, dévoilé le 20-09-2017, les experts de la Cour des comptes fustigent la “tarification figée” des actes techniques (CCAM) et le caractère inefficace des conventions médicales pour corriger les écarts de rémunérations entre spécialités “qui se renforcent”. La Cour recommande de réviser activement la nomenclature des actes techniques en fonction de leur valeur médico économique mieux objectivée.
En s’installant en secteur 1 en 2018, le gynécologue médical doit bien connaître le tarif des actes de la CCAM et les associations possibles. Il doit pratiquer l’échographie gynécologique de routine pour pouvoir associer des actes. Il existe peu d’actes associables aux consultations. Il doit apprendre à orienter sa pratique professionnelle en fonction des revalorisations tarifaires.
Le gynécologue en secteur 1 doit bien connaître, les conditions d’avis ponctuel de consultant dans le cadre du parcours de soins (5). Les patientes en gynécologie sont en accès direct seulement pour la contraception, la consultation de prévention, le suivi de la grossesse et l'IVG médicamenteuse. Il peut orienter son activité sur des consultations adressées par les médecins traitants.
Le C2 évolue en APC, 48 € le 1er octobre 2017 et 50 € le 1er juin 2018.
Il doit privilégier les consultations complexes, revalorisées au 1er novembre 2017 (première consultation de contraception et prévention, première consultation de stérilité et pathologie endocrinienne de la grossesse).
Le gynécologue en secteur 1 au 1er janvier 2018 doit garder des créneaux pour les urgences adressées par les médecins traitants. Il bénéficiera alors de la MCU (majoration de consultation urgente si la patiente est vue dans les 48 h).

4 Quels sont les inconvénients à s’installer gynécologue en secteur 1 ?
De nombreuses consultations complexes, longues, difficiles sont toujours payées 30 €.
Le suivi des grossesses à haut risque est au même tarif que le suivi des grossesses normales.
Il est très difficile en secteur 1 de s’installer pour prendre en charge les couples infertiles qui nécessitent des consultations complexes répétitives avec de nombreux appels téléphoniques ou contacts par mail.
La revalorisation des consultations complexes débute en 2017 mais elle ne concerne qu’une seule consultation revalorisée.
De nombreuses patientes qui ont pris rendez-vous avec un spécialiste souhaitent que leur gynécologue prenne son temps pour ce rendez-vous si intime. L’HAS recommande aussi des longues consultations pour élargir le choix contraceptif, améliorer l’IVG et sa prévention, améliorer la consultation prénatale, répéter la prévention des risques sexuels. Les femmes et les couples ont souvent beaucoup de questions et de problèmes à régler en une seule fois. Mais le gynécologue en secteur 1, a des tarifs bloqués. Il n’a pas cette liberté. Doit-il proposer à la patiente plusieurs rendez-vous pour répondre à toutes ses questions ?

5 – Conclusion
S’il a les titres pour s’installer en secteur 2 le gynécologue doit choisir le secteur 2 (avec OPTAM ?).
Tous les chiffres des revenus des gynécologues sont sans appel.
S’il s’installe dans des zones défavorisées comme les départements d’Outre-mer, ou les zones déficitaires il peut s’installer en secteur 1, en espérant que le ministère poursuive la revalorisation des tarifs opposables pour permettre l’installation de gynécologues de ville en secteur 1 sur tout le territoire. S’il s’installe en secteur 1 dans des zones défavorisées, le gynécologue peut profiter d’aides financières comme le CAIM : Contrat d’Aide à l’Installation des Médecins.
Mais que souhaitent les femmes ?

6 – Bibliographie
1 - [PDF]Les honoraires et revenus libéraux des professionnels de ... - Drees www.sfcd.fr/content/files/Dress%20honoraires %20pro%20santé%20208%202010.pdf
N° 786 décembre 2011. Les honoraires des professionnels de santé libéraux entre 2008 et 2010. Entre 2009 et 2010, les honoraires totaux des médecins...
2 - 07 Les revenus des médecins libéraux - Drees drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche7- 3.pdf Les revenus des médecins libéraux sont calculés tous les trois ans à partir d'une ... déclarations de revenus des médecins nécessaires au calcul de leurs ...
3 - Conseil de l'Ordre des médecins ; Conditions d'accès au secteur 2 https://www.conseil-national.medecin.fr/
4 - Convention parue dans Les Cahiers SYNGOF N°109 de juin 2017.
5 - Texte C2 paru dans Les Cahiers SYNGOF N°93 de juin

E.PAGANELLI*
Article paru dans la revue “Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France” / SYNGOF n°111

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Publié le 1652310203000