Actualités : Il faut dire stop !

Publié le 20 mars 2025 à 09:27
Article paru dans la revue « ISNI / ISNI » / ISNI N°34

Entretien avec Laurence Feray-Marbach, co-fondatrice de Lipseim, Ligue Pour la Santé des Étudiants et Internes en Médecine, association créée en 2020.

Quelle fut votre réaction à la lecture de l'enquête sur la santé mentale des internes ?

Laurence Feray-Marbach.- Ces chiffres sont toujours aussi alarmants… Malheureusement, je ne suis pas étonnée quand on sait le nombre d'heures travaillées, les conditions de travail, la pression subie et le manque de prévention primaire. Mais il y a des choses qui bougent. Aujourd'hui, la Conférence des Doyens ou l'Ordre des Médecins par exemple reconnaissent que la santé mentale des jeunes et des internes va mal. En 2020, quand on a créé l'association, le monde de la santé était encore dans le déni.

Qu'est-ce qui a bougé depuis 2020 ?

L. F-M.- Je constate qu'il y a de plus en plus d'initiatives locales : la mise en place de lignes d'écoute, l'investissement de la médecine du travail, l'entraide entre pairs. Mais il y a encore beaucoup de choses qui ne bougent pas comme le respect de la loi sur le temps de travail. On sait pourtant bien que ce non-respect nuit à la santé des patients et à la santé des soignants. Et pour des jeunes en formation, plus fragilisés, cela peut se traduire par des burn-out, des suicides chez les internes, et par des erreurs médicales chez les patients. Dans les CHU et les CH la prévention primaire n'existe pas. Quand j'en parle, ils ne comprennent pas ! Il y a toujours un entre-soi dans le monde hospitalier où l'on veut tout résoudre sans faire de vagues, alors même que les compétences en matière de gestion des risques psychosociaux sont insuffisantes, pour ne pas dire inexistantes.

En quoi la prévention primaire est essentielle ?

L. F-M.- C'est normal de voir quelqu'un pleurer au bureau ? C'est normal de souffrir au travail ? Non. Dans la formation des internes, dès leurs premières années, on leur dit : « Vous allez en baver ! Vous devez être capable d'affronter ça ! ». Les internes aujourd'hui sont maltraités, on les déplace comme des pions, ils font tourner l'hôpital et ils ne se révoltent pas.

Notre association est active dans la prévention primaire à la fois dans les amphis et dans les hôpitaux : elle informe et sensibilise les étudiants et les internes en médecine aux risques psychosociaux et à la reconnaissance des signes de souffrance au travail. Elle plaide pour que des dispositifs de prévention primaire soient déployés dans tous les CH-CHU car ils font partie des obligations légales de l'employeur.

Qu'avez-vous envie de dire aux internes ?

L. F-M.- Il faut savoir dire NON. Vous ne devez pas courber l'échine pendant 3 ou 6 mois en vous disant que ça ira mieux après. Car il y aura d'autres internes derrière vous qui seront dans la même souffrance. Vous avez une responsabilité collective à dire non pour vous ou dire non pour protéger votre co-interne. Cela peut sauver des vies. Mon association, mon combat a trouvé son origine dans un drame. On a vu ma fille, interne, pleurer, on l'a vu boire trop de café, on l'a vu se prescrire des bêtabloquants. Elle était passionnée. Elle s'est investie à fond. Elle a trop donné, s'est épuisée au travail. Malheureusement, personne n'y a vu un danger, personne n'a su lui dire stop.

Si vous voulez en savoir plus sur Lipseim, si vous voulez témoigner ou si vous avez besoin d'aide : lipseim.fr/

 

Publié le 20 mars 2025 à 09:27